L'invité de la semaine
dernière : Nicolas Moulinot
LES
INVITES DU COSMOPIF
N°260
(lundi 7 décembre 2009)
de l'Association aéronautique et astronautique de France
Qui êtes-vous, Laurent Mangane ?
Actuellement
ingénieur dans l’industrie aéronautique, je suis avant tout un passionné de
tout ce qui se pilote (dans l’air comme dans l’espace) et pilote privé moi-même
depuis presque 30 ans. J’habite Toulouse mais je suis né à Paris dans le
quartier d’Alésia. Marié en 1996 à une Berlinoise, nous avons eu une fille en
2002 et un garçon en 2004. Les rares moments de loisirs que je ne passe pas
avec mes enfants, je les consacre à mes activités bénévoles au sein de l’Association aéronautique et astronautique de
France ainsi qu’à la musique vocale (je suis ténor dans la chorale franco-allemande de
Toulouse) et bien sûr à l’aviation générale.
J’ai
suivi comme beaucoup de mes collègues des études d’ingénieur portant pour ma
part, 50% sur l’ingénierie informatique et 50% sur l’aéronautique (à Toulouse,
évidemment). Durant les premières années de ma carrière professionnelle, j’ai
collaboré aux aspects interfaces homme-machine du programme Rafale mais,
souhaitant à plus long terme m’impliquer dans des activités plus
internationales, j’ai choisi en 1991 de m’orienter vers l’industrie spatiale et
en particulier les grands programmes qui dominaient alors (Hermes et Columbus).
Ceci m’a conduit jusqu’à Brême où je suis resté 3 ans pour suivre, entre
autres, les activités de conception des ordinateurs de bord dont j’étais
responsable de toutes les interfaces (avec les expériences, le sol, le reste de
l’ISS, les laptops des astronautes…). Fin 2000, je suis revenu à Toulouse pour
devenir manager du segment sol belge du satellite Hélios II puis de ceux de
Rome et Madrid à partir de 2003 et jusqu’à la recette en vol d’Hélios IIA. En
2005, je suis revenu à l’aviation militaire où je suis encore à ce jour
responsable de la qualification d’un avion européen de transport de nouvelle
génération au regard des exigences contractuelles fixées par les clients.
Ayant
vécu jusqu’à l’âge de 26 ans en bordure des pistes d’Orly, ma passion
s’est imposée d’elle-même, bien que je ne sois pas né avec. J’ai volé pour la
première fois dans un cockpit à l’âge de 3 ans et, depuis, cette passion
ne m’a jamais quitté. Aujourd’hui, j’ai la chance d’en avoir fait mon métier et
d’évoluer dans un environnement où je suis constamment en contact avec d’autres
pilotes. Comme écrivait Saint-Exupéry, la grandeur d’un métier est avant
tout d’unir les hommes mais, une passion ne s’arrêtant pas le vendredi soir
ou aux portes du travail, il m’arrive aussi de piloter le week-end au-dessus de
ma très belle région que j’ai plaisir à survoler.
Mon
plus fort souvenir de ces 20 dernières années, c’est une
Saint-Valentin : le 14 février 2008, nous inaugurions officiellement
le module Columbus de l’ISS et tous ceux qui avaient collaboré à ce projet en y
consacrant pour certains près de 20 ans de leur vie professionnelle
étaient là. J’avoue ne pas avoir ressenti d’émotion professionnelle aussi forte
que ce jour-là où la communauté Columbus entière réunie pour une dernière
occasion nous a permis de nous remémorer les bons moments passés ensemble et de
rire des difficultés rencontrées aussi vite oubliées qu’elles ont été alors
reléguées dans le passé. J’espère revivre prochainement quelque chose d’aussi
fort dans ma mission actuelle.
A bord de Columbus, Léopold Eyharts
dévoile deux plaques remerciant près de 800 contributeurs au programme
Columbus
Compte-tenu de ma réponse à la question précédente, pas de surprise si je vous dis que c’est une vue du laboratoire européen sur orbite que je choisis. Cette image d'un petit bout d'Europe dans l'espace trop longtemps restée une "vue d’artiste" pendant les 10 ans où j’ai collaboré à Columbus est devenue une réalité et c’est la meilleure récompense qu’on puisse recevoir pour les efforts accomplis.
L'astronaute allemand Hans Schlegel durant l'installation du
laboratoire Columbus en février 2008
Je
pense à l’ISS ainsi que tout ce qui gravite autour : la navette, les
Soyouz, les ATV, les HTV… C’est actuellement ce qu’on fait de mieux en
technologie spatiale et, connaissant les limitations des autres applications du
spatial, je suis prêt à parier que cela restera pour longtemps -surtout après
le retrait de service des navettes- l'une des meilleures preuves de
l’ingéniosité des hommes en matière de haute technologie et une preuve de
coopération réussie au niveau international pour le grand bénéfice de
l’Humanité.
Je
me souviens d'ombres se déplaçant au milieu de mots bizarres et
incompréhensibles ponctués de bips. J’étais trop jeune pour vivre ces instants
en direct mais je me souviens très bien du matin où la télé était restée
allumée chez mes grands-parents et de mon grand-père ponctuant les commentaires
du journaliste de "Tout ça, C’est du cinéma !". Buzz Aldrin
aurait pu lui casser la figure…
Cela
reste aujourd’hui pour moi la plus formidable aventure de l’histoire de
l’Humanité.
J'aimerais
revivre bientôt une aventure telle que l'homme sur la Lune (ou une encore plus
folle, comme l’homme sur Mars ?) avec des yeux d’adulte et me prouver que
je ne réagirai pas comme mon grand-père.
D'autre
part, mon fils porte le prénom de son arrière-grand-père et j’aimerais qu’il
puisse vivre un jour ce qu’ont vécu les premiers hommes ayant quitté notre
berceau terrestre pour un autre astre…
Merci, Laurent Mangane !
Interview
réalisée par mail en novembre 2009
La semaine
prochaine (lundi 14 décembre 2009) : Jean-Marc Deschamps