LES INVITES DU COSMOPIF |
L'invitée n°143 (lundi 2 avril 2007)
www.cnes-csg.fr
Qui
êtes-vous, Agnès Jullien ?
Je
suis née le 21 janvier 1981 à Champigny-sur-Marne, dans le Val de Marne.
Célibataire, pilote privé, je suis actuellement ingénieur au CNES/CSG (Centre
spatial guyanais).
Après
4 ans passés en université pour obtenir une maîtrise en matériaux, j’ai
intégré une école d’ingénieur à dominante aéronautique et spatial. Un premier
stage à l’ONERA sur les étages d'accélération à poudre d’Ariane 5 puis un stage
au CNES/CSG ont constitué mes premières expériences du monde spatial. J’ai
ensuite effectué un mastère en techniques astronautiques et spatiales à
Toulouse pour retourner de nouveau en Guyane en tant que VCAT (Volontaire civil
à l’aide technique) en avril 2005. J’ai depuis été embauchée (en janvier 2006)
en qualité d’ingénieur Sauvegarde Vol. Mon travail consiste à étudier les
risques engendrés par un véhicule spatial en vol ainsi que les trajectoires
envisagées pour un lancement, étudier les cas de pannes possibles et
intervenir, lors des lancements, en cas de trajectoire dangereuse.
Je
ne saurais pas exactement dire à quand remonte ma passion pour le spatial. Je
me souviens d’avoir d’abord été intéressée par l’aéronautique et tout
particulièrement les avions de chasse. Je voulais à cette époque devenir pilote
de ligne, même si je me prenais à rêver d’être aux commandes d’un Rafale.
Pendant mon adolescence, je n’ai pas raté un seul meeting de la Ferté-Alais.
J’en garde de merveilleux souvenirs. On partait de bonne heure, avec mon frère,
pour toute la journée durant laquelle il passait son temps à m’expliquer toutes
les caractéristiques des avions se présentant devant nos yeux (quand j’y
pense : une vraie encyclopédie, mon frangin !) Et puis, tous les
deux ans, c’était le salon du Bourget : encore un vrai bonheur pour
les yeux.
Mais
les avions, ça a beau me plaire, ça exerce sur moi moins d’attrait que les
étoiles, les planètes, les comètes et j’en passe… enfin bref, l’Univers. Et la
technologie que l’homme est capable de créer pour atteindre ses objectifs, j’ai
beau l’avoir sous les yeux tous les jours en venant au travail, ça m’épate
toujours autant. Quoi de plus merveilleux que d’arracher un objet à la
gravitation terrestre pour l’envoyer aux confins de notre Galaxie ? Là
encore, je dois bien le reconnaître, je dois ma passion pour le spatial à mon
frère que j’ai entendu, dès mon plus jeune âge, raconter les épopées des
spationautes/astronautes/cosmonautes à longueur de journée. Il en parlait avec
un tel entrain, de façon si passionnante que j’ai fini par faire des recherches
de mon côté… Aïe ! Ca y est, j’avais chopé le virus ! Et jusqu’à
présent, il ne m’a pas quitté… Je croise les doigts (bien que n’ayant pas
d’inquiétudes) pour que ça dure…
Le
souvenir le plus fort que j’ai vécu à ce jour est sans hésitation le premier
lancement auquel j’ai assisté. C’était en juillet 2004, le vol V163, pour
mettre sur orbite le satellite canadien Anik F2. J’étais alors stagiaire au
centre spatial et j’ai obtenu une place pour le voir en direct du centre de
contrôle Jupiter II. Je me souviens encore de l’effervescence qui régnait sur
la base la semaine précédente et puis, le jour J, un tel calme… Du moins, c’est
l’impression que j’en ai eue. C’est donc toute excitée que je suis arrivée dans
cette grande salle, derrière la vitre qui donne une vue sur les pupitres de
contrôle. Un coup d’œil rapide sur la salle nous a permis, à mes amis et moi,
de repérer les places idéales pour ce moment inoubliable : là, sur la
droite, proche des portes de sortie sur la terrasse qui nous permettra de voir
le lancement en direct. On s’installe, on discute, on rigole mais, on a beau
faire, la pression monte en chacun de nous. Pourvu que tout se passe bien. On
jette un regard de temps à autre vers les pupitres… Ca s’agite mais, pour le
moment, tout se passe bien. Le temps s’égraine doucement sur l’horloge aux
chiffres rouges devant nos yeux. Et patatra, peu de temps avant le décompte
final : rouge météo ! On patiente encore un peu mais, très vite, la nouvelle
tombe : report de tir, nouvel essai le lendemain. C’était un lundi. Au
final, le lancement aura lieu le samedi. Après maints espoirs et reports,
enfin, c’est le grand soir. Le directeur des opérations annonce le début de la
séquence synchronisée, cette fois ça semble bien parti. Et en effet, à
H0-1 minute, les portes de la terrasse s’ouvrent et on s’y engouffre tous
rapidement. La tension est à son comble…
Allumage
Vulcain, on voit au loin, une petite lueur s’allumer… Ca y est, cette fois,
c’est la bonne ! Allumage EAP, une lumière éblouissante. Le Soleil
serait-il en train de se lever de nouveau ? Mais pourquoi Ariane ne
décolle pas ??? Quelques secondes d’angoisse et enfin, le lanceur s’élève
dans le ciel. On se croira en plein jour… Tout va très vite, il est déjà haut,
on ne voit bientôt plus que la lumière qu’il crée. Et là, soudain, un
grondement sourd qui prend dans les tripes, le bâtiment qui se met à vibrer…
J’en ai la chair de poule et, plus aucun doute (encore que je ne pense pas en
avoir eu à ce sujet !), je veux participer aux lancements, je veux
travailler au centre spatial !
C’est au fond un évènement qui ne dure que quelques instants… Mais des instants tellement magiques. Chaque lancement me fait toujours le même effet : cette angoisse alors que le lanceur décolle (pourvu que tout se passe bien), les frissons quand le bruit arrive et enfin, la joie quand les satellites sont sur orbite…
Le 18 juillet 2004, une Ariane 5 G+ place sur
orbite le plus gros satellite de télécommunications jamais construit et
lancé :
Anik F-2 (5 950 kg)
J’aime
particulièrement cette photo de "clair de Terre" pour plusieurs
raisons. Tout d’abord, je trouve merveilleux de pouvoir observer la Terre en
direct de la surface de son satellite naturel. De plus, elle représente un de
mes rêves les plus fous : celui, d’un jour, pouvoir fouler la surface
lunaire. Enfin, j’aime ce côté quelque peu déroutant de cette prise de
vue : la plupart du temps, les photos que l’on peut voir de la Terre nous
la montre en entier... On voit alors un "rond bleu perdu dans
l’espace". Les images de "demi-planète" ou "croissant"
sont fréquemment réservées à la Lune. Ainsi, cette photo semble inverser les
rôles : comme si nous étions habitants de la Lune en train de regarder
cette étrange planète au loin qu’est la Terre !
Lever de
Terre photographié depuis la Lune par les astronautes d'Apollo 8 en décembre
1968
J’ai
hésité entre de nombreuses photos, il y en a tellement de merveilleuses !
Mais à chaque fois, celle-ci me revenait en tête ! Pourquoi ?
Sûrement parce qu’elle a figuré pendant de nombreuses années sur les murs de ma
chambre d’adolescente. C’était la première image que je voyais lorsque je me
levais le matin, la dernière que je regardais avant de fermer les yeux le soir.
Je tentais alors d’imaginer ce que l’on peut ressortir lorsqu’on se sent
flotter, seul au dessus de sa planète. Ce calme et cette sérénité que l’on doit
ressentir… mêlé sûrement à une légère angoisse de se sentir si petit face à la
Terre ! C’est du moins l’idée que je m’en suis toujours faite. J’ai
souvent posé les yeux sur cette photo avec envie... L’envie d’un jour aller
dans l’espace et pouvoir admirer la lueur des étoiles sans l’effet de
l’atmosphère, admirer cette merveilleuse planète qui est la notre et, tout
simplement, participer à une fabuleuse aventure humaine : la découverte de
l’espace.
Bruce McCandless le 7 février 1984 lors du premier
essai du fauteuil spatial MMU
J’en
ai déjà parlé un peu plus haut, mon rêve le plus fou serait de pouvoir fouler
la surface lunaire. Ce satellite, si beau à observer par les belles nuits
d’été, m’a toujours intriguée et attirée. La sensation doit être tellement
intense que de se retrouver si loin de sa planète, tout en la voyant encore si
bien. Or, cette impression, il n’y a que la Lune qui peut nous l’offrir... Mars
étant trop loin pour si bien distinguer notre planète bleue. Se retrouver sur
une surface désertique, dans le silence spatial, là où si peu d’hommes se sont
aventurés avant... Qui sait, peut être un jour ?
Merci, Agnès Jullien !
La semaine prochaine (lundi
9 avril 2007) : Abdelaziz
Badri