L'invit� de la semaine derni�re : V�ronique Loisel
LES
INVITES DU COSMOPIF
N�204
(lundi 22 septembre 2008)
http://spacemen1969.blogspot.com/
Qui �tes-vous, St�phane S�bile ?
J�habite
en r�gion parisienne et travaille pour le Minist�re des Affaires �trang�res.
J'ai 38 ans, je suis mari� et nous avons deux enfants : une
petite fille de 4 ans et demi qui s�appelle Maddy et un petit gar�on de
5 mois qui s�appelle Timothy. Je suis passionn� par la conqu�te spatiale
et tout ce qui vole. Je suis �galement astrophilat�liste et collectionneur de
tout ce qui se rapporte � l�espace (autographes d�astronautes, livres, objets
ayant vol� dans l�espace, etc., etc.). D�ailleurs, je n�ai plus de place � la
maison !
Mon parcours professionnel n�a rien � voir avec le spatial� Sp�cialiste du secourisme et de l�incendie (ancien secouriste, moniteur, pompier, etc.), j�ai continu� dans le milieu de la pr�vention incendie puis rejoint la fonction publique en tant que pr�ventionniste (r�novation et mise en conformit� des �tablissements publics/pr�vention risques industriels, etc.). Rien � voir donc avec le spatial� Mais la passion est l� et ce, depuis longtemps !
Les vols habit�s me passionnent et
tout ce qui s'y rapporte... Comment cette passion est-elle n�e ? Tout le
monde se la pose dans ma famille ! Certainement la t�l�vision et le
feuilleton L�homme qui valait 3 milliards. Le g�n�rique, le crash,
Steve Austin, la Lune, l�astronaute, etc. Tout cela a du faire bing !
dans ma t�te...
Steve Austin,
astronaute fictif de la s�rie L'homme qui valait 3 milliards
apparue en
France sur Antenne 2 en 1975
Apr�s avoir
�t� gri�vement bless� lors du crash d'un lifting body d'essai,
il est
�quip� de plusieurs proth�se bioniques qui d�cuplent ses performances physiques
La s�rie
vient d'�tre �dit�e en DVD chez macollection
Toujours est-il que vers
5-6 ans, j�ai litt�ralement harcel� ma m�re pour qu�elle m�aide � �crire �
la NASA, � un astronaute. Et, � part Armstrong qu�elle croyait injoignable,
elle n�a trouv� que le nom de John Young. J�ai lui donc �crit avec l'aide de ma
m�re. Plusieurs semaines plus tard, j�ai re�u une ENORME lettre de la NASA. A
l�int�rieur, plein de photos du programme Gemini et Apollo auxquels
l'astronaute avait particip�. Et surtout, des photos d�dicac�es � mon nom� Le
bonheur pour un petit bonhomme comme moi ! Nous sommes alors all�s � la
biblioth�que et nous avons trouv� un livre avec d�autres noms d�astronautes ;
et hop ! je suis d�s lors devenu un collectionneur atteint de
collectionnite aigu� !
Heureusement, j�ai la chance
d�avoir une �pouse que cela int�resse �galement : ma passion est donc
partag�e et beaucoup plus facile � vivre. Ainsi, lorsque j�ai d�cid� d'assister
au maximum de lancements de navettes il y a 10 ans, mon �pouse m�a appuy�
� fond (elle sait que c�est mon seul vice, ah, ah, ah !) et, quand cela
est possible, elle m�accompagne m�me. Le risque du report de lancement existe
toujours, c'est � chaque fois un gros coup de poker. Mais il semble que la
chance soit de mon c�t� puisque j'en suis aujourd'hui � mon 18e d�collage
"r�ussi" en 10 ans (le dernier �tait STS-124, le 31 mai
dernier).
D�part de
la navette Discovery le 31 mai 2008
En plus d'assister aux lancements de navettes, mon budget est aussi consacr� � la visite des centres spatiaux (Houston, bien s�r, mais aussi Goddard, Stennis, Huntsville), des bases militaires (Edwards...), des mus�es et autres lieux de l'histoire spatiale am�ricaine (USS Intrepid � New York, Mus�e de l'Air et de l'Espace de Washington...) ou curiosit�s g�ographiques (Meteor Crater, Mont Palomar�). Bref, on aime les Etats-Unis ; on s'y est m�me mari�s en 2002 !
En revanche, assister � un tir d�Ariane de Kourou m�attire moins (je dirais m�me m�excite moins). Certainement, le fait du vol habit�. D'ailleurs, j'adorerais � un lancement depuis Ba�konour d�une capsule Soyouz habit�e. Peut-�tre pour plus tard (� Kourou, qui sait ?)�
Il y en a tellement� Mais je pense
que la chance de rencontrer Neil Armstrong (en 1989) et de lui serrer la main
est certainement un des souvenirs les plus forts.
Je pense aussi �
deux �v�nements qui m'ont particuli�rement attrist�. Le premier s�est
d�roul� le 28 janvier 1986. Je venais de rentrer et avais trouv� sur mon
bureau une des enveloppes jaunes que m'envoyait r�guli�rement la NASA. Je
l'avais prise et m'�tais install� devant la t�l� pour regarder le mini journal.
Au moment o� j�ouvrais mon courrier, j'assistais, horrifi�, � l�incroyable
trag�die : Challenger et ses occupants n'�taient plus� Et dans
l'enveloppe, la photo sign�e � mon nom par tout l��quipage STS-51L ! Cette
photo (envoy�e par Judith Resnik), je l�ai rang�e et ne l�ai plus regard�
pendant des ann�es. Aujourd�hui encore, lorsque je la regarde, une grande
�motion me gagne�
L�autre souvenir douloureux
concerne le retour de Columbia le 1er f�vrier 2003 ;
j�avais assist� � son d�collage quelques jours plus t�t au centre spatial
Kennedy...
Les d�collages de navettes sont
des souvenirs inoubliables. Toutes mes rencontres avec les astronautes et
cosmonautes sont aussi des moments forts. D�s que je peux, j�essaie d'en
rencontrer. Que ce soit en France ou � l��tranger, lors des conventions comme
Autographica en Grande-Bretagne ou UAAC Show aux Etats-Unis. Pouvoir leur
parler un moment est toujours ��magique��. Ces hommes et femmes, que beaucoup
croient inabordables, sont g�n�ralement des gens charmants, humbles et heureux
de partager leurs exp�riences.
Rencontrer d�autres personnes qui
ont contribu� � la conqu�te spatiale (pilotes d�essai, ing�nieurs, concepteurs,
etc..), et sans lesquelles rien n�aurait �t� possible, est �galement toujours
passionnant.
A mes
yeux, cette photo de Gene Cernan sur la Lune avec la Terre en fond est une des
plus belles repr�sentations de l�homme dans l�espace. Elle montre le chemin
accompli en 11 ans mais aussi la fragilit� de l�homme et de la Terre
J�aime
�galement beaucoup cette photo, toujours de Cernan sur la Lune, � c�t� de sa
jeep et du drapeau am�ricain, dans la position dite ��John Wayne��.
Je choisis le module lunaire,
cette structure fine, tellement fragile qu�on croirait qu�elle va se d�chirer
et qui pourtant � permis de d�barquer sur la Lune 6 �quipages et sauver
celui d'Apollo 13.
Apr�s quelques heures
d'angoisse, la c�l�bre mission Apollo 13 se termina dans la bonne humeur,
comme le d�note cette facture de la soci�t� Grumman Aerospace Corp,
constructeur du module lunaire qui servit de refuge � l'�quipage durant son
voyage retour, envoy�e 4 jours apr�s l'amerrissage dans le Pacifique de la
cabine au bureau de Houston de la soci�t� North American Rockwell, le contractant
principal du module de commande endommag�. La facture, d�un montant de
312 421,24 dollars, se d�composait comme suit :
1.
Remorquage sur 400 000 miles (640 000 km) - 4 dollars
le premier mile, 1 dollar par mile suppl�mentaire :
400 004 dollars
2. Recharge
de la Batterie + appel d�urgence : 4,05 dollars
3.
50 livres d�oxyg�ne � 10 dollars la livre : 500 dollars
4. Logement
pour deux personnes (sans TV, avec �lectricit�, radio, cartes touristiques
modifi�es, vue imprenable) - Contrat NAS-9-1100 : pr�pay�
5. Personne
suppl�mentaire : 8,00 dollars la nuit. Les lieux devront �tre lib�r�s
au plus tard le 17 avril car au-del� le s�jour n�est plus assur� :
32 dollars
6.
Eau : gratuite
7. Service
personnalis� + transfert des personnes + prise en charge des bagages :
gratuit
Sous
total : $ 400 540,05
Remise de
20% (remise commerciale) + 2% (escompte de caisse) : - $ 88 118,
81
Total �
payer : $ 312 421,24
Aucune
facilit� de paiement - Contrat gouvernemental
Payable �
30 jours.
La facture
est sign�e par Lew Evans, pr�sident de Grumman, et concerne �galement les
soci�t�s Pratt et Whitney et Beech Aircraft, contractants secondaires. Il
aurait ajout� � la main un huiti�me point avant de signer : Retour sain et
sauf : inestimable�
La r�ponse
malicieuse de North American Rockwell se fit par l'interm�diaire de son
directeur des relations publiques de la Division Espace, Earl Blount, qui
rappela � Grumman que North American n'avait jamais factur� les frais de
remorquage du LM lors des missions pr�c�dentes�
Spoutnik-1 repr�sente le moment 0,
celui qui a tout d�clench�. Sans cette Guerre froide entre Russes et
Am�ricains, jamais nous n�aurions march� sur la Lune. Spoutnik est le point de
d�part d�une nouvelle �re. Il est, je dirais, l�aboutissement des pr�mices qui
devaient conduire � la conqu�te de l�espace : Cyrano de Bergerac, Jules
Verne, Constantin Tsiolkovski, Hermann Oberth, Robert Esnault-Pelterie, Robert
Damblanc, les fus�es postales, les V2, Arthur C. Clarke,
etc.
Pour un passionn� des vols habit�s, Gagarine est le n�1 dans le cosmos et il le restera, au m�me titre qu�Armstrong fut le premier sur la Lune� ou comme restera dans l'histoire le petit chanceux qui sera le premier � marcher sur Mars. On ne retiendra de Gagarine que cela : un gars courageux qui est parti explorer cet espace inconnu. Le reste de sa vie importe peu, m�me s�il a �t� certainement le cosmonaute qui a eu la vie la plus triste qui soit. Consid�r� comme un demi-dieu (l�autre �tant le Parti et son chef), il a pass� le reste de sa vie prot�g� et en repr�sentation d�un r�gime qu�il n�aimait peut-�tre pas tant que cela. Interdit de vol car ��sacr钒 (et pire encore apr�s l�accident de Vladimir Komarov), lui qui voulait continuer � ouvrir le chemin des �toiles aux autres a �t� condamn� � rester sur Terre�
Je sais que beaucoup adorent Mir mais l'histoire et la fin tragique de cette station illustre � mon sens ce que les politiques pensent h�las de l�espace. Nombreux sont les grands projets qui n�ont pas pu se d�velopper car les politiques, ces grands frileux, ont rarement une vision d�avenir (� part le leur peut-�tre).
Mir, malgr� tout, est une r�ussite de compromis� Surtout, elle a permis de montrer � quel points les ing�nieurs, les savants, les cosmonautes et astronautes qui l�ont con�ue et occup�e sont des gens merveilleux. Ils ont, eux, ont cette vision, qui fait la force de l�homme : l�exploration. Ils ont con�u v�ritable une merveille avec les faibles moyens dont ils disposaient.
Mir est aussi le d�but de la pr�sence permanente dans l�espace et permis le travail en �quipe de diff�rentes nations. Les Am�ricains peuvent dire merci aussi aux Russes et � leur vieille station. Sans elle, la navette am�ricaine n�aurait jamais atteint son objectif de d�part : desservir une station spatiale.
Bref, Mir, contrairement aux mauvaises langues, est une r�ussite. Dommage une nouvelle fois que sa destruction ait �t� jug�e n�cessaire !
Tout simplement aller l�-haut, moi aussi !
Merci, St�phane S�bile !
Interview
r�alis�e par mail en juin 2008
St�phane S�bile
au Kennedy Space Center (Floride) et au Johnson Space Center (Texas)
La semaine
prochaine (lundi 29 septembre 2008) : Roland Lehoucq