L'invité de la semaine
dernière : Jacques-Emile
Blamont
LES
INVITES DU COSMOPIF
N°43
(lundi 8 novembre 2004)
Photo Pif
Qui êtes-vous, Arno Marsollier ?
Agé de 28 ans et marié,
j’habite depuis peu à Valence dans la Drôme, au pied du magnifique plateau du
Vercors. Actuellement, je ne travaille pas et cherche comment je pourrais bien
occuper ma vie professionnelle… Au-delà de ma passion pour les sciences, je
m’intéresse également beaucoup à la photographie, pratiquant notamment le noir
et blanc et la photo à l’ancienne : sténopé, cyanotypie… J’aime aussi
beaucoup les voyages. J’ai eu l’occasion de me promener en Amérique du Sud, en
Afrique, en Asie… J’étais encore il y a à peine un mois dans l’Himalaya !
Je me suis consacré depuis plus de 10 ans à faire
partager ma passion pour l’astronomie et l’espace auprès des jeunes et des
moins jeunes dans diverses associations. A l’association Planète Sciences, j’ai d'abord été
animateur Espace et ai notamment fait fabriquer plus de
2 000 microfusées à des enfants. C’est à ce moment également que j’ai
commencé à pratiquer l’astronomie sérieusement. On m’a ensuite chargé de
développer des activités de découverte sur des bases de loisirs. Il s’agissait
d’une opération intitulée "Plaisir des Sciences" où l’on invitait les
jeunes à pratiquer une activité scientifique en alternance avec des activités
sportives. En 1999, comme beaucoup d’autres, j’ai été conduit à mettre en place
des actions préparant le 11 août 1999, jour où le ciel gratifiait le Nord
de la France d’une éclipse totale de Soleil historique.
Après un peu plus de deux années en tant que permanent à
Planète Sciences, j’ai rejoint l’équipe de l’Association
française d’astronomie et de la revue Ciel et Espace. Là, je me suis
consacré à développer des opérations et des contenus permettant d’étendre les
possibilités pour des jeunes de pratiquer l’astronomie. L’idée était
d’organiser des formations pour des animateurs et des enseignants et de
produire des fichiers pédagogiques pour les aider à mettre en place par
eux-mêmes des activités autour du ciel. J’ai aussi participé à la conception
d’expositions, à la mise en place des Nuits des étoiles et des Nuits des
étoiles Juniors, des Rencontres du Ciel et de l’Espace, bref, de toutes les actions
de l’AFA pour diffuser l’astronomie auprès du plus large public.
J’ai aussi été durant une courte période responsable du
planétarium du Musée de l’Air et de
l’Espace du Bourget que je viens de quitter pour venir habiter un peu plus
au Sud, plus près des étoiles et sous des cieux plus cléments qu’en région
parisienne…
Avec Pif à
Aubervilliers en 1995 pour une première campagne de microfusées
Photo
Romuald Oumamar
Dans le
cockpit du Concorde "Sierra Delta" du Musée de l'Air et de l'Espace
Photo Pif
Ma passion est surtout née de rencontres… Lorsque j’avais 11
ou 12 ans, une enseignante nous avait fait travailler autour des thèmes de
l’astronomie et de l’espace. Cela avait éveillé en moi un vif intérêt.
L'enseignante m’avait alors proposé de participer à un concours pour gagner un
séjour au Space Camp de Patrick Baudry.
Il fallait seulement être bon élève et rédiger une lettre de motivation pour
une sélection. J’ai eu la chance d’être retenu et je suis parti ! Une
semaine d’entraînement pour devenir astronaute, à 12 ans, ça marque !
Centrifugeuse, simulateur de vol, entraînements en piscine, siège
trois axes… Autant d’activités follement ludiques ! A cette occasion,
j’ai même fait une publicité avec Patrick Baudry qui a du passer sur France 3
et que je n’ai jamais vue. Mais j’étais très fier…
Patrick
Baudry a créé en 1988 le premier Space Camp européen près de Cannes La Bocca.
Le centre a
fermé en 1993.
Un an plus tard, un autre enseignant m’a proposé d’aller
assister à la retransmission d'un lancement d’Ariane car il avait un ami qui
travaillait à l’Aerospatiale. J’y suis allé. La retransmission avait lieu aux
Mureaux à 4 heures du matin et… cette Ariane-là elle a échoué. C’était le
chiffon qui était resté dans une tuyauterie. Cet épisode aussi m’a marqué.
Ariane sur
son pas de tir avant son lancement le 22 février 1990 (vol V36)
A 14 ou 15 ans, de passage au Bourget au moment d’un
Salon, j’ai encore participé à un concours. Il s'agissait de répondre à des
QCM. Deux mois plus tard, alors que j’avais complètement oublié ce bout de
papier laissé sur un stand, j’ai reçu un courrier d’Albert Ducrocq, célèbre
chroniqueur scientifique sur Europe 1 : il m'informait que j’avais
gagné son dernier livre pour jeunes et m’invitait à une conférence pour la
remise du prix. Ce fut à cette occasion que je fis la connaissance avec le
Cosmos Club de France et de ses illustres adhérents. Les jeunes membres dont je
faisais partie ont été rassemblés au sein de la section benjamine du
club : les petits amis des cosmonautes en quelque sorte. Nous les avons en
effet presque tous rencontrés les uns après les autres, souvent au siège
d’Europe 1. Nous les interviewions, ils nous racontaient l’espace. Nous
avions l’impression d'être aux premières loges ! Claudie Haigneré
est ainsi devenue notre marraine, nous avons suivi de près son entraînement en
1995-1996. Des rendez-vous réguliers et privilégiés étaient organisés (tous les
6 mois environ) et nous avons même pu préparer des expériences pour son
vol (mission Cassiopée). A cette occasion, nous avons vraiment bien rigolé.
J’ai ainsi quelques souvenirs de crêpes qui ne devaient pas retomber dans la
poêle ou de gelées aromatisées destinées à tester la perte du goût dans
l’espace mais finalement infectes au sol...
Une partie
des jeunes du Cosmos Club de France regroupés chez Pif à Auvbervilliers en
1995.
Arno et Pif
sont au bas de l'image.
Photo
Romuald Oumamar
Rencontre
avec Jean-Pierre Haigneré en octobre 1994. Pif est assis à droite du cosmonaute
et Arno, au
premier plan, est en train de prendre une photo.
Photo
Romuald Oumamar
Réunion de
travail avec Claudie Haigneré à Europe-1 en 1995.
L'expérience
"Dédale" des jeunes du Cosmos Club de France est présentée à la
cosmonaute,
entourée par
Christian Lardier d'un côté,
Pif et Arno de l'autre.
Photo
Romuald Oumamar
C’est un peu après cette époque que j’ai commencé à faire de
l’animation auprès des jeunes. Depuis, je n’ai plus arrêté ; c’est devenu
mon métier.
Je retiens les visages éclairés et émerveillés, les
"Oh !" et les "Ah !" des jeunes ou moins jeunes
observant pour le première fois dans un télescope la Saturne et ses minces
anneaux en direct. Je ne connais en effet personne pour qui cette première
vision ne fut pas une surprise et un moment d’émotion. Ce genre d’instants
donne tout son sens à notre travail : celui d'émerveiller, de susciter la
curiosité, de donner envie d’en savoir plus.
Je n’ai pas de photographie préférée en particulier mais je
crois que toutes les images de la Terre prises depuis l’espace me procurent le
même effet : elles suscitent l'admiration. Notre planète bleue vue
"d’en haut", quelle émotion !
L'Himalaya
(où se trouvait encore Arno il y a quelques semaines) photographié depuis la
navette spatiale
Je suis un fan du Vostok de
Gagarine ! Se dire qu’un type a eu l'audace de monter dans cette espèce de
boîte de conserve grossière et peu fiable et qu’il a ainsi ouvert la voie de
l’espace ! Je n’ai évidemment pas vécu cette époque mais elle apparaît pour
moi comme grandiose et l'événement formidable.
Maquette du
Vostok réalisée par Vincent Meens
Youri Gagarine est le Christophe Colomb de
l’espace. Il ne savait pas très bien où il allait, il ne savait surtout pas
s’il allait revenir. Il faut se souvenir que les lanceurs de l’époque
échouaient souvent et que les risques étaient considérables. Gagarine incarne
donc pour moi une forme de courage qui n’appartient qu’aux explorateurs et
l’essence même de ce qui fait l’homme : la curiosité, l’envie d’apprendre,
de découvrir et de franchir une nouvelle limite. En dépassant les frontières
artificielles dressées par l’homme, Gagarine n’était plus seulement un
Soviétique ou un homme de l’Est : il devenait un citoyen de la Terre qui
ouvrait une nouvelle voie pour la recherche et pour l’humanité dans ce qu’elle
a de plus noble.
C'est véridique : 23 mars 2001, j'étais à la gare de l'Est en
train de prendre un café matinal avant de monter dans un train. Un des garçons
de café était debout, en train d'essuyer des tasses sortant de sa machine à
laver. les yeux dans le vague. Enfin, pas si dans le vague que ça. Car en fait,
il avait les yeux rivés sur l'énorme pendule du hall de gare. Un moment, il lâche
à son collègue :
-Ca y est, elle tombe !
- Quoi, elle tombe ?
- Bin Mir ! Le truc dans l'espace, là.
- Ah bin il l'avait bien dit !
- Qui ça ?
- Paco Rabane. Il l'avait bien dit...
Sans nul doute, je rêverais de voler dans l'espace. De voir
la Terre d'en haut. D’être un satellite accroché au bout du bras de la navette
ou bien installé dans un fauteuil spatial. J’aimerais bien suivre aussi
l’aventure des premiers hommes qui partiront pour Mars mais j’ai bien peur que
l'on doive attendre encore longtemps… Ceci dit, je crois que seule une telle
aventure pourra redonner au grand public le goût pour les activités spatiales.
Essai du
système d'autopropulsion SAFER (Simplified Aid for EVA Rescue)
depuis la
navette Discovery lors de la mission STS-64 (septembre 1994)
Merci, Arno Marsollier !
Interview
réalisée par mail en octobre 2004
La semaine
prochaine (lundi 15 novembre 2004) : Stéphane Corvaja