LES INVITES DU COSMOPIF |
L'invitée n°95 (lundi 19 décembre 2005)
Webmaster du site http://www.planetastronomy.com/
Qui
êtes-vous, Jean-Pierre Martin ?
Je
suis un enfant de la conquête spatiale, elle m'a accompagnée pendant toute ma
vie. J'ai été à l'école avec les Spoutnik, Vostok, Mercury et autres puis à la
fac avec Apollo. Ma vie professionnelle a été parallèle à la découverte des
planètes du Système solaire.
Après
des études de sciences physiques (maîtrise spécialité physique nucléaire) à la
Faculté des Sciences de Paris (qui s'appelle maintenant Paris 7 ; moi je
dirai toujours Jussieu), j'ai embrassé une carrière dans l'instrumentation nucléaire,
d'abord comme chef de labo, puis comme directeur technique et enfin comme
directeur commercial. J'ai eu la chance de voyager énormément et de connaître
d'autres façons de vivre et de travailler. J'ai même travaillé pendant
5 ans en Allemagne. C'est très formateur, tous les jeunes devraient
s'expatrier à un moment ou à un autre, c'est un plus pour leur carrière. J'y ai
même rencontré ma femme !
Ma
passion a toujours été l'aviation, l'astronautique et l'espace. J'ai été à tous
les salons du Bourget depuis que je sais marcher. Je me rappelle le titre des
journaux en attendant mon bus pour l'école en avril 1961 : "Un homme
dans l'espace ; la Lune en l'an 2000 ?" Ce point d'interrogation
me semblait tellement justifié à l'époque. Et puis on y a été quelques années
plus tard !
J'ai
suivi tous les progrès de l'astronautique et de l'astronomie et, depuis peu à
la retraite, je m'y consacre à fond en essayant de faire partager ma passion au
travers de mon site Internet et de convaincre les plus jeunes de se diriger
vers des carrières scientifiques qui font cruellement défaut à notre pays. Non,
ce n'est pas plus dur qu'autre chose ; oui, c'est bien payé ; oui,
c'est satisfaisant intellectuellement. Deux clés quand même :
comprendre l'anglais, langue internationale pour se faire entendre, et avoir
l'esprit ouvert. Comme je dis toujours, la curiosité n'est PAS un vilain
défaut.
J'ai
deux souvenirs forts à vous livrer, tous deux principalement liés à
Apollo.
J'ai
eu la chance de visiter Cap Kennedy en 1969, quelques semaines après les
premiers pas d'Armstrong sur la Lune. J'ai vu et touché la mission suivante
Apollo 12 dans le VAB, j'ai vu aussi la salle de contrôle Mercury. C'était
maaaaagique !
Bien
longtemps plus tard, en 1988, j'étais à Moscou pour le travail et, dans
l'ascenseur de mon hôtel (l'Inturist, reconstruit maintenant), en descendant
pour le petit déjeuner, j'ai rencontré…Mike Collins, le pilote du module de
commande d'Apollo 11 ! Je n'en revenais pas et, candidement, lui dis comme
un gosse émerveillé : "You are my hero!" Bien entendu, il s'est
mis à rire, nous nous sommes serré la main et avons discuté un moment dans la
salle de restaurant. Il était là pour le lancement de la sonde Phobos. Il m'a
signé un autographe. Le pur bonheur.
Difficile de choisir, il y en a tellement... Je me
limiterai à deux images.
La première, c'est la photo très connue d'un des
astronautes (Alan Bean) d'Apollo 12, arrachant une pièce de la sonde
Surveyor 3 posée sur la Lune quelques années auparavant pour la ramener
sur Terre. On aperçoit aussi le module lunaire dans le fond. Quand on pense à
la précision qu'il a fallu pour se poser si près, c'est époustouflant. Ce
n'était que le deuxième vol ! De plus, cela montre aussi le plan américain
méthodique de conquête de la Lune : des engins automatiques comme Ranger
et Surveyor d'abord, puis l'homme.
La seconde image que je retiens, plus moderne, fait partie des premières photos envoyées par la sonde Huygens avant l'atterrissage sur Titan). J'ai eu la chance de pouvoir y assister en direct dans le grand amphithéâtre de la Cité des sciences et de l'industrie à Paris, le 14 janvier 2005 : ce fut émouvant et grandiose. On commençait à discerner des fleuves et des côtes, on était tous bouche bée et on se demandait si on rêvait. André Brahic ne savait plus où se mettre et gesticulait dans tous les sens (plus que d'habitude…) ! Puis l'image du sol de Titan est arrivée, l'ambiance était à son paroxysme. Quel bel instant d'astronomie et de découverte et on peut le dire d'Histoire !
Sans
hésitation, Voyager 2 est l'objet spatial qui m'a fait le plus rêver.
Cette sonde a plus apporté à la science en 20 ans de mission que tous les
siècles passés réunis. Et quel voyage : toutes les planètes extérieures
sauf Pluton et tout ceci avec la technologie des années 1960 ! Merci pour
ce grand Tour !
J'aimerais
assister à une mission sur Europe, un satellite de Jupiter, vérifier qu'il y a
bien un océan sous la croûte de glace et procéder à des analyses.
Youri
Gagarine est un personnage mythique, que j'ai eu le plaisir de voir (je ne peux
pas dire rencontrer, je n'étais pas seul !!) à Londres pendant l'été 1961
(j'avais 17 ans !) où j'avais appris qu'il se rendait en visite à
Earl's Court et je l'ai vu. Mes impressions : il est petit, en uniforme
bleu et, surtout, ce qui m'avait frappé : son sourire. Il était
extrêmement sympathique. On apprit plus tard que le vol ne s'était pas déroulé
comme annoncé et qu'il avait sauté en parachute de sa capsule ce qui n'enlève
absolument rien à son exploit.
C'était
un personnage dont la personnalité lui échappait un peu. Il représentait pour
le pouvoir soviétique une icône et sa vie était précieuse, on lui refusait de
voler de nouveau dans l'espace. Il put quand même reprendre des vols sur avions
avec la fin que l'on connaît. J'ai eu malheureusement beaucoup plus tard
l'occasion de voir l'endroit où il s'était crashé dans les environs de Moscou.
Drame encore mal expliqué.
Et la station Mir ?
Ancêtre
avec Skylab de l'ISS, Mir fut un grand pas pour la vie de l'homme dans
l'espace. On a grâce à elle mis au point toutes les techniques de vie (et de
survie !) dans l'espace. Je trouve que c'est une erreur politique et
scientifique (mais pas économique !) de la part de la Russie de l'avoir
laissé brûler dans l'atmosphère et de laisser l'espace terrestre uniquement à
nos amis américains. On aurait dû la sauver à tout prix, une saine émulation
est toujours un grand facteur d'amélioration et de découvertes. Oui, je sais,
il y eut beaucoup de problèmes à bord, on a souvent frôlé la catastrophe mais
on s'en est toujours tiré. Mir, repose en paix (la paix se dit aussi Mir en
Russe), nous ne t'oublierons pas.
Merci, Jean-Pierre Martin !
Bill Readdy
Bonnes
fêtes de fin d'année à toutes et à tous !