LES INVITES DU COSMOPIF
N°1 (lundi 1er décembre 2003)
Jean-François
Clervoy
Collection Michel Fournier
Jean-François Clervoy en bref
Né le 19 novembre 1958, à Longeville-lès-Metz (France)
Marié, 2 enfants
Cinquième astronaute français (sujet de l'espace
n°319)
3 vols spatiaux à son actif : missions
STS-66, STS-84 et STS-103
soit un total de 28 jours 3 heures et
6 minutes de vol.
Parcours
professionnel
A la sortie du collège militaire de Saint-Cyr l'Ecole
en 1976, Jean-François Clervoy entre à Math. Sup Math. Spé M' au prytanée
militaire de La Flèche puis à l'Ecole Polytechnique à Paris, d'où il sort
ingénieur en 1981. Diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure de l'Aéronautique et
de l'Espace de Toulouse (Sup'Aéro) en 1983, il est détaché par la Délégation
générale pour l'armement au CNES où il travaille pendant deux ans sur différents
projets : les dispositifs de stabilisation du satellite SPOT et sur la
sonde cométaire Véga.
En 1985, il est sélectionné comme astronaute par le
CNES et rejoint le bureau des équipages du projet d'avion spatial Hermès de
l'ESA. Il débute un apprentissage intensif du Russe.
De 1983 à 1987, il enseigne à Sup'Aéro. En 1987, il
obtient son brevet d'ingénieur navigant d'essai de l'Ecole du personnel
navigant d'essais et de réception (EPNER) d'Istres. De 1987 à 1992, il dirige
le programme des vols paraboliques du CNES au Centre d'essais en vol de
Brétigny-sur-Orge. Il totalise ainsi à bord de la Caravelle zéro-G près de
2 200 paraboles, l'équivalent de 8 orbites terrestres.
Jean-François Clervoy à bord de la
Caravelle zéro G
En compagnie de Claudie André-Deshays et de Léopold Eyharts, il suit un stage d'entraînement de 6 semaines à la Cité des étoiles près de Moscou en novembre-décembre 1991 (cours théoriques, séances de simulateur Soyouz et Mir, vol parabolique en Illyouchine-76 et initiation aux sorties extravéhiculaires en piscine). Il est présenté par le CNES en 1992 aux épreuves de sélection des astronautes de l'Agence spatiale européenne, aux côtés de Claudie André-Deshays, Léopold Eyharts, Philippe Perrin et Michel Tognini, et retenu au mois de mai. Il suit le programme de formation préliminaire au Centre des astronautes européens (EAC) de Cologne (Allemagne) puis est intégré dans le corps des astronautes de la NASA au mois d'août (groupe n°14). Il suit une année de formation avant de recevoir sa qualification de spécialiste de mission pour la navette spatiale. Il travaille pour le bureau des astronautes à l'intégration des écrans de contrôle de la station spatiale internationale, sur des systèmes de robotique et le bras télémanipulateur.
Le
14e groupe d'astronautes de la NASA,
dans
lequel Jean-François Clervoy est intégré en 1992
Du 3 au 14 novembre 1994, Jean-François Clervoy
participe à la mission STS-66/ATLAS-3 à bord de la navette américaine Atlantis,
en tant que spécialiste de mission. Il est notamment responsable de la
manipulation du bras robotique pour déployer le satellite de recherche sur
l'atmosphère CRISTA-SPAS 20 heures après le lancement.
Du 15 au 24 mai 1997, il embarque de nouveau à
bord de la navette Atlantis pour la mission STS-84, en tant que spécialiste de
mission, commandant de la charge embarquée. Il supervise la réalisation d'une
vingtaine d'expériences, surveille le bon fonctionnement du système d'amarrage
et du module Spacehab et coordonne le transfert de 4 tonnes d'équipements
vers la station Mir où il séjourne 4 jours et 22 heures. Il est entraîné
à effectuer une sorte extravéhiculaire en cas de besoin.
Du 19 au 27 décembre 1999, il est encore spécialiste de mission pour le vol la mission STS-103 de maintenance du télescope spatial Hubble. Il est ingénieur de vol pour le décollage, le rendez-vous et le retour de la navette Discovery. Il effectue à l'aide du bras robotique la capture et le déploiement du télescope et déplace les astronautes en scaphandre lors de trois longues séances de réparations.
Depuis septembre 2001, Jean-François Clervoy est
détaché auprès de l'équipe de projet ATV (Automated Transfer Vehicle) de
l'Agence spatiale européenne localisée chez EADS-LV aux Mureaux, près de Paris,
afin de suivre le développement du programme ATV de ravitailleur automatique de
la station spatiale internationale en tant que Senior Advisor Astronaut. En
2005, il devient PDG de la filiale du CNES Novespace chargée de l'exploitation
de l'Airbus zéro-G.
Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur,
Chevalier de l'Ordre national du Mérite, titulaire de la Grande Médaille des
astronautes de la NASA, de la médaille de Service Exceptionnel de la NASA
(Space Flight Medal), du diplôme Vladimir Komarov et du diplôme Sergei Korolev.
Membre de l'Association des explorateurs de l'espace
(ASE) et membre d'honneur de l'Association aéronautique et astronautique de
France.
Ski, sports aériens (boomerang, frisbee, cerf-volant)
et de raquette, jeux d'adresse et canyoning.
Brevets de parachutiste civil et militaire, de
plongeur civil et militaire et de pilote privé.
6 questions à
Jean-François Clervoy
Jean-François Clervoy, comment est née votre passion pour
l'espace ?
Très jeune, je m’intéressais à tout
ce qui volait : les oiseaux, les papillons comme les avions et les fusées.
Je me souviens avoir collectionné à l’âge de 10 ans des photos de l’espace
à coller dans un mini-carnet (8x8 cm) que l’on trouvait en achetant des
yaourts Chambourcy. L’année suivante, ce fut une collection de pièces gravées
couvrant toute la conquête de l’espace depuis Tsiolkovski jusqu’au présent,
c’est-à-dire à l’époque le programme Apollo.
Quel souvenir
fort concernant vos vols spatiaux pourriez-vous nous évoquer ?
Un souvenir très fort de mes voyages
spatiaux est le repas international que j’avais organisé à bord de la station
russe Mir lors de notre mission de ravitaillement en mai 1997. Nous avons
partagé à 10 pendant environ 3 heures un dîner composé de plats venant des
pays d’origine de l’équipage (Russie, Etats-Unis, Chine, Pérou, France),
“assis” autour de la table à manger du module de base en terminant par les
échanges de cadeaux (albums photos, chocolats, posters…). Au milieu d’un
programme de travail long et intense, cet événement nous a rappelé l’importance
de la coopération internationale. Il a aussi permis à chacun de prendre du
recul sur son parcours qui l’a amené, aidé d’une certaine part de chance, à
réaliser son rêve.
Photo NASA/Tezio Cortez
Quelle
serait votre photo spatiale ou astronomique préférée et pourquoi ?
Il y a deux photos qui
symbolisent fortement ma contribution à l’exploration spatiale.
La première est une photo d’équipage
conjoint dans la station Mir rappelant que l’exploration spatiale est avant
tout une aventure humaine, dans ce cas avec des hommes et femmes dans l’espace,
mais qui s’applique aussi aux équipes travaillant au sol à la conception des
vaisseaux spatiaux automatiques ou habités.
La photo rassemble huit des dix
membres d’équipage du complexe Atlantis-Mir en mai 1997.
Dans le sens des aiguilles d’une
montre : Carlos Noriega, Jerry Linenger, Elena Kondakova, Vassili
Tsibliev,
Charlie Precourt, Jean-François
Clervoy, Ed Lu et Alexandre Lazoutkine.
La deuxième photo est la “nébuleuse
de l’esquimau” NGC 2392 que l’institut scientifique qui gère le satellite
Hubble a offert à notre équipage après la mission de réparation réussie
STS-103. Ce fut la première observation programmée du télescope après sa
renaissance.
De
la même manière, quel objet spatial retiendriez-vous ?
J’ai très envie de choisir la Terre comme étant mon objet spatial préféré. Evidemment, cela n’a de sens que pour un observateur extérieur à la Terre qui la regarde depuis l’espace. Elle apparaît alors comme un vaisseau à part entière aux couleurs magnifiques sur fond cosmique noir d’encre. On ne peut s’empêcher de l’admirer et lui marquer alors le plus grand respect.
La station Mir sur fond de Terre à la
fin de la mission STS-71 le 4 juillet 1995
Quel serait
votre rêve le plus fou ?
Rentrer à pied de l’espace.
J’imagine par exemple un scaphandre
autonome équipé d’un bouclier thermique individuel qui serait séparé après la
phase de rentrée hypersonique pour faire apparaître un parachute qui me
poserait debout en douceur à l’arrivée sur le sol.
Jean-François Clervoy est parrain de
la tentative du parachutiste français Michel Fournier :
un "Grand Saut" depuis un
ballon culminant à 40 km d'altitude.
Voir le site www.legrandsaut.org
Youri Gagarine restera comme le
premier Terrien explorateur de l’Espace envers qui tous les astronautes et
cosmonautes sont reconnaissants sous une forme ou une autre.
Il ouvrit la porte des voyages
habités spatiaux à l’humanité. Bien sûr, il n’était pas la première forme
vivante à expérimenter la vie dans l’espace mais il était le premier à pouvoir
décrire et rapporter, avec cette intelligence qui caractérise l’homme, les
émotions et les sensations suscitées par l’environnement très particulier du
vol spatial. On sous-estime l’importance de ses premiers mots dans l’espace : "Je
me sens bien". Tous les contrôleurs au sol étaient suspendus à ces
premières paroles de l’espace. Le représentant de l’humanité allait-il pouvoir
supporter le vol dans l’espace d’une façon qui serait acceptable aux autres
terriens ? Ou allait-il en premier lieu souffrir ou se plaindre d’une façon qui
aurait à jamais cassé l’aura fantastique attachée aux voyages dans le
cosmos ?
Lorsque l'on pénétrait dans l’entrée
du module de base de la station Mir, on ne pouvait pas ignorer la photo de
Gagarine. Elle trônait et surplombait la zone vie du module où se retrouvait
l’équipage plusieurs fois par jour pour les repas, les pauses goûter ou parfois
le travail de réparation d’instruments divers sur la table centrale
transformable à volonté en établi de bricolage. Gagarine dominait aussi l’accès
aux deux couchettes placées de part et d’autre de cette salle à manger
spatiale. Il était accompagné de la photo de Tsiolkovski, père visionnaire de
l’astronautique en Russie.
Le regard serein mais concentré de
Youri caractérisait l’attitude professionnelle des explorateurs de l’espace. Le
calme sur son visage témoignait du pacifisme de sa mission. Il était devenu une
icône universelle dans l’histoire de la conquête spatiale.Je ne pouvais pas
rester indifférent à ce portrait noir et blanc qui avait déjà voyagé à bord des
stations spatiales russes précédentes et dont les bords jaunis évoquaient les
péripéties successives vécues à travers les missions spatiales passées. Il
fallait donc que je ramène un souvenir de ce visage légendaire que j’avais
l’honneur de côtoyer pendant une centaine d’orbites terrestres, par admiration
et respect que j’éprouvais envers le premier pionnier du cosmos.
Jean-François Clervoy a côtoyé Youri
Gagarine dans l'espace !
La première photo regroupe quelques
objets symboliques de la puissance intellectuelle de l’Homme : le
boomerang -jet de bois ancestral à l’aérodynamique déjà très avancée-, la fusée
de Tintin -qui préfigure, avant Gagarine, le rêve de l’homme de conquérir
l’espace- et le Rubik’s cube -produit d’associations mentales complexes du
cerveau humain-.
La seconde unit la famille de
Jean-François Clervoy à notre héros de l’humanité. Le Français espère que cette
photo culte de Youri Gagarine témoignera encore pour longtemps des passages
successifs d’astronautes et de cosmonautes à bord des vaisseaux spatiaux du
futur y compris, évidemment, celui qui emmènera l’Homme vers Mars.
Merci Jean-François
Clervoy !
La semaine prochaine (lundi
8 décembre 2003) : Pierre-Alain Uldry