L'invitée de la semaine
dernière : Elena Oryekhova
LES
INVITEES DU COSMOPIF
N°287
(lundi 5 juillet 2010)
26e astronaute
américain
Pilote du module
lunaire Aquarius de la mission Apollo 13
Fred
Haise en bref
Né le 14 novembre 1933
à Biloxi, dans le Mississippi
Pilote de chasse à partir de 1952 (débute sur la base aéronavale de
Pensacola, en Floride)
Ingénieur aéronautique diplômé de l'université d'Oklahoma en 1959
Pilote d'essais de la NASA à partir de 1959
9 300 heures de vol à son actif dont 6 200 heures
sur avions à réaction
Sélectionné comme astronaute
par la NASA en avril 1966 (groupe n°5)
Membre des équipages de
réserve des missions Apollo 8 et Apollo 11 en 1968-1969 (pilote du
module lunaire)
Pilote du module lunaire de
la mission Apollo 13 (11-17 avril 1970), interrompue à la suite d'une
explosion dans le module de service
Doublure du commandant de la
mission Apollo 16, il devait ensuite diriger la mission Apollo 19 qui
fut annulée
Assistant technique du
responsable du programme Navette d'avril1973 à janvier 1976
Pilote du démonstrateur
atmosphérique Enterprise lors du programme ALT en 1977
Quitte la NASA en juin 1979
pour devenir vice-président chargé des programmes spatiaux de la société
Grumman Aerospace. Est aujourd'hui président de Grumman Technical Services,
Inc.
Temps total passé dans
l'espace : 5 jours 22 heures et 55 minutes
Marié, 4 enfants
Fred Haise recevant des mains de Charles Bolden,
administrateur de la NASA, un Ambassador of Exploration Award
contenant un véritable morceau de roche lunaire le
2 décembre 2009.
La pièce est aujourd'hui exposée à l’école de Biloxi où Fred
Haise fut scolarisé.
9 questions
à Fred Haise
Fred Haise, comment êtes-vous devenu astronaute ?
Je n’ai pas grandi en voulant
devenir astronaute. Je suis d’abord devenu pilote puis pilote d’essai. Au
départ, je n’avais pas du tout les qualifications pour être astronaute lorsque
la sélection des astronautes Mercury a eu lieu. Je suis donc allé sur la base
d'essais d'Edwards en Californie et c’est une période de ma vie que j’ai adoré.
J’étais franchement un peu dubitatif quant au programme spatial américain car
on ne savait pas ce qui viendrait après Mercury. Les objectifs futurs de
l’exploration spatiale n’étaient pas très clairs. Lorsque l’annonce du
programme Apollo a eu lieu, l’idée d’aller sur la Lune m’a vraiment emballé et
m’a convaincu de laisser de côté le pilotage et les essais en vol pour
rejoindre le groupe des astronautes.
Comment
avez-vous appris la nouvelle sélection d’astronautes ?
J’étais déjà un employé de la NASA
depuis environ 7 ans, en tant que pilote d’essai. Je n’avais donc qu’à remplir
un dossier de candidature de la NASA que mon chef devait signer ainsi que
d’autres personnes qui me recommandaient pour ce travail. Une fois le dossier
constitué, j’ai suivi le processus de sélection comme les autres candidats.
Quel est le
meilleur souvenir de votre carrière ?
Le tout premier vol libre
[atmosphérique] de la navette Enterprise est probablement le vol dont je suis
le plus fier. Même s’il y a eu un
incident à bord, ça ne nous a pas vraiment pénalisé durant cet essai. Un ordinateur
de bord s’est arrêté juste au moment de la séparation [entre Enterprise et le
Boeing 747 porteur] mais les trois autres ordinateurs ont isolé celui qui
fonctionnait mal et le contrôle de notre engin n’en a pas été affecté. Ce fut
donc un succès total. D’ailleurs, l’intégralité des 8 vols habités d’essai
atmosphériques de la navette, puisqu’elle redevient un avion lors de la rentrée
dans l’atmosphère, a été un grand succès.
Le programme ALT (Approach
and Landing Test) de la NASA permit de
démontrer que l'orbiteur de la navette
spatiale pouvait voler et atterrir comme un planeur.
Deux équipages d'astronautes (Fred Haise/Gordon Fullerton
et Joe Engle/Richard
Truly) se relayèrent aux commandes du
démonstrateur atmosphérique Enterprise
(OV-101) pour 5 tests en vol libre effectués entre août et octobre 1977.
Vous
rappelez-vous des séparations entre le Boeing et la navette ?
Oui, c’était plutôt simple
mécaniquement. Avant les vols "libres" de la navette, nous avions
réalisé 3 vols où la navette restait accrochée sur le dos du Boeing où
nous avons déterminé les meilleurs profils de vol "captif" afin
d’assurer le bon déroulement de la séparation. Nous étions donc déjà arrivés à
cette dernière étape plusieurs fois avant et cela a été plutôt simple et direct
lors du premier vol libre : après l’accord avec le 747, j’ai appuyé sur le
bouton de séparation qui a mis à feu les boulons explosifs [qui nous
retenaient] et nous étions partis !
Avez-vous
un avion ou un objet spatial favori ?
Concernant les chasseurs,
mon préféré est le F-86 Sabre que j’ai longtemps piloté. Je n’ai pas beaucoup
piloté de bombardiers, le seul à mon tableau étant le B-57 qui était de
conception britannique. J’ai aussi piloté quelques avions de transport,
notamment le B747, le B707 mais mon préféré reste le "vieux" Douglas
DC3 qui était très fiable et qui pouvait voler par tout temps, y compris les
conditions givrantes sévères. Certains de ces avions sont encore en état de
vol, pour un avion conçu dans les années 30 !
Quel est
l’évènement spatial qui vous a le plus marqué, en général ou depuis Mission
Control ?
Je n’ai pas vraiment en tête
d’évènement qui m’a bouleversé. Les vols d’Enterprise ont été de grands moments
car j’en étais un des pilotes d’essai. J’ai aussi été capcom durant la mission
Apollo 14 et c’était pour moi l’occasion de mettre à profit mon entraînement
d’Apollo 13 pour aider Ed Mitchell et
Al Shepard lorsqu’ils étaient sur la Lune à l’endroit exact où nous étions
censés alunir sur 13. J’étais très au courant de ce qu’ils auraient à faire et
je ne sais pas si j’ai été au final très utile mais j’ai pu au moins
"rentabiliser" un peu l’entraînement dédié à la surface lunaire que nous
avions eu pour Apollo 13, afin qu’il n’ait pas servi à rien.
De manière générale, j’ai aussi
vécu de très bons moments en dehors de Mission Control lorsque nous étions en
contact avec les gens extérieurs lors des différents essais du vaisseau.
C’était un programme spatial gigantesque et nous étions amenés à travailler
avec beaucoup de personnes. Par exemple, lors des entraînements, nous avons
effectué des tests en chambre à vide avec les vaisseaux entiers ou juste
"nous" pour vérifier le fonctionnement des "sacs à dos" des
scaphandres. Nous étions accrochés à des suspensions car ces derniers étaient
trop lourds à porter sur Terre. Tous ces essais de matériel nous ont donc
permis de partager de grands moments avec le personnel de la NASA et ses
sous-traitants et l’ensemble reste un grand souvenir "humain" pour
moi.
Vous
rappelez-vous de la soirée des premiers pas sur la Lune ?
Oui, comme j’étais membre de
l’équipage de réserve pour cette mission, la tradition voulait que nous allions,
durant les phases critiques du vol, au domicile de l’astronaute dont nous
étions la doublure. J’étais donc ce soir-là au domicile de Buzz Aldrin.
C’est ce que fait l’équipage de réserve durant un vol afin d’assister les
familles, à moins qu’il y ait une urgence, auquel cas il se rend au Mission
Control pour aider. J’ai donc regardé les premiers pas de l’homme sur la Lune à
la télévision [Rires] !
Qu’attendez-vous
des programmes spatiaux dans le futur ?
Je n’ai franchement pas vraiment
d’idée sur ce qu’il va se passer à l’avenir car les programmes spatiaux des
Etats-Unis ou des autres états de la planète dépendent des budgets qu’on leur
alloue. Et comme je ne suis pas dans le monde politique qui prend ces
décisions, je ne peux rien affirmer. Cependant, je rêverais de voir
l’exploration lointaine habitée se développer, notamment avec des stations sur
la Lune et sur Mars. La Lune offre un point d’observation unique puisque
l’atmosphère et le champ magnétique y sont très faibles : cela peut être
très utile pour y implanter des télescopes. L’exploration de Mars est l’étape
suivante et ce sera probablement la seule planète que nous pourrons visiter
dans notre système solaire compte tenu des moyens actuels de propulsion. Mais
si une percée dans ce domaine a lieu, pourquoi ne pas aller visiter une
exo-planète viable ?
Quelle est
votre opinion sur le film Apollo 13 réalisé par Ron Howard ?
Je trouve que c’est un bon
film ! L’équilibre est bien trouvé entre les scènes de vol et les scènes
au sol. On y voit bien tous les efforts qui ont été fait au sol pour nous
ramener vivant sur Terre. Et très bonne fin hollywoodienne !
Merci, Fred
Haise !
Retranscription
et traduction de Simon
Oudin
Photos Stéphane Sébile
La semaine
prochaine (lundi 12 juillet 2010) : Jean-Pierre Talbot
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