L'invité de la semaine
dernière : Julien Guillaume
LES
INVITES DU COSMOPIF
N°6
(lundi 5 janvier 2004)
Sculpteur
Serge K.-Samÿn et
l'une de ses unités
d'espace
exposées au Musée
de l'Air et de l'Espace
Photo Pif
Sculpteur
originaire du Nord de la France né en 1959, Serge
K.-Samÿn a d'abord été attiré par l’architecture navale avant de suivre
des cours d'art figuratif aux Beaux-Arts de Paris dans les années 80. Passionné
de conquête spatiale, il dessine et sculpte, influencé par les
constructivistes, mouvement artistique des années 20 qui privilégie une
construction plus ou moins géométrique des formes.
Dans son atelier picard, l'artiste se consacre
depuis plusieurs années à une série de projets d’œuvres monumentales qu’il
nomme les unités d’espaces. Elles ont pour vocation de devenir
habitables, constituent des supports purement techniques ou peuvent servir de
repères visuels. Une douzaine de ces études ont été exposées durant
deux mois dans le hall de l'Espace du Musée de l'Air et de l'Espace du
Bourget en décembre 2001-janvier 2002, aux côtés d'autres œuvres, parfois plus
figuratives, inspirées par l'aventure spatiale.
Qui êtes-vous, Serge K.-Samÿn ?
Né à
Saint-Maurice en novembre 1959, je suis père d’un petit garçon né en 2000 dont
la maman est Estonienne. Le plus clair de mon temps, je travaille dans un
village de la Somme non loin d’Amiens pour sculpter divers matériaux.
J’ai
pratiqué plusieurs activités avant de devenir professionnel mais j’ai toujours
sculpté régulièrement.
Serge K.-Samÿn sur le chantier de restauration de la gare du
Nord à Paris en septembre 2009
Il est
difficile d’expliquer comment a débuté ma passion pour l’aventure spatiale,
étant entendu que ceux de ma génération sont, pour ainsi dire, nés avec.
Je me
souviens que mes camarades d’école et moi, nous étions convaincus que l’espace
allait tenir un rôle essentiel dans notre vie future. Aujourd’hui, l’espace me
paraît très proche et la Terre de plus en plus petite. Bizarrement, quand il
m’arrive d’observer le ciel avec mes modestes jumelles, les étoiles me semblent
aussi familières que l’herbe sur laquelle nous marchons. Les questions polaires
et maritimes ont aussi une grande importance pour moi.
En tant
qu’artiste, j’ai la chance de pouvoir utiliser l’esthétique spatiale à mon gré.
Par exemple, je travaille depuis quelques années sur un projet qui tente à
rationaliser la capsule spatiale dans un cadre terrestre. Je suis alors heureux
de voir que dans son domaine l’explorateur Jean-Louis Etienne a eu la même idée
pour son hivernage arctique entre avril et juillet 2002. Je me réjouis aussi
quand je peux voir mon fils jouer avec mes travaux.
Je ne peux
pas cacher que l’image spatiale, pour ne pas dire "l’icône des temps
héroïques", est également une source d’inspiration. Je pratique alors une
forme de sculpture délibérément classique en utilisant la terre ou la pierre.
Un de mes souvenirs les
plus marquants (bien avant la retransmission des premiers pas d’Armstrong et
d’Aldrin sur la Lune), ce fut l’apparition d’une grosse tête tordue auréolée
d’un casque dans un écran télé durant l'été 1963. Malgré mon très jeune âge,
j’avais compris que l’on parlait de cosmonaute et que ce n'était pas de la
fiction. Je me souviens clairement que tout le monde s’étonnait qu’il s’agisse
d’une femme. Je m’étais approché du poste et, comme le balayage déformait
curieusement le visage retransmis, j’en avais déduit que, dans l’espace, il y
avait des lignes déformantes et un étrange brouillard. C’est à partir de ce
temps là que j’ai commencé à faire la différence entre les vues d’artistes et
les documents originaux.
Les sondes
interplanétaires nous offrent chaque fois des joyaux d’images et les prochaines
missions devraient encore davantage nous étonner. Mais il y a surtout parmi les
clichés existants de l'astronautique une image que j’aimerais retrouver : il
s’agit du film d’un astronaute chevauchant une fusée Agena sur fond crépusculaire.
Je ne me souviens plus du nom de l’étrange cavalier du programme Gemini mais
cette scène possède tous les ingrédients pour être ma préférée : malgré le
grain épais et la simplicité du scaphandre, elle me laisse admiratif.
J’aimerais
dire au passage que mon grand regret est de n’avoir jamais trouvé une prise de
vue montrant Alexeï Elisseïev et Evgueni Khrounov passant du Soyouz-5 au
Soyouz-4 en janvier 1969…
Richard Gordon,
pilote de la mission Gemini-11, à cheval sur la "cible" Agena
au-dessus de l'Océan
Atlantique le 13 septembre 1966 (image 70 mm)
Le design
du X-15 me plaît mais ce n’est pas vraiment un objet spatial. Hermès
emporterait ma préférence si son programme avait abouti. Alors, concrètement,
j’hésite à dire ce qui me plaît le plus entre une sonde à pétales ou un
vaisseau habité. C’est vrai que l’architecture du Soyouz m’a toujours fascinée.
Ces lignes ne sont pas très "pures" mais c’est peut-être ce qui fait
son charme et puis il y a la longévité étonnante du concept. J’ai également
souvent une pensée de reconnaissance pour son premier pilote, le sympathique
Vladimir Komarov, peut-être trop souvent oublié.
Mon rêve le
plus fou serait que, dans un avenir pas trop lointain, les chercheurs mettent
au point de nouveaux moteurs qui permettraient d'effectuer la satellisation
avec un minimum de carburant puis de pouvoir freiner suffisamment le vaisseau
pour éviter le seuil de combustion au retour et lui permettre de rentrer
"en douceur". J'imagine que, si une telle performance était possible,
l'astronautique franchirait un grand pas…
Merci, Serge K.-Samÿn !
Interview
réalisée par mail en décembre 2003
La semaine
prochaine (lundi 12 janvier 2004) : Audouin Dollfus