L'invit� de la semaine derni�re : Audouin Dollfus

 

LES INVITES DU COSMOPIF

 

N�8 (lundi 19 janvier 2004)

 

Christian Lardier

Journaliste, chef de la rubrique Espace � Air & Cosmos

www.air-cosmos.com

 

 

Christian Lardier recevant le Prix Albert Ducrocq

de l'AAAF en juin 2003

Photo Pif

 

 

Qui �tes-vous, Christian Lardier ?

Je suis journaliste, chef de la rubrique spatiale d�Air & Cosmos. Je suis n� le 10 juillet 1952 � Asni�res (Hauts de Seine), ai une fille Melody (n�e en 1976) et vis actuellement en r�gion parisienne.

Je voyage durant mes loisirs, me consacre � l��criture de monographies sur l�histoire de l�espace sovi�tique et pratique plusieurs sports (a�riens, aquatiques et d�hiver). En tant que passager, j'ai effectu� un vol en planeur (Champhol), un vol de voltige sur Cap-10 (Chavenais) et de nombreux vols sur avions d�a�roclub (Chavenais, Lognes, Nice). En tant qu�acteur, j'ai saut� � deux reprises en parachute et particip� � trois campagnes de vols paraboliques. Les sports aquatiques que j'ai pratiqu�s sont la natation en piscine et la plong�e sous-marine (�le Maurice, Martinique et grande barri�re de corail en Australie). L'hiver, j'ai fait du ski de fond dans le Jura ou alpin dans les Pyr�n�es et les Alpes. J'ai en outre particip� � deux exp�ditions polaires : Spitzberg (hiver 1994) et �le Devon (�t� 1998).

 

 

Quel a �t� votre parcours professionnel ?

Je suis all� au lyc�e jusqu�� 18 ans. J�ai effectu� mon service militaire d�avril 1971 � avril 1972 dans l�arm�e de l�Air. J�ai fait mes classes � Orl�ans-Bricy (COTAM) puis un stage de technicien en m�t�orologie � Saint-Cyr avant d��tre affect� � l�a�roport d�Orly pour 10 mois. J�ai travaill� � la direction de la maintenance d�Air France d�avril 1973 � juillet 1994 (entretien en ligne DM-LK, division moteurs DM-JW, petit entretien avion DM-JE, g�nie industriel DM-UO puis � la division DM-JO). J'ai �t� embauch� par Air & Cosmos en 1994 o� je suis d�sormais chef de la rubrique Espace.

 

 

Quelle est votre passion, comment est-elle n�e, comment la vivez-vous ?

Je m'int�resse aux questions spatiales depuis la sortie d'Alexe� Leonov en 1965. Cette ann�e-l�, j'ai adh�r� au Cosmos club de France d'Albert Ducrocq au Salon de l�Enfance. J�en fus un membre actif pendant plus de 30 ans. Je me suis sp�cialis� dans l'espace sovi�tique en 1972 et j'ai commenc� � �crire des articles sur ce sujet dans des revues sp�cialis�es en 1974. Je suis devenu pigiste r�gulier d�Espace & Civilisation en 1978-81, de R�volution en 1981-83, d'Aviation Magazine International en 1983 puis d'Air & Cosmos en 1992.

J�ai particip� au Livre d�Or de la Science aux Editions Solar en 1978 et au Grand Livre de l�Espace de l�Encyclop�die Universalis en 1987 (j�ai aussi particip� � La science au pr�sent d�Universalis en 1997 et 1998). Je suis l'auteur du livre L'astronautique sovi�tique publi� chez Armand Colin en 1992. J�ai aussi particip� au livre Ba�konour, la porte des �toiles publi� par Armand Colin en 1992. J�ai �galement eu l�occasion de faire des �tudes pour le Centre d��tude des relations entre technologies et strat�gies (CREST) de l�Ecole Polytechnique en 1990-94.

Je suis membre-correspondant de l'International Academy of Astronautics (IAA) depuis 2000, membre senior de l'Association A�ronautique et Astronautique de France (AAAF) en 2003, membre des commissions Propulsion et Histoire de l�AAAF, co-fondateur et membre des conseils d'administration de l'Institut Fran�ais d'Histoire de l'Espace (IFHE) et de l'Association Plan�te Mars (APM). Je fus �galement membre de la Bristish Interplanetary Society (BIS) pendant quelques ann�es. J�ai re�u le premier prix du Cosmos Club de France en 1987 et le premier prix �Albert Ducrocq� de l�AAAF en 2003.

 

   

 

 

Quel souvenirs forts ou anecdotes voudriez-vous nous raconter ?

Les souvenirs et les anecdotes sont nombreux !

 

Le premier souvenir marquant remonte � 1977. Gr�ce � une simple lettre d�introduction d�Albert Ducrocq, je fus re�u � bras ouverts par l�Institut des probl�mes m�dico-biologiques (IMBP) et l�Institut des recherches cosmiques (IKI) de Moscou. Je me suis retrouv� dans le bureau d�Oleg Gazenko qui, avec tout son �tat-major, a r�pondu � toutes mes questions. Alors que je l�interrogeais sur les vols de chiens sur des fus�es g�ophysiques, il a spontan�ment demand� la liste de ces vols � sa secr�taire alors qu�elle n�avait encore jamais �t� publi�e. Puis j�ai eu la chance de visiter plusieurs laboratoires de l�Institut tant dans Moscou qu�� Khimki. J�en ai gard� une sympathie particuli�re pour ce m�decin qui avait lanc� La�ka et Gagarine. Ainsi, nous sommes rest�s en contact et j�ai pu passer une journ�e avec sa famille dans sa datcha pr�s de Moscou en 1991 : un moment inoubliable !

De m�me, lors de ma visite de l�IKI, j�avais eu la chance de voir le satellite fran�ais Signe-3 en int�gration et de m�entretenir avec le chef de projet Antoine Mizzi.

 

Le deuxi�me grand souvenir date de 1988. Gr�ce � une accr�ditation d'Aviation Magazine International, j�ai pu me rendre pour la premi�re fois � Ba�konour. J�en avais r�v� : j�y �tais ! En fait, j�avais esp�r� cela lors du premier vol habit� fran�ais (PVH) en juin 1982. Mais � l��poque, l�URSS avait limit� le nombre des journalistes � sept au d�collage et sept � la r�cup�ration : les quatorze �lus travaillaient pour la t�l�vision, la radio, les agences de presse, de grands quotidiens et une seule revue sp�cialis�e (Air & Cosmos). Pour ma part, je restai � Moscou o� je visitai la Cit� des �toiles, le centre de direction des vols (Tsoup), etc. Au Tsoup, quelle ne fut pas ma surprise lorsque je me suis trouv� en pr�sence du l�gendaire constructeur Valentin Glouchko ! Je tentai de l�approcher pour obtenir un autographe mais la s�curit� m�a emp�ch� de l�approcher. Finalement, je devrai attendre le second vol habit� franco-sovi�tique (Aragatz) pour aller � Ba�konour. Mais pas au lancement car cette fois, c�est le Pr�sident Mitterrand qui a d�cid� d�y aller avec toute la presse politique. Il me faudra attendre la r�cup�ration. Mais cette fois, c��tait la bonne ! Nous e�mes droit � une visite compl�te du cosmodrome avec, notamment, la navette Bourane qui venait de faire son vol orbital. J�ai ramen�, pour deux autres personnes, un peu de terre de ce lieu mythique d�o� sont partis Spoutnik et Gagarine. Depuis, je suis retourn� une dizaine de fois � Ba�konour. Chaque fois, le miracle se reproduit et je ne m�en lasse pas. Cependant, j�ai aussi beaucoup de plaisir � me rendre sur les autres cosmodromes dans le monde.

 

Ainsi, ma premi�re visite � Cape Canaveral date d�avril 1990. Avec ma fille Melody, nous �tions en vacances en Floride. Nous voulions assister au lancement du t�lescope spatial Hubble mais la date changea plusieurs fois. Devant cette incertitude, nous avions d�cid� de rentrer en France : le lancement eut finalement lieu alors que nous �tions dans l�avion entre Miami et Paris. Ma seconde visite �tait � l�occasion de la mission STS-66 avec le spationaute fran�ais Jean-Fran�ois Clervoy en novembre 1994 et la troisi�me � l�occasion de la mission STS-78 avec le spationaute fran�ais Jean-Jacques Favier en juin 1996.

Ma premi�re visite � Kourou date de 1994. Il s�agissait du vol V70 (dernier �chec d�Ariane-4). L�ann�e suivante, j�y suis retourn� pour le lancement r�ussi d�ERS-2. Mais, en juin 1996, j�ai assist� � l�explosion de la premi�re Ariane-5 depuis le b�timent Jupiter. Mon taux d��chec �tait �lev� : trois tirs dont deux ï¿½checs ! Heureusement, apr�s cela, j�ai assist� � plusieurs lancements r�ussis qui ont permis de changer cette statistique. Cependant, � deux reprises, je suis revenu bredouille en raison de reports de tirs : le retour le plus douloureux a �t� celui du dernier vol d�Ariane-4 en f�vrier 2003.

 

J�ai �galement eu la chance de visiter deux cosmodromes peu accessibles. Il s�agit Plessetsk en Russie et de Xi-Chang en Chine. Dans le premier cas, je faisais partie d�une d�l�gation de DERSI (filiale du CNES) qui assistait au lancement du satellite Photon-10 en f�vrier 1995. Nous nous trouvions sur une route enneig�e au milieu d�un for�t de bouleaux. L�, je ne pouvais pas prendre de la terre comme � Ba�konour car elle �tait gel�e. Je d�cidai donc de pr�lever une branche d�arbre dans le bas-c�t�. Mais ce dernier �tait recouvert d�une �paisse couche de neige dans laquelle je me suis enfonc� jusqu�au cou. Il faisait nuit et les autres ne m�ont pas vu dispara�tre. Je n�osais pas appeler au secours mais j��tais emprisonn� dans mon cocon de neige. Il m�a fallut beaucoup d��nergie de me sortir de cette mauvaise situation. Heureusement, le tir fut un succ�s. Ce qui ne fut pas le cas du lancement de Photon-M1 en octobre 2002, o� nombre de membres de la d�l�gation fran�aise ont cru que leur derni�re heure �tait arriv�e.

Dans le cas de Xi-Chang, il s�agissait d�un post-tour du Congr�s international d�astronautique de 1996. Notre groupe ne comprenait que quatre personnes (Julius Braun, Jacques Villain, Dominique Leglu et moi-m�me).

Ma grande d�ception fut de renoncer au dernier moment � partir avec le petit groupe de presse accr�dit� par le CNES pour le lancement de Jason-1 depuis le cosmodrome de Vandenberg (Californie).

 

 

Quelle serait votre photo spatiale pr�f�r�e et pourquoi ?

Ma vie a �t� consacr�e au voyage. A 18 ans, j�avais fait le tour de l�Europe en auto-stop. A 20 ans, j��tais en Afghanistan. A 21 ans, je suis rentr� � Air France et je n�ai jamais cess� de voler aux quatre coins de la plan�te. Les explorateurs qui ont conquis la Terre, la Mer, l�Air et enfin l�Espace ont �t� et restent mes idoles. Je n�ai jamais consid�r� la conqu�te spatiale que comme une aventure humaine o� le robot n�est qu�un palliatif pour remplacer l�homme o� il ne peut pas aller. Car le robot ne pourra jamais �tre aussi efficace et intelligent que l�homme. C�est pourquoi ma passion pour l�espace est n�e avec la sortie d'Alexe� Leonov en mars 1965 et qu�elle est surtout tourn�e vers la vols habit�s et l�exploration des plan�tes. Ainsi, j�ai v�cu l��pop�e Apollo comme une victoire de l�homme sur son environnement car il repoussait � cette occasion les fronti�res du monde accessible. Sans aucun doute, celui qui symbolise le mieux cette aventure est Youri Gagarine qui restera pour toujours le premier homme de l�espace. Sa photo officielle ne me quitte jamais. Ainsi, je l�avais emmener lors de mon exp�dition polaire au Spitzberg en avril 1994. Et je me suis fais prendre en photo avec le portrait de Gagarine le 12 avril, jour de la Cosmonautique en Russie.

 

   
 
Christian Lardier au Spitzberg le 12 avril 1994 en compagnie de la photo de Youri Gagarine

 

 

De la m�me mani�re, quel objet spatial retiendriez-vous ?

Je retiendrais la fus�e Semiorka (R-7) de Sergue� P. Korolev, qui est devenue la 2CV de l�espace. Elle a lanc� Spoutnik-1, Gagarine, puis de nombreux satellites et vaisseaux habit�s. Elle lance encore aujourd�hui les �quipages et les vaisseaux-cargo Progress vers la station orbitale internationale. Par ailleurs, elle devrait conna�tre une nouvelle jeunesse avec l�installation d�une plate-forme de tir au Centre spatial guyanais. De plus, il existe plusieurs versions am�lior�es pour l�avenir (Aurora, Yamal, Onega, etc). Cette fus�e a �t� con�ue en 1954, a vol� pour la premi�re fois en 1957 et a �t� lanc�e � 1 684 exemplaires � la fin 2003. Elle aura 50 ans en 2004 et effectuera peut-�tre son premier vol de Guyane pour le 40e anniversaire de la coop�ration spatiale franco-sovi�tique�

 

 

 

Qu'�voque pour vous le personnage de Youri Gagarine ?

Trois dates sont li�es � la vie de Youri Gagarine :

�          le 9 mars, date de sa naissance. Cette ann�e, ce sera le 70e anniversaire (1934)

�          le 12 avril, date de son vol historique. Cette ann�e, ce sera le 43e anniversaire (1961)

�          le 27 mars, date de� sa mort. Cette ann�e, ce sera le 36e anniversaire (1968).

Mais c�est le 12 avril que je f�te tous les ans depuis tr�s longtemps. Car il est le symbole de l�aventure humaine dans l�espace.

Au moment de son vol, Gagarine avait seulement 27 ans. C��tait un simple lieutenant de l�arm�e de l�Air qui �tait pilote militaire depuis trois ans et demi (environ 100 heures de vol sur Mig-15). Le risque �tait grand : il n�avait qu�une chance sur deux de revenir vivant de cette mission car le taux de r�ussite de la fus�e Semiorka �tait de seulement 0,56, tandis que celui du vaisseau Vostok n��tait que de 0,60. Alors que la fiabilit� requise pour un vol habit� est de 0,99�

Ensuite, Gagarine prendra des responsabilit�s � la Cit� des �toiles. Les autorit�s ne voulaient pas qu�il revole car on ne risque pas la vie d�un h�ros national. Cependant, il voulait retourner dans l�espace. Aussi, il fera tout pour reprendre l�entra�nement. De septembre 1965 � avril 1967, il est la doublure de Vladimir Komarov pour le vol de Soyouz-1 le 23 avril 1967. Malgr� la mort de Komarov, Gagarine continuera � s�entra�ner sur le programme lunaire. Le 27 mars 1968, � 34 ans, il dispara�t accidentellement avec son instructeur lors d'un vol d'entra�nement � bord d'un Mig-15.

L�humanit� a toujours explor� : les terres, la mer, l�air puis l�espace. Il y a l� un constante de tous les �ges. Cette volont� de repousser constamment les fronti�res de l�inconnu et d��largir l��tendue de son environnement se retrouve notamment dans le caract�re des explorateurs, ces pionniers qui ouvrent la voie. Ainsi, Gagarine �tait le pr�curseur des vols habit�s qui perdurent depuis quarante ans en d�pit des attaques de nombreux adversaires et autres d�tracteurs. Apr�s avoir conquis l�espace circumterrestre puis avoir atteint la Lune, l�homme vise une nouvelle cible : Mars. L��quipage qui partira pour cette aventure prendra le risque de ne pas revenir d�un voyage extraordinaire d�une dur�e d�au moins deux ou trois ans. Voila un d�fi digne de Gagarine !

 

 

 

Quel serait votre r�ve spatial le plus fou ?

Mon r�ve le plus fou, il y a quelques ann�es, �tait d�aller dans l�espace. Mais l��ge m�a apport� des probl�mes de sant� qui m�ont fait comprendre que cela n�arrivera jamais. Toutefois, j�aimerais contribuer � ma fa�on � la pr�paration du voyage de l�homme sur Mars. Or, il s�av�re que les meilleures simulations en milieux extr�mes se font dans les r�gions arctiques. J�ai particip� � une exp�dition d�une semaine en autonomie compl�te au Spitzberg en 1994 et � une rotation de 10 jours de l�exp�dition Haughton-Mars � l��le Devon en 1998. Maintenant, je r�ve d�aller faire un hivernage � Dumont d�Urville ou une simulation � Concordia en Antarctique.

 

   

 

 

Merci, Christian Lardier !

 

Interview r�alis�e par mail en janvier 2004

 

 

 

L'invit�e de la semaine prochaine (lundi 26 janvier 2004) : Val�rie P�ron

 

 

 

 

 

Les coordonn�es des invit�s ne sont communiqu�es en aucun cas

 

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