L'invité de
la semaine dernière : Romain
Charles, Diego
Urbina et Wang Yue
LES
INVITEES DU COSMOPIF
N°315
(lundi 7 mars 2011)
Dr Nelly Mognard-Campbell
Chercheur émérite au
CNES
Qui êtes-vous, Dr Nelly Mognard-Campbell ?
Je suis chercheur émérite au CNES, investigateur
principal (PI) du projet de satellite SWOT (Surface Water and Ocean
Topography), une coopération entre la NASA et le CNES qui servira
deux communautés scientifiques, celle des hydrologues et celle des
océanographes. SWOT est le premier satellite dédié à l’hydrologie de surface des
continents qui mesurera avec une résolution de 100 m et une précision
centimétrique les niveaux d’eau des fleuves, lacs, réservoirs et zones
inondées.
Je suis veuve du Dr William J. Campbell depuis
1992. Mon mari était un scientifique de renommée internationale qui travaillait
pour l’USGS et dirigeait le laboratoire de recherche sur la glace et le climat
(Ice and Climate Project) à l’université de Puget Sound à Tacoma. J’ai
deux enfants, Christopher et Nicolas, qui vivent aux Etats-Unis.
Je réside à Ramonville-Saint-Agne, près de
Toulouse, et à Gig Harbor, au Nord-Ouest des Etats-Unis, dans l’état de
Washington. Je suis née à Agen dans le Lot et Garonne où j’ai passé mon enfance
avant d’aller étudier à l’université Paul Sabatier de Toulouse.
Mes passions sont la famille, l’exploration et la
vie au grand air. Mes passe-temps sont le jogging, les randonnées, la lecture
et le cinéma.
Photo prise à Yorktown (Virginie) où
je suis entourée de Georges Washington (à gauche) et l’amiral de Grasse.
Elle symbolise tout à fait ma
carrière : l’alliance franco-américaine.
J’ai
toujours essayé de comprendre le monde qui m’entoure, qu’il s’agisse de
phénomènes physiques et environnementaux ou de questions économiques et
sociales. Aussi, au lieu de m’orienter vers des études littéraires comme le
souhaitaient mes parents, j’ai opté pour la filière scientifique qui m’a amené
dans le laboratoire du CESR (Centre d’Etudes Spatiales des Rayonnements) à
Toulouse où j’ai passé une thèse de troisième cycle en géophysique externe. Je
suis ensuite passée au GRGS (Groupe de Recherche en Géodésie Spatiale) où j’ai
été embauchée par le CNES.
Au
GRGS, je me suis rapidement intéressée à l’utilisation des tous premiers radars
embarqués sur satellites (GEOS-3) et j’ai développé les méthodologies pour
calculer la hauteur des vagues et mesurer la vitesse des vents de surface des
océans. Ce travail m’a permis de travailler sur le premier satellite microonde
dédié à l’étude des océans, le satellite SEASAT. A cette occasion, j’ai été
invitée à travailler aux Etats-Unis avec le « père » de SEASAT, le
Professeur John Appel, dans son laboratoire de la NOAA à Seattle où j’ai
développé une méthodologie de calcul de la hauteur des houles et du suivi de leurs
propagations transocéaniques. Suite à la thèse d’état passée en 1982 sur les
applications météorologiques de l’altimétrie, j’ai participé à de très
nombreuses campagnes internationales dans les régions polaires.
En
1992, j’ai débuté les études sur la télédétection du manteau neigeux qui ont
abouti à la validation d’une méthode pour calculer, à partir des radiomètres
microonde embarqués sur satellite, les épaisseurs de neige sur le globe.
L’estimation satellitaire du contenu en eau du manteau neigeux a des implications importantes pour le suivi
du climat de la Terre en particulier dans les régions boréales où le
réchauffement est le plus important et entraine des modifications des cycles de
l’eau et du carbone.
Plus
récemment, j’ai été PI d’une proposition de mission spatiale dédiée à la mesure
des surfaces en eau sur les continents. Un nouveau concept instrumental
d’altimètre interférométrique à large fauchée a été proposé aux communautés
européennes (ESA), qui l’ont rejeté en 2006 pour des raisons programmatiques.
Mais ce projet a été sélectionné en 2007 par l’Académie des sciences américaine
qui l’a inscrit sur la feuille de route de la NASA sous le nom de SWOT (Surface
Water and Oceanography Topography). Le CNES a proposé à la NASA un partenariat
qui se finalisera en 2011 par la signature d’un accord de coopération entre les
deux agences spatiales. Je suis actuellement le PI de la mission SWOT pour
l’hydrologie en Europe. A ce titre, je suis émérite CNES, occupée à fédérer une
communauté européenne dans le nouveau domaine de l’hydrologie spatiale.
Les
campagnes internationales de mesures aéroportées en Arctique, à bord du Convair
990 de la NASA étaient toujours très excitantes. Je me souviens en particulier
des séances de calibrations nécessitant le pointage des instruments vers le
ciel. Pour ce faire, l’avion grimpait pour atteindre son plafond avant de
chuter ailes verticales radiomètres pointant vers le ciel pour mesurer la
signature froide. Nous étions ainsi en apesanteur jusqu’à ce que le pilote
rétablisse l’appareil à l’approche du sol… Ou encore, avec le même appareil,
les mesures effectuées au cœur des tempêtes ou l’atterrissage sur la base de Thulé
au Groenland en novembre au beau milieu d’une tempête. Il fallait avoir le cœur
bien accroché !
Mais
celui qui aurait eu plein d’histoires à raconter, c’était mon mari, le Docteur
William Campbell, qui avait passé plus de douze années à travailler sur la
banquise Arctique et dans l’Antarctique. Il avait ainsi survécu à un crash
d’avion à chacun des pôles. Il fut aussi le premier scientifique à effectuer
des plongées sous la banquise arctique pendant l’Année Géophysique
Internationale en 1958. Lors de sa deuxième plongée, l’ouverture dans la
banquise par laquelle lui et un collègue
avaient plongé s’est refermée les forçant à nager le long de la faille
dans l’espoir de trouver une ouverture qui leur permette de sortir. Au moment
où les bouteilles d’oxygène étaient presque vides, ils aperçurent finalement
des rayons de lumière qui pénétraient à travers une ouverture dans la banquise
et purent ainsi remonter in extremis
sur la banquise au grand soulagement de l’équipe restée à la surface et qui les
croyaient morts ! Depuis, c’est par des trous percés à cet effet dans la
banquise que s’effectuent ces plongées.
Cette photographie du télescope Hubble montre un système de
galaxies Arp 194 en interaction. Des fontaines cosmiques formées d’étoiles, de
gaz et de poussières s’étendent sur des distances de
100 000 années-lumière. Cette photographie est magnifique et magique
par l’implication des forces en présence, par les dimensions des phénomènes en
action, elle nous plonge au cœur de l’Univers que nous pouvons commencer à
appréhender grâce à la technologie de Hubble. Totalement extraordinaire !
Je
retiens l’empreinte laissée par Neil Armstrong sur le sol le la Lune. Le début
d’une aventure extraordinaire, une nouvelle frontière atteinte il y a
maintenant plus de quarante années, une étincelle vers un univers inconnu
que nous continuons d’explorer grâce aux développements de la technologie.
Youri Gagarine représente pour moi la figure mythique qui marque le début de la conquête spatiale. Il est le pionnier de l'exploration spatiale, un homme de courage qui a montré la voie en s'éloignant de notre planète dans une minuscule capsule spatiale. Trois semaines après cet exploit, le Président John F. Kennedy relève le défi spatial des Soviétiques et demande au Congrès américain de lui donner les moyens d'envoyer un homme sur la Lune et de le ramener sur Terre en vie. C'est le début du programme Apollo et de la grande aventure spatiale du siècle dernier.
Je
rêve de la colonisation de la Lune et son utilisation comme base spatiale
d’exploration de l’Univers.
Merci, Dr
Nelly Mognard-Campbell !
Interview
réalisée par mail en décembre 2010
La semaine
prochaine (lundi 14 mars 2011) : Ludovic Duvet