LES INVITES DU COSMOPIF |
N°155 (lundi 25 juin 2007)
Qui
êtes-vous, Alain Juge ?
Je suis né à
Lyon où j’ai passé toute ma jeunesse et où j’ai suivi toutes mes études,
celles-ci se concluant par un diplôme d’ingénieur de l’INSA (Institut national
des sciences appliquées), section électrotechnique en 1968.
Les hasards de la vie professionnelle m’ont amené, après un bref
passage en Normandie puis en région parisienne, sur la Côte d’Azur, dans un
petit village de la vallée du Var à une quinzaine de kilomètres de Nice.
Je suis marié et nous avons 3 enfants.
J’aime bien la montagne. Aussi, je fais des randonnées l’été et du ski
l’hiver.
J’ai fait
pratiquement toute ma carrière chez Télémécanique (rachetée par Schneider en
1988), dans la division Automates Programmables. J’y ai exercé différents
métiers tels que le marketing produit, les achats, la qualité ou la gestion de
projets, tous ces métiers étant tournés vers la conception de produits
nouveaux.
Ma passion, c’est
l’espace en général et les fusées en particulier. Très jeune, je me suis
d'abord intéressé aux avions. Avec mes copains, on allait en vélo à l’aérodrome
de Lyon-Bron situé pas très loin de chez nous pour admirer les gros avions de
près. A l’époque, c’était encore possible et il y avait des terrasses d’où l'on
voyait les embarquements de passagers. Mais ma passion est vraiment née l’été
1957, quand mon père m’a rapporté une revue Aviation Magazine que j’ai
dévorée ! Puis j’ai acheté le suivant, puis le suivant, puis… il y a eu
Spoutnik !
Un jour, alors que je
lisais Aviation Magazine en étude, un copain de classe m'a dit que lui
aussi s’intéressait à l’aviation. Évidemment, une amitié est née autour de
cette passion commune puis assez vite nous avons projeté de construire une
fusée. Nous en discutions souvent en "récré" ou en "étude"
(pour les jeunes qui n’ont pas connu ça, être en "étude" signifiait
que nous étions dans une classe surveillée par un surveillant appelé
vulgairement "pion" et nous étions censés y faire nos devoirs). Un
jour, deux autres copains de la classe nous ayant entendu, nous ont
annoncé qu’ils avaient le même projet. Après discussion, nous nous sommes donc
lancé un défi : à la fin de l’année scolaire, chacun des deux binômes
devait avoir construit sa fusée et nous lancerions nos engins ensemble. Le binôme
vainqueur serait celui dont la fusée aura atteint la plus haute altitude… Mon
copain et moi avons équipée la notre d’un moteur de fusée de feu d’artifice
(autrement dit, nous avons réalisé une microfusée au sens Planète Sciences du
terme). Nous avons gagné par forfait. C’était en juin 1959.
Deux ans plus
tard, avec un autre copain, nous avons imaginé des projets plus ambitieux dont
se sont fait écho quelques journaux régionaux. Ainsi, peu de temps après, j’ai
reçu une lettre du CNES m’expliquant qu'il était interdit de fabriquer et
lancer des fusées en dehors du cadre défini par lui. Nous avons alors créé un
club, l’OSCRAS (Organisation Scientifique de Construction et Recherche
Aéronautique et Spatiale),
à la Maison des jeunes du 8e arrondissement de Lyon. Mais après
deux ans de fonctionnement (ou plutôt de dysfonctionnement, devrais-je
dire), il a été dissout. Cela ne m'a pas empêché de lancer le FACIL (Fusées
Astronautique Club de l’INSA de Lyon) en 1967, qui est devenu le CLES-FACIL en
1983, toujours vivant et bien vivant 40 ans après.
Voir
l'article consacré aux 40 ans du CLES-FACIL dans le n°30 d'ESPACE
Magazine (juillet-août 2007)
Article
consacré à l'OSCRAS paru dans Les échos de Lyon le 28 mai 1963
Collection
Alain Juge
La vie professionnelle
et familiale m’a ensuite un peu m’éloigné des fusées mais un jour de 1997, Emmanuel Jolly, alors
président du CLES-FACIL, m’a téléphoné, ce qui m’a permis de reprendre contact
avec le club et de découvrir les fusées à eau. C’est à la fois ludique et très
technique. On peut faire des choses très simples pour amuser les enfants et
leur donner le goût de la technique mais aussi des choses très compliquées pour
essayer d’aller toujours plus haut.
Le FACIL a été créé en mai 1967 avec l’objectif de lancer une fusée lors de la campagne de lancements suivante, prévue 3 mois plus tard. Bien sûr, le projet était assez simple mais le mois de juin était une période d’examen pour toute l’équipe, alors entièrement composée d’étudiants de l’INSA. Puis fin juin, les cours étant fini, chacun repartait dans sa famille aux quatre coins de la France. Malgré cela, nous sommes arrivé en juillet au camp du Larzac (près de Millau) avec notre fusée, Iphigénie-1. A vrai dire, elle n’était pas tout à fait prête et nous avons travaillé jour et nuit pour la terminer. Nous nous sommes donc retrouvés les derniers à lancer. Mais la rampe de lancements a été endommagée lors du décollage de la fusée précédant la notre, compromettant notre vol. Notre désespoir était à la hauteur du travail fourni. C'est alors qu'un capitaine du camp, apitoyé sans doute par notre détresse, nous a signalé que de vieux tubes en acier traînaient dans une remise et que nous pouvions nous en servir pour bricoler une rampe. Nous avons évidemment saisi l'occasion puis, après avoir négocié avec le CNES une petite prolongation des lancements, nous nous sommes mis au travail. Quelques heures plus tard, la nouvelle rampe était prête. Elle n’a pas très bien supporté le voyage (en jeep de l’armée) de son lieu de fabrication jusqu’au pas de tir mais quelques bouts de ficelle l’on solidifiée. Elle n’a surtout pas survécu à ce lancement mais notre fusée est bien partie et revenue sous parachute pour notre plus grand bonheur.
Préparation d'une rampe de
fortune puis mise en œuvre d'Iphigénie en juillet 1967 sur le plateau du Larzac
Le choix est
vraiment difficile. Il y a bien sûr les grands moments historiques de la
conquête spatiale : Spoutnik, Gagarine, le premier pas sur la Lune, la
première rencontre américano-soviétique dans l’espace (Apollo-Soyouz) et
beaucoup d’autres. Il y a aussi des photos très belles de la Terre ou d’autres
planètes.
Mais incontestablement, celle qui m’a le plus marqué est celle du
premier pas sur la Lune en juillet 1969.
Là aussi, le
choix est difficile. Il y a tous les objets qui symbolisent un de ces moments
historiques et je suis tenté de citer un des symboles de la conquête de la
Lune : le vaisseau Apollo, le module lunaire ou la jeep lunaire. Mais
finalement, je crois que je préfère la station spatiale internationale. Non pas
parce ce qu’elle représente un exploit ou une avancée significative mais plutôt
parce qu’elle est le fruit d’une large coopération internationale. On le sait,
la Terre et petite et fragile, il faut l’économiser. Si les projets spatiaux
pouvaient se décider au niveau mondial et dans le seul intérêt de la Terre et
des Terriens… Mais là, je rêve encore…
Sans hésiter,
j'aimerais aller dans l’espace et, tant qu’à rêver, pourquoi pas sur Mars. Mais
j’ai peur d’avoir un peu passé l’âge L
Youri Gagarine fut le
premier et il fallait sans doute beaucoup de courage pour se lancer dans cette
aventure à haut risque à cette époque (même encore maintenant d’ailleurs et les
accidents des navettes sont là pour nous le rappeler). Mais je voudrais aussi
associer à Gagarine tous ceux qui furent les volontaires de la première heure,
qu’ils soient Soviétiques ou Américains parce que, si Gagarine à eu la chance
de partir le premier, les autres méritent également notre admiration.
Précédemment, j’ai
hésité à citer la station Mir comme objet préféré pour la même raison que l’ISS.
J’ai choisi cette dernière parce qu’elle est plus internationale. N’empêche que
Mir fut le précurseur et je l’aime bien aussi. Dommage qu’elle ait fini
tristement dans le Pacifique…
Spoutnik, c’est à la
fois le début de la conquête spatiale et le début de ma passion pour l’espace.
Donc pour moi, c’est un symbole très fort.
Merci, Alain Juge !
Interview réalisée par mail en juin 2007
La
semaine prochaine (lundi 2007) : Tim Furniss