LES INVITES DU COSMOPIF

 

Les invit�s n�138 et 139 (lundi 12 f�vrier 2007)

 

Lucette et Christian Jeauc

Retrait�s du Centre spatial guyanais

 

 

Photo Pif

 

 

Qui �tes-vous, Lucette et Christian Jeauc ?

Nous nous sommes rencontr�s en 1964 dans un train entre Paris et Strasbourg. Nous allions tous deux vers le lac de Constance. Christian travaillait dans les transmissions � la base Nike de Friedrichshafen et Lucette allait travailler dans un h�tel pour un job d'�t�. Nous nous sommes mari�s l'ann�e suivante, le jour des Saint Innocents. Christian a �t� mut� � Colomb-B�char en janvier 1966 et, toute femme devant suivre son mari, Lucette rejoignait bient�t Christian � Colomb-B�char puis � Br�tigny-sur-Orge, Kourou, Toulouse, Pont Saint-Esprit, Paris, Blaye, Le Cap, Dunkerque et Kourou. Soit 19 changements de situation pour Lucette.

La majeure partie de nos emplois (27 ans sur 42) a �t� li�e au spatial et c�est tout naturellement que nous sommes toujours � Kourou depuis notre retraite. Bien que ne travaillant plus, nous vivons toujours les lancements aussi intens�ment.

Nous avons deux enfants, une fille n�e en Normandie et un fils n� � Cayenne. Aucun ne travaille aujourd'hui dans le spatial.

 

 

Quel a �t� votre parcours professionnel ?

Lucette : je faisais des �tudes d'anglais en Angleterre pour devenir interpr�te quand j'ai rencontr� Christian. En le rejoignant � Colomb B�char, j'ai exerc� comme professeur d'anglais. Revenue � Paris, j'ai travaill� comme traductrice chez Dun & Bradstreet puis chez Snecma (alors boulevard Kellerman). En Guyane o� nous sommes arriv�s en janvier 1968, il n'y avait pratiquement pas de femmes sur place et j'ai �t� tr�s vite sollicit�e pour travailler comme secr�taire du service T�l�communications du CNES alors bas� au "ranch" (les constructions en bois � l'entr�e du nouveau Kourou de l'�poque et qui regroupait tous les services du CSG dans l�attente de la construction de la base actuelle ; ces locaux sont aujourd'hui utilis�s par des associations). Je suis ensuite pass�e au d�partement fiabilit� du CSG jusqu�� l�arriv�e � Kourou de l�ELDO (European Launching Development Organisation) qui m�a recrut�e comme secr�taire du directeur administratif, Monsieur Hochbaum. L'�chec de F11 a entra�n� la dissolution de l�ELDO et� mon licenciement. A notre retour en M�tropole, j'ai d�abord fait de l'int�rim avant d��tre embauch�e � la Banque fran�aise du commerce ext�rieur (la petite s�ur de la Banque de France pour le commerce ext�rieur) � Toulouse, tout en pr�parant un BTS d'assistante de direction trilingue avec le CNED.

Christian quitte le spatial pour le nucl�aire et nous voici � Pont Saint-Esprit dans la vall�e du Rh�ne, o� je rejoins la SFEC (Soci�t� de fabrication d'�l�ments catalytiques), filiale du CEA, comme assistante du directeur commercial. Christian mut� � Blaye (Gironde), ce fut davantage la gal�re. J'avais 40 ans et n'�tais pas "n�e dans le vin"� J'ai alors repris traductions et interpr�tariat pour la chambre de commerce de Bordeaux, le tribunal d'instance et de grande instance et des clients priv�s. J�ai profit� de ma disponibilit� pour pr�parer un DUT � Tech de Co. Ce bagage suppl�mentaire m�ouvre le poste d�assistante du directeur commercial dans une fabrique de machines outils lourdes.

Lorsque nous sommes revenus volontairement en Guyane avec Christian (c'�tait un choix de vie), j'ai tout de suite rejoint Arianespace comme assistante des chefs de mission. J'y suis rest�e 16 ans, jusqu'en 2004.

 

 

Visite du "ranch" en compagnie de Christian Jeauc en septembre 2006

Photo Pif

 

 

Christian : J'ai grandi en Alg�rie. Apr�s un Bac technique Math�matique loup� au moment de l'Ind�pendance, je me suis engag� dans l'arm�e de l'Air o� j'ai �t� form� aux radio-transmissions � Rochefort. J'ai travaill� � Friedrichshafen et Colomb B�char avant de rejoindre le Centre Spatial Guyanais de 1968 � 1974. De retour � Toulouse, j�ai suivi une formation d'informatique de gestion au CNAM.

En 11 ann�es de Spatial, j'ai travaill� dans les syst�mes de localisation pour r�cup�rer les pointes de fus�es sondes, de t�l�vision, de radio-transmission, de traitement de la t�l�mesure, de t�l�commande de sauvegarde Ariane, dans le cadre d�un march� CNES/COMSIP.

J'ai �t� durant 10 ans dans la neutronique, l'automatisme et la r�gulation � Framatome ; avant de choisir de revenir dans le spatial (nous avions �t� invit�s au bouillon d'awara � notre premier s�jour au Centre Spatial Guyanais) pour travailler comme ing�nieur qualit� au CSG dans le cadre d�un march� CNES/APAVE jusqu'� la retraite. Au CSG, j'ai notamment travaill� sur les sites fus�es sondes, Diamant, ELDO, Galliot, M�t�o et le centre technique entre 1968 et 1974 puis entre 1988 et 2002.

 

 

Quelle est votre passion, comment est-elle n�e, comment la vivez-vous ?

Lucette : Ma passion pour l'espace est n�e par le travail. Nous nous sentions tellement impliqu�s ! M�me � Toulouse, nous suivions les premiers vols d'Ariane, nous levant la nuit pour suivre L01 et les suivantes !

 

Christian : Ma passion pour le spatial est n�e quand j'ai d�barqu� � Hammaguir en 1966 (�a bougeait bien � l'�poque). J'y ai connu les fus�es sondes, le VRME, Diamant et Coralie. Une fus�e, �a se vit intens�ment !

 

 

Quelle anecdote ou souvenir fort souhaiteriez-vous nous faire partager ?

Lucette : L'�chec de F11 depuis Jupiter 1 m'a beaucoup impressionn�e, ainsi que la pr�sence de 80 journalistes du monde entier (dont Fran�ois de Closet), tous devant leurs t�lescripteurs. Je leur ai port� le communiqu� de presse r�dig� par le directeur technique de l�ELDO et tous se l�arrachaient sans pouvoir masquer leur tristesse ! Cet �chec fut la cause de mon premier licenciement. Je pense aussi � V36 ou � 501. Chaque �chec a g�n�r� une ambiance tr�s particuli�re � Kourou, une morosit� chez les commer�ants�

 

   

 

L'�chec du lancement F11 de la fus�e Europa le 5 novembre 1971

entra�na une interruption de trois ans de l'activit� op�rationnelle du Centre spatial guyanais

 

 

Christian : FU-201 (Eridan), une fus�e � deux �tages � poudre Un matin de fin1968 (j'�tais � un des t�l�limiteurs de la sauvegarde vol sur la route de l'espace - la localisation �tait alors �labor�e � l�aide de ces mat�riels de r�ception d�images. Une sph�re translucide, sur laquelle �taient trac�es les limites de sauvegarde, install�e dans le champ d�une cam�ra vid�o, donnait le domaine d��volution de la fus�e sur les �crans TV de la sauvegarde vol.

A sa sortie de rampe, la fus�e s'est couch�e et a fonc� vers le centre technique et Cayenne. L'ordre de destruction a permis de d�truire le premier �tage mais le second s'est allum�, entra�nant un looping (provoqu� par le calculateur de bord) et un retour vers le point de d�part. La fus�e est retomb�e vers le site fus�e-sonde. Le grand rassemblement de volontaires pour retrouver la pointe scientifique fut sans r�sultat. Mais, le soir m�me, la pointe �tait expos�e devant la librairie de Kourou avec un panneau : "Pour la r�cup�ration de vos charges scientifiques, adressez-vous � l�AVAT de Kourou" (Association des volontaires � l'assistance technique). Ca avait touss� � l'�poque !

 

 

 

Fus�e Eridan expos�e au entre technique du GSG

Photo Pif

 


Quelle serait votre photo spatiale ou astronomique pr�f�r�e et pourquoi ?

Lucette : J'ai �t� tr�s impressionn�e par le satellite XMM dans le b�timent S5, sa forme, sa taille et tous ses miroirs.

 

 

Le satellite europ�en XMM-Newton d'�tude des rayons X (10 m de long pour une masse 3,8 t)

en int�gration dans le b�timent "S5" du CSG, quelques semaines avant son lancement, le 10 d�cembre 1999

 

 

Christian : Je suis emball� par les sorties en scaphandre dans l'espace pour r�parer les satellites : �a c'est de l'aventure ! Ce sont des images extraordinaires. Quand on pense au milieu dans lequel les astronautes �voluent�

 

 

Astronautes au chevet du t�lescope spatial Hubble lors de la 2e mission de maintenance, en f�vrier 1997

 

 

Quel serait votre r�ve spatial le plus fou ?

Lucette : Est-ce fou d�esp�rer que la conqu�te spatiale permette un jour aux gens de mieux communiquer, �changer et se conna�tre, mieux conna�tre la Terre et son environnement, mieux appr�hender les catastrophes et en tirer un b�n�fice pour l'homme. Dire que le second tsunami �tait connu mais que la population n'a pas pu �tre inform�e � temps !

 

Christian : Il faut poursuivre l'aventure pour le bien de l'homme et de la connaissance.

 

 

Que repr�sente pour vous le personnage de Youri Gagarine ?

Lucette : Je garde un grand souvenir de Youri Gagarine, nous avons suivi cela � la t�l�vision que nous venions d'avoir.

 

Christian : Youri Gagarine, c'est le d�but de l'aventure humaine. Aujourd'hui, �a tourne un peu au ridicule avec les milliardaires qui se paient des s�jours sur orbite !

 

 

Que repr�sente pour vous la station Mir ?

Lucette : Mir constitue un formidable outil, �patant, qui a forg� la coop�ration internationale.

 

Christian : Mir a �t� constructive pour la recherche et la coop�ration internationale mais il ne faut pas que la station devienne un h�tel pour touristes fortun�s.

 

 

Que repr�sente pour vous Spoutnik-1 ?

Lucette : Spoutnik m'�voque le "bip-bip" mais je ne me souviens davantage de la chienne La�ka.

 

Christian : Ah, "bip-bip" ! C'est le d�but de la m�diatisation dans l'aventure spatiale. Les essais de fus�es sondes existaient d�j� mais �taient militaires et secrets.

 

 

 

Merci, Lucette et Christian Jeauc !

 

Interview r�alis�e � Kourou en septembre 2006

 

 

Le mois prochain (lundi 12 mars 2007) : Emmanuel Jolly

 

 

Les coordonn�es des invit�s ne sont communiqu�es en aucun cas