LES INVITES DU COSMOPIF

 

N�150 (lundi 21 mai 2007)

 

Jean Prunin

Ancien commandant de bord Air France et astronome amateur

 

 

Jean Prunin est le commandant qui a effectu� le plus de vols sur Concorde (plus de 2 000 heures)

 

 

Qui �tes-vous, Jean Prunin ?

Je suis un des anciens Commandant de bord du Concorde (59 �quipages ont �t� qualifi�s en France, dont une femme copilote, B�atrice Vialle). Je vis aujourd�hui une retraite heureuse et tr�s active dans le Sud-Ouest, entre une �pouse qui a toujours eu l�immense sagesse de ne jamais me demander de choisir entre les longs courriers et la vie familiale et deux gar�ons �l�ves ing�nieurs � l�ESTACA. Au retour d�une s�ance de voltige sur Cap 10 (je pratique r�guli�rement), ils ont un peu de mal a mettre la piste en face de l�avion mais ils prennent leur revanche en me passant les commandes d�un de leurs diable d�engins t�l�command� (avec moi le crash n�est pas sur mais tr�s probable)� La voile occupe un place importante dans ma nouvelle vie. Apr�s une longue carri�re qui m�a permis de c�toyer beaucoup de gens extraordinaires, je deviens un peu ours solitaire et sauvage mais je garde toujours du temps pour partager l�exp�rience de 40 ans de pilote de ligne avec les jeunes passionn�s.

 

 

 

Jean Prunin le 15 septembre 2006 en compagnie d'enfants du quartier du Val Fourr� � Mantes-la-Jolie (78)

apr�s la conf�rence qu'il a donn�e sur le Concorde et les m�tiers de l'aviation

Photo Pif

 

 

Quel a �t� votre parcours professionnel ?

Mon parcours a �t� le plus classique pour un pilote : Ecole Nationale de l'Aviation Civile en 1962, s�lection en vol sur Stampe SV4 au centre �cole de Saint-Yan puis l�ch� � Air France. Copilote Caravelle, j�ai suivi le parcours traditionnel : affectation outre-mer, passage sur long courrier et enfin Commandant de bord puis instructeur. La chance a voulu qu�� ce moment la Airbus en pleine expansion recherchait des instructeurs pour former les �quipages des compagnies clientes. Ma candidature a �t� accept�e et je me suis retrouv� d�tach� � Toulouse au training center. Exp�rience humaine passionnante car j'ai qualifi� en ligne des pilotes sur Airbus dans une vingtaine de compagnies un peu partout dans le monde. Enfin, revenu � Air France, je r�alisai mon r�ve de jeune : piloter Concorde.

 

   

 

Le petit-fils de Charles Lindbergh, Eric, est venu faire un New York-Paris comm�moratif avec moi en 1997. Ce jour-l�, nous avons travers� l'Atlantique en 3h23. Rappelons que 70 ans plus t�t, le 20 mai 1927, son grand-p�re avait mis 33h30 � bord du Spirit of Saint Louis (un monoplan Ryan �quip� d'un moteur de 223 chevaux) ; en quelques d�cennies, gr�ce � Concorde, la vitesse commerciale a �t� multipli�e par 10 !

 

 

Le Concorde F-BVFA leader de la Patrouille de France � La Fert� Alais en 1987

Photo Jean Prunin

 

 

Quelle est votre passion, comment est-elle n�e, comment la vivez-vous ?

Tout ce qui vole m�a toujours attir�, depuis les avions en papier auxquels je faisais traverser la salle de classe � l��cole maternelle jusqu�aux pots � lait bourr�s de sucre en poudre et de chlorate qui semaient la panique dans le voisinage en retombant en morceaux un peu o� ils voulaient�

Plus tard � l�ENAC, pour obtenir le brevet th�orique de pilote de ligne, j�ai du m�initier aux "joies" de la cosmographie. J'en ai compris l�utilit� pratique en navigant sur Boeing 707 dans les r�gions polaires : c�est tout simplement gr�ce aux vis�es d��toiles ou du Soleil dans un sextant p�riscopique que l�on contr�lait la d�rive des gyroscopes. Dans les ann�es 60-70, �tait bien loin du GPS�

 

     

 

Au fil du temps, l�astronomie est devenue pour moi une v�ritable passion. J'ai notamment refait pour mon compte les observations qui ont permis � l�astronome danois Ole R�mer de mesurer la vitesse de la lumi�re en 1676. Durant 3 ans, gr�ce au directeur de l�observatoire de Bordeaux Jacques Colin, j'ai pu �tudier Jupiter avec le grand �quatorial de Floirac. Pour parfaire mon �tude, je me suis rendu � deux reprises � Florence pour consulter les cahiers d�observation de Galil�e, qui avait lui aussi �tudi� les lunes joviennes avec sa petite lunette au XVIe si�cle.

 

Enfin, j'ai pu appr�cier le spectacle unique de chaque vol de nuit : � l�altitude de croisi�re des avions de ligne, au-dessus des nuages, les cockpits deviennent des observatoires exceptionnels. A bord de Concorde, du fait de la vitesse de l'appareil (Mach 2,2 en croisi�re), nous pouvions m�me voir le Soleil se lever � l�Ouest et se coucher � l�Est !

 

 

Voici o� j'ai pass� la soir�e du 31 d�cembre 2006�

 

 

Quelle anecdote ou souvenir fort souhaiteriez-vous nous faire partager ?

Je retiendrai peut-�tre le soulagement d�en �tre sorti � bon compte, apr�s un crash en mer sur un avion d�a�roclub. Quand j'�tais en affectation aux Antilles sur Caravelle, j�occupais mes loisirs en faisant du monitorat b�n�vole au sein du club local. A la suite d�une panne moteur � 30 miles (55 km) de la c�te, j�ai d� patienter dans l�eau avec l��l�ve pendant que l�h�licopt�re qui avait treuill� les deux passag�res �tait parti refaire le plein. Une fois tous r�unis � terre, j�ai rendu la clef de l�avion mise par r�flexe dans ma poche au pr�sident du club en lui disant : "T�as pas tout perdu"�

 

Sinon, j'�voquerais le vol AF4500 du 11 ao�t 1999 que j'avais organis� � bord du Concorde F-BVFC avec l'Association Fran�aise d'Astronomie pour suivre l'�clipse totale de Soleil. Mon copilote �tait Eric C�l�rier. La poursuite a dur� 8 minutes et 10 secondes. Pour ce vol tr�s sp�cial, j�avais invit� Audouin Dollfus, pionnier du vol en ballon dans la stratosph�re, et Vincent Foresto, �galement astronome � Meudon � qui nous devons ces tr�s belles images.

 

 

 

L'�quipage du vol AF4500 du 11 ao�t 1999

 

Voir l'explication technique du vol Eclipse 1999 par Jean Prunin pour R�ciproques, le bulletin des professeurs de math�matiques des coll�ges et lyc�es de l'Acad�mie de Bordeaux (n�10, d�cembre 1999)

http://mathematiques.ac-bordeaux.fr/peda/publica/bulletin/bull10/eclipse.htm

 

 

Quelle serait votre photo spatiale ou astronomique pr�f�r�e et pourquoi ?

Je choisis cette photo prise du cockpit du Concorde lors du vol du 11 ao�t 1999 : on y voit entre autres une m�t�orite identifi�e par les astronomes comme �tant une Pers�ide.

 

 

 

 

Le Concorde BVFC qui a servi au vol Eclipse de 1999 est aujourd'hui remis� pr�s de l'usine Ader d'Airbus de Toulouse

Photo Dominique Viet

 

 

De la m�me mani�re, quel objet spatial retiendriez-vous ?

Je choisis le SpaceShipOne de Scaled Composite, tout simplement parce qu'il met pour la premi�re fois un r�ve inaccessible � la port�e d'un simple particulier. Pas besoin d'une fortune exceptionnelle, d'un entra�nement �litiste, d'une condition physique hors du commun etc., etc. J'esp�re que de tout c�ur que �a va se r�aliser, au moins pour les fans tr�s motiv�s.

 

 

 

Quel serait votre r�ve spatial le plus fou ?

Justement, je r�ve d'effectuer un petit tour de terre � bord du SpaceShipOne !

 

 

Que repr�sente pour vous le personnage de Youri Gagarine ?

Un homme fabuleux.

 

 

Que repr�sente pour vous la station Mir ?

La preuve que si on veut on peut mais que malgr� tout la nature arrive toujours � reprendre le dessus et que beaucoup de nos aventures humaines finissent en poussi�re... d'�toiles."

 

 

Que repr�sente pour vous Spoutnik-1 ?

Le pr�curseur.

 

 

Merci, Commandant !

 

Interview r�alis�e par mail en mai 2007

 

 

 

 

 

Le Concorde de Jean Prunin photographi� par Jacques-Andr� R�gnier depuis Heuqueville (Normandie)

le 11 ao�t 1999 � 10h20 TU. Au-dessus de la tra�n�e de l'avion, l'�toile R�gulus et V�nus.

Avec l'aimable autorisation de l'auteur

 

 

La semaine prochaine (lundi 28 mai 2007) : Lo�c Brevault

 

Les coordonn�es des invit�s ne sont communiqu�es en aucun cas