L'invit� de
la semaine derni�re : Sylvain Rivaud
LES
INVITES DU COSMOPIF
N�239 (lundi 1er juin
2009)
Qui �tes-vous, St�phane Bailanger ?
Je suis professeur
agr�g� d�histoire-g�ographie, j�ai 38 ans, je suis mari� depuis 1999 avec
Anne -que j�ai connu pendant mes �tudes sup�rieures- et p�re d�un petit L�o qui
aura bient�t trois ans. J�habite � M�rignac, pr�s de Bordeaux o� je suis
n�. J�aime les promenades et les week-ends � la campagne avec Anne et L�o.
J�appr�cie aussi la lecture au calme, les films de science-fiction, passer du
temps sur Internet � collecter tout ce qui se rapproche de pr�s ou de loin � ce
qui est pour moi une passion depuis l�enfance : la conqu�te spatiale.
Apr�s un bac
scientifique, une licence puis une ma�trise d�histoire contemporaine �
l�universit� de Bordeaux III, j�ai obtenu le CAPES (le concours d�entr�e dans
l�enseignement secondaire) puis plus tard l�Agr�gation d�histoire-g�ographie.
J�enseigne depuis 1996. Apr�s ma titularisation, j�ai fait mes armes dans
plusieurs acad�mies (Cr�teil, Rouen, Limoges) avant mon retour dans l�acad�mie
de Bordeaux. Affect� depuis 8 ans dans un �tablissement d��ducation
prioritaire, le coll�ge Georges Lapierre de Lormont pr�s de Bordeaux, j�occupe
mon temps entre ma famille, mon enseignement, la formation continue des
enseignants (pour laquelle j�anime des stages), mon investissement syndical au
SNES (un travail qui m�occupe beaucoup mais de plus en plus hors de mon
�tablissement car l�indiff�rence des coll�gues est bien trop consternante), ma
participation aux travaux de recherche sur la Seconde Guerre mondiale �
Bordeaux (autour d�un travail de m�moire avec les t�moins du Comit� du Souvenir
des Fusill�s de Souge) et l�animation d�un atelier d�histoire de la conqu�te
spatiale pour initier les jeunes � des questions d�astronautique et
d�astronomie (c�est la deuxi�me ann�e que j�organise ce genre d�atelier hors du
temps scolaire pour des �l�ves volontaires et en partenariat avec l�association
Plan�te Sciences). Bref, dans ma
vie, ce n�est pas du vide (spatial) dont j�ai peur mais plut�t du trop
plein !
J�ai toujours
trouv� du temps pour "cultiver" ma passion, comme on dit. En
l�occurrence, l�histoire de la conqu�te spatiale, plus g�n�ralement
l�astronautique et ,depuis peu, l�astronomie. Je ne suis pas un sp�cialistes de
ces champs du savoir et, m�me si j�ai un baccalaur�at scientifique, je n�ai pas
les connaissances math�matiques, physiques et techniques des professionnels du
spatial. Disons que je suis un passionn� et un amateur � la fois. Cependant,
j�ai accumul� assez de connaissances dans ces domaines pour pouvoir discuter
sur le Forum de la conqu�te
spatiale, o� se croisent aussi bien des experts que des connaisseurs. Je
regrette d�ailleurs qu�un tel lieu d��change n�ait pas exist� lorsque j��tais
adolescent car j�aurais eu au moins l�occasion de partager ma passion et mes
r�ves avec d�autres. Au lieu de cela, je suis rest� un solitaire car mes
camarades de l��poque s�int�ressaient surtout aux voitures et au
football ! De plus, je n��tais pas du genre � ext�rioriser mes centres
d�int�r�ts. J�ai bien chang� depuis.
Le plus lointain
souvenir que je garde de l��tonnement et de l��merveillement qu�a toujours
suscit� chez moi la conqu�te de l�espace ressemble plut�t � un flash qu�� un
v�ritable souvenir. Pour cela, il faut s�imaginer fin 1973 ou d�but 1974 dans
un salon sobre et typique des ann�es 1970, avec un papier peint style figures
g�om�triques et couleurs froides, une t�l�vision noir et blanc et des fauteuils
marron imitation cuir. Au hasard d�un reportage, des images en provenance de la
station am�ricaine Skylab retransmises � la t�l�vision prirent une dimension
surprenante dans mes yeux d�enfant de moins de 4 ans. Je savais d�j�
sommairement ce qu��tait une fus�e -un cylindre de grand volume rempli de
carburant pour aller dans le ciel et qui fait du bruit. Les images montraient
des astronautes qui �voluaient dans la station passant d�un �tage � l�autre en
flottant. Ces personnages semblaient � l�aise et le volume dont ils disposaient
�tait important (c�est ce genre de d�tail qui me permet aujourd�hui de penser
qu�il s�agissait du bien du Skylab). Avec mon imagination, je pensais que ces
astronautes traversaient une fus�e de long en large tout en �tant conscient que
cela paraissait �trange : je me demandais alors o� �taient le carburant et
les moteurs. Ce n�est que quelques ann�es plus tard, ce souvenir revenant � la
surface, que je compris que ces astronautes ne pouvaient pas �tre dans les
r�servoirs d�une fus�e et, lorsque je me suis int�ress� � la conqu�te spatiale,
j�ai tout de suite eu l�occasion de r�soudre cette �nigme avec l�immense
surprise d�apprendre et le nom de cet engin spatial et l�origine de sa
structure. Et l�, divine surprise : cette station Skylab �tait en fait la
r�cup�ration du troisi�me �tage de Saturn 5 et son utilit� �tait bien �
l�origine d�abriter les r�servoirs d�une fus�e ! Comme quoi, les
repr�sentations d�un enfant ne sont jamais tr�s �loign�es de la r�alit� Il
n�emp�che que ce genre d�images a enrichi ma m�moire et cela me fait dire que,
d�une fa�on ou d�une autre, j�ai toujours ador� ce qui avait un rapport �
l�espace, des dessins anim�s de science-fiction de mon enfance (Goldorak,
Capitaine Flam, Albator, Il �tait une fois l�espace�) aux
films et s�ries fantastiques (Cosmos 1999, Temps X avec les
fr�res Bogdanov, La Guerre des Etoiles) jusqu�aux jouets (Playmobil et
Lego). Pour finir, j�ai toujours en m�moire la voix si particuli�re d�Albert
Ducrocq � la radio et la gestuelle passionn�e de Michel Chevalet � la
t�l�vision.
Je crois bien que cette photographie que j�ai intitul�e sans grande imagination "Au clair de la Terre" est de loin ma photographie spatiale ou astronomique pr�f�r�e. D�abord parce qu�elle �voque imm�diatement le programme Apollo et ensuite parce qu�elle souligne le lien intime qui associe notre plan�te � son seul v�ritable satellite naturel. Cette image prise depuis la Lune est aussi un hommage � la beaut� de cet �lot si fragile qu�est la Terre.
Cette image de la station Mir prise fin 1995 appartient maintenant au pass� : ce c�l�bre "Meccano spatial" �labor� � l��poque de l�Union sovi�tique n�a surv�cu � cette derni�re que quelques ann�es avant de sombrer dans le Pacifique en 2001. La premi�re station modulaire nous montre ici une partie de sa richesse : la vue est centr�e sur le sas d�arrimage APAS du module Kristal. Ce module �tait d�volu aux rendez-vous avec la navette russe Bourane, dont le programme fut stopp� avant qu�une telle mission ne soit r�alis�e. Il servit n�anmoins pour la jonction avec l�orbiter am�ricain. Autour de ce module, on aper�oit le vaisseau de transport Soyouz en haut, le bloc de base de la station en bas et les modules de recherche Spectre et Kvant 2 sur les c�t�s. Il ne faut jamais oublier l�opini�tret� et l�ing�niosit� des savants sovi�tiques qui dessin�rent les plans de cette station destin�e � p�renniser la pr�sence permanente de l�homme dans l�espace. Nous leur devons beaucoup car ils travaillaient avec peu de moyens et croyaient r�ellement au bienfait de leur mission, � l�instar du grand Sergue� Korolev, le p�re du programme spatial de l�URSS.
Je n'ai aucun
souvenir de cette nuit-l� puisque je n��tais pas n� ! Mes parents � ce que
je sais n�en ont gard� qu�un petit souvenir : l�espace n��tait pas leur
passion et ils n�ont pas suivi l��v�nement en direct � la t�l�vision,
contrairement � des millions d�autres personnes. Par contre, ils ont vu les
images le lendemain en diff�r� aux actualit�s. Je regrette beaucoup de n�avoir
pas assist� � un tel �v�nement. Surtout, j�ai l�impression que, � moins de
conna�tre une r�volution en mati�re de technologie spatiale et de propulsion,
j�ai peu de chance de suivre les premiers pas de l�homme sur Mars ou sur une
des lunes de Jupiter ou de Saturne. A moins de vivre centenaire�. S�rieusement,
je pense qu�une nuit comme celle-ci, j�ai quand m�me des chances de la vivre un
jour lorsque les hommes fouleront � nouveau la surface s�l�ne puisque les
cr�dits semblent vot�s et que le chantier de mise au point des techniques pour
le programme Constellation est lanc�. Je pense donc conna�tre le retour des
hommes sur la Lune, dans 10 ou 15 ans. Mais, apr�s l�aventure d�Apollo-11,
ce moment aura un air de d�j� vu. Ce ne sera donc pas comparable et cela n�aura
pas la magie de la nuit du 20 au 21 juillet 1969. A ce propos, dans le
cadre de l�atelier que j�anime depuis deux ans hors du temps scolaire au
coll�ge le mardi soir, je vulgarise l�histoire de la conqu�te spatiale et j�ai
fait du 40�me anniversaire de l�alunissage d�Apollo-11 le th�me
f�d�rateur. Et pour rester dans l�environnement lunaire, j�ai r�pondu � un
appel � projet de Plan�te Sciences qui m�apporte un soutien en mati�re
astronomique sur le th�me lunaire (connaissance du syst�me Terre-Lune, de la
composition du sol et de la g�ographie s�l�ne et observation de l�astre de nos
nuits avec un mat�riel ad�quat). En ce moment, nous r�alisons la maquette du
vaisseau Apollo et du LEM.
Franchement, j�ai
beaucoup de r�ves car, comme bien des passionn�s de la conqu�te spatiale, je
m�int�resse aussi � la science-fiction, qu�il s�agisse de la litt�rature SF un
peu pointue ou des films � grand spectacle. Alors, si je dois choisir, mon r�ve
spatial le plus fou ce serait de vivre l��poque o� les hommes quitteront enfin
le Syst�me solaire pour d�couvrir de nouveaux mondes habit�s, entrer en
communication avec des civilisations extraterrestres et y �changer le savoir.
Mais ce n�est qu�un r�ve que les contraintes du temps et de l�espace rendent
impossible. De plus, j�en viens � penser que ce premier contact sera plut�t
r�alis� par des machines, des intelligences artificielles capables d�assurer
leur propre d�veloppement autonome loin de notre monde et au-del� des
contraintes aff�rentes � notre fragile condition humaine. Comme Stephen
Hawkins, je pense m�me que c�est pr�f�rable car, � chaque fois qu�une
civilisation humaine est entr�e en contact direct avec une autre qu�elle
ignorait jusqu�alors, le contact fut rude et rarement pacifique. La peur de
l�inconnu a toujours pouss� l�homme dans ses retranchements les plus n�gatifs.
Des robots r�ussiront-ils ce premier contact ? La question de ce qu�il
adviendra alors de l�esp�ce humaine reste bien sp�culative. Je ne crois pas que
nous soyons les seuls dans l�Univers, m�me si nous n�en avons pas la preuve et
que la recherche penche plut�t vers l�id�e que la vie est certainement un
ph�nom�ne rare. Mais sur des millions d��toiles, le miracle de la vie s�est
sans doute d�j� produit. Alors on peut toujours r�ver�
Merci, St�phane
Bailanger !
La
semaine prochaine (lundi 8 juin 2009) : Bruce McCandless