LES
INVITES DU COSMOPIF
N°174
(lundi 3 décembre 2007)
Astronaute de l'Agence spatiale européenne
8e Français
de l'espace, premier passager de Columbus
www.esa.int
Né le 28 avril 1957 à Biarritz (France)
Pilote d'essais, général de brigade de l'armée de
l'Air
Huitième astronaute français (sujet de l'espace
n°373), astronaute de l'ESA depuis 1998
Marié, 1 enfant
Premier vol spatial : mission Pégase
(20 jours 16 heures et 36 minutes).
Parcours
professionnel
Ingénieur de l'Ecole de l'Air de Salon-de-Provence
1979, breveté pilote de chasse à Tours en 1980, Léopold Eyharts devient chef de
patrouille à la 7e escadre de chasse à Istres, sur Jaguar A,
puis commandant d'escadrille à Saint-Dizier en 1985. En 1987, il entre à
l'Ecole des équipages d'essais (EPNER) à Istres et devient pilote d'essais en
1988. Il vole sur différents types d'appareils militaires ou civils, dont le
Mirage 2000, l'Alpha-jet, le Mirage 3, la Caravelle ou le C-160, le
plus souvent à l'occasion de tests d'équipements et de radar. En 1990, il est
nommé chef-pilote d'essais au Centre d'essais en vol de Brétigny-sur-Orge. Il
totalise 3 500 heures de vol sur plus de 50 types d'appareils,
21 sauts en parachute dont 1 éjection.
Sélectionné astronaute en juillet 1990 par le CNES,
Léopold Eyharts rejoint le bureau des équipages Hermès à Toulouse. En 1992, il
devient responsable du programme Caravelle zéro-G (vols paraboliques) en tant
que pilote d'essais à Brétigny-sur-Orge. Cette même année, il est présenté par
le CNES aux épreuves de sélection des astronautes de l'Agence spatiale
européenne, aux côtés de Claudie André-Deshays, Jean-François
Clervoy, Philippe Perrin et Michel Tognini. Il
effectue deux stages de formation à la Cité des étoiles près de Moscou
entre 1991 et 1993. Le premier a lieu en novembre-décembre 1991 en compagnie de
Claudie André-Deshays et Jean-François Clervoy et dure 6 semaines (cours
théoriques, séances de simulateur Soyouz et Mir, vol parabolique en
Illyouchine-76 et initiation aux sorties extra-véhiculaires en piscine). Le
second est un stage de survie en conditions extrêmes qui dure deux semaines
fin 1993. Entre ces deux stages, Léopold Eyharts participe fin 1992 à
l'évaluation de l'entraînement pour le programme de navette spatiale russe
Bourane, durant lequel il vole sur le simulateur Tupolev-154.
Chargé en 1994 du remplacement de la Caravelle zéro-G
par l'Airbus A-300 zéro-G (opérationnel en 1995), Léopold Eyharts est nommé
cosmonaute suppléant de la mission franco-russe Cassiopée en décembre 1994. Il
suit donc un premier entraînement complet de deux ans à la Cité des
étoiles aux côtés de Claudie André-Deshays, de janvier 1995 à août 1996.
Léopold Eyharts est désigné en décembre 1996 titulaire
de la mission franco-russe suivante, Pégase, prévu pour l'été 1997. Il reprend
l'entraînement à la Cité des étoiles en tant que cosmonaute expérimentateur.
Après la collision entre un vaisseau-cargo Progress et la station Mir le
25 juin 1997, son vol est reporté de 6 mois, du 29 janvier au
19 février 1998, dont 18 jours et 18 heures à bord de Mir.
Intégré au corps des astronautes européens en août
1998, Léopold Eyharts rejoint Houston pour intégrer le groupe n°17 des
astronautes de la NASA et suivre une formation de spécialiste de mission. Il
poursuit ensuite son entraînement tout en travaillant pour le bureau des
astronautes de la NASA au sein de la division Station Spatiale, sur les
véhicules russes Soyouz et Progress ainsi que sur les aspects informatiques de
l'ISS.
Le groupe
des astronautes NASA sélectionné en 1998
En 2004, Léopold Eyharts est désigné comme doublure de
l'Allemand Thomas Reiter pour la première mission de longue durée de l'ESA à
bord de l'ISS (Astrolab), qui se déroule à bord du 4 juillet au
22 décembre 2006. Il est ensuite nommé titulaire de la mission longue durée
suivante, qui doit s'envoler à l'aide de la navette Atlantis le 6 décembre
(mission STS-122) et permettre la livraison et la mise en service du
laboratoire européen Columbus. La mission doit s'achever le 29 février
2008 (retour avec la mission STS-123).
L'équipage
de la mission STS-122
Au premier
plan, de gauche à droite : Stephen Frick (commandant), Léopold Eyharts et
Alan Poindexter (pilote).
A l'arrière
plan, de gauche à droite : Leland Melvin, Rex Walheim, Stanley Love et
Hans Schlegel, tous spécialistes de mission.
Le badge de
la mission STS-122 revisité par Jacques Tiziou et Catherine Lari,
évoquant
les membres de la famille de Léopold Eyharts, sa première mission
et son
groupe d'astronautes de 1998 (les Pingouins)
Chevalier de la Légion d'Honneur, Chevalier de l'ordre
national du Mérite, titulaire de la Médaille d'outre-mer, de la Médaille
d'argent de la Défense nationale et de la Médaille russe pour le Courage et
l'Amitié.
Footing, VTT, tennis, lecture et informatique.
6 questions
à Léopold Eyharts
Léopold Eyharts devant le siège de l'ESA le jour de
l'interview
Photo Pif
Léopold Eyharts, comment vous êtes-vous retrouvé candidat à la sélection
d'astronautes du CNES en 1990 ?
J'avais déjà été candidat à la
sélection du CNES de 1985. J'avais alors 28 ans, j'étais pilote de chasse
de l'Armée de l'Air et voulais devenir pilote d'essais [il le deviendra en
1988, NDLR], tout cela dans le but de devenir un jour astronaute si la possibilité
se présentait. Cette première tentative s'est relativement bien passée mais je
n'ai pas été retenu. En fait, l'envie d'être astronaute remonte à très
longtemps, depuis l'enfance au moment des vols Apollo.
Aux côtés
de Michel Tognini (à
gauche) et de Jean-Pierre
Haigneré,
les
4 derniers candidats astronautes français retenus par le CNES en
1990 :
Philippe
Perrin (à gauche), Léopold Eyharts, Jean-Marc Gasparini et
Benoit Silve (à droite).
Que retenez-vous de votre premier vol spatial ?
Les souvenirs de la mission Pégase
concernent d'abord toute la période qui précède le vol. Ce fut en effet une
occasion formidable de vivre et de pouvoir préparer en Russie pendant
3 ans (entre 1995 et 1998), de côtoyer des gens qui font partie de la
légende et de l'histoire des vols habités. J'avais des voisins comme Alexeï Leonov,
Valéry Bykovsky ou Valentina Terechkova.
Le vol en lui-même a connu
quelques péripéties et ça aussi, ça fait des souvenirs : je devais voler
en août 1997 mais il y a eu l'accident du Progress quelques semaines avant, qui
a entraîné un report de 6 mois avec le risque de perdre la station Mir. Ce
fut un moment un peu difficile mais qui laisse finalement un bon souvenir car
tout a fini par s'arranger.
Le
25 juin 1997, le cargo Progress M34 percute deux panneaux solaires
du module
Spektr de la station Mir
La mission fut évidemment une
expérience extraordinaire. C'était un vol court (3 semaines) mais dense,
qui m'a permis de réaliser de nombreuses expériences françaises dans de bonnes
conditions.
Je pense enfin au retour qui s'effectua
dans des conditions assez particulières puisque nous avons atterri sous une
tempête de neige. Nous avons donc été récupérés par seulement
2 hélicoptères alors qu'habituellement il y en a toute une armée, avec des
équipes de secours qui construisent une espèce de camp et installent l'équipage
sous une tente juste après l'atterrissage ; cette fois-ci, nous avons été
directement été embarqués dans un hélicoptère et avons volé deux heures de
vol pour rejoindre les équipes de secours, bloquées par la neige…
Quel événement de la conquête spatiale vous a
particulièrement marqué ?
C'est peut-être un peu bateau de
répondre cela mais je crois que l'événement marquant est le premier pas sur la
Lune. Cela représentait quelque chose de phénoménal à cette époque-là. On s'y
est un peu habitué mais il faut voir quel était le contexte. Le programme
Apollo a commencé vers 1962 et, 7 ans plus tard, un homme mettait déjà le
pied sur la Lune. C'est un parcours extrêmement rapide et une performance, qui
demandait de coordonner un fantastique effort technique et industriel. C'est
une réussite exceptionnelle. Je crois qu'aujourd'hui, on pourrait difficilement
envisager un programme de cette ampleur en si peu de temps. Evidemment, les
conditions budgétaires n'étaient pas les mêmes…
Quel objet de la conquête spatiale
retiendriez-vous ?
Il y a plein d'objets
extraordinaires dans la conquête spatiale mais je pense aux véhicules
eux-mêmes, au vaisseau Soyouz ou à la navette spatiale qui permettent
d'effectuer du rendez-vous, de s'amarrer à la station. Ce sont aussi des
réussites techniques formidables.
Le Soyouz
TMA-11 s'approche de l'ISS le 12 octobre 2007.
La navette
Atlantis acheminée vers le pas de tir 39A du centre spatial Kennedy le
10 novembre dernier
Quel rêve caressez-vous aujourd'hui ?
Il y a des rêves utopiques,
d'autres qui sont plus réalisables. Le mien serait bien sûr d'aller marcher sur
la Lune. Mais je ne me fais pas d'illusion : il y a peu de chances !
[Rires] En revanche, j'espère pouvoir participer à un programme européen qui
permettrait d'amener des astronautes européens sur la Lune. C'est du domaine du
raisonnable et du possible. Cela suppose des décisions qui sont plausibles dans
les 10 années qui viennent…
Qu'évoquent pour vous les noms de Gagarine et de
Mir ?
Youri Gagarine et la station Mir
font partie de l'histoire et je crois que l'on peut dire que c'était une époque
héroïque. Ce qui me donne beaucoup d'émotion c'est d'avoir pu être proche de
cette époque et en particulier, comme je le disais au début de notre
conversation, d'avoir vécu dans le même bâtiment que les premiers cosmonautes
(la femme de Gagarine habitait d'ailleurs dans notre bâtiment lorsque nous
étions à la Cité des étoiles). En effectuant une mission à bord de Mir, j'ai le
sentiment d'avoir participé à un petit morceau d'histoire et en tous cas de
l'histoire réelle des vols habités. Ce fut une chance et une fierté.
Merci, Léopold
Eyharts !
Léopold Eyharts dans un simulateur du module Columbus
au Centre européen des astronautes de Cologne en octobre 2007
Photo P.-F. Mouriaux
Retrouvez Léopold Eyharts interviewé
sur la mission Columbus
dans le numéro spécial ISS d'ESPACE
Magazine
Pour suivre la mission
STS-122 :
www.nasa.gov/mission_pages/shuttle/shuttlemissions/sts122/index.html
Pour suivre la mission
Columbus :
www.esa.int/SPECIALS/Columbus/index.html
La semaine
prochaine (lundi 10 décembre 2007) : Manuel Pédoussant