L'invit� de la semaine
derni�re : Marcel
Lebaron
LES
INVITES DU COSMOPIF
N�23
(lundi 3 mai 2004)
Qui �tes-vous, Yves Gauthier ?
Je suis n� par 46�35 N, 0�20 E, en
l�an 1 avant You. G. De fait, j�avais dix mois quand la TSF annon�a
le vol historique de Youri Gagarine. Depuis, j�ai fait trois enfants,
traduit en fran�ais une cinquantaine d�ouvrages russes, sign� huit livres
d�auteur dont un sur le premier cosmonaute de l�humanit� (Gagarine ou le r�ve russe de l�espace, Flammarion, 1998), �crit des
articles et v�cu quelque quinze ans en Russie � titre de naufrag�
volontaire.
Quel
a �t� votre parcours professionnel ?
D�abord, j�ai entam� un parcours
classique : scolarit� sans emb�ches, �tudes de lettres, apprentissage des
langues �trang�res. Puis, comme je voulais �tre polyglotte et cosmopolite (du
mot cosmos, notez bien), j�ai voulu
voyager. Mon voyage s�est arr�t� l� o� il a commenc�, en Russie. J�exerce le
m�tier d�auteur.
Comment
est n� votre int�r�t pour la conqu�te spatiale ?
Les plus belles aventures, selon
moi, sont celles des premiers pas, des grandes explorations. Colomb, Cartier et
autres Bougainville figurent parmi mes lectures les plus marquantes. J�ai �crit
un livre sur la conqu�te de la Sib�rie : la "d�floration" par
l�homme des espaces vierges de l�Asie du Nord, puis de l�Arctique. M�me frisson
� la lecture des premi�res pages de la conqu�te spatiale. Il est vrai que c�est
un int�r�t livresque : je l�assume.
Auriez-vous
une anecdote ou un souvenir fort li� � vos recherches � nous raconter ?
Comme souvent, ce sont des
souvenirs de gosse. Je me revois gamin dans une �cole maternelle de la banlieue
parisienne (1965 ?) avec un heaume de cosmonaute en carton sur la t�te. Ma
respiration embue la visi�re en plexiglas (une id�e de mon institutrice). Un
camarade affubl� du m�me accoutrement me pousse en me disant : "Je
suis Gagarine". Je proteste : "Non c�est moi". C��tait un nom
tr�s � la mode � l��poque et je suis n� assez t�t pour prendre un peu de ce
virus-l�. Puis il y a eu 1969, la Lune. Mes parents n�avaient pas la t�l� mais
en pr�vision du grand jour (21 juillet), ils se sont avis�s d�en acheter
une. M�me r�ponse partout : "Plus rien en stock � cause d�Apollo".
Quelle
serait votre photo spatiale ou astronomique pr�f�r�e et pourquoi ?
Dans ma m�moire, j'ai cette
extraordinaire vue de la Terre prise par les astronautes d'Apollo 11 sur
le chemin de la Lune, publi�e dans Paris
Match en ao�t 1969 : �norme, lascive, nimb�e d�une gaze bleue.
La Terre prise par les astronautes d'Apollo 11, �
180 000 km de distance. A gauche se dessinent en clair les c�tes
d'Afrique du Nord avec, � sa droite, la mer Rouge et l'isthme de Suez. A
gauche, l'Espagne. Pr�s de la botte italienne, voil�e par un nuage, on
reconna�t la Sicile et la Corse. "L'�il coll� � nos cam�ras, nous �tions
devant cette image comme des �coliers de 8 ans en classe de g�ographie, raconte
Neil Armstrong. Mais jamais la le�on ne nous avait paru aussi belle."
Photo NASA
Mais il y a aussi une autre image
qui me fascine : le radiot�lescope de Kaliazine (Russie), une ville
ennoy�e par les eaux de la Volga par suite de la construction d�un barrage en
1941. � c�t� du clocher � demi-submerg� de l��glise Saint-Nicolas-sur-Jabnia
(1801), se profile l�immense parabole du t�lescope. �trange paysage, �trange
dialogue entre deux constructions tendues vers le ciel. A chaque fois que j�y
passe, je prends une photo.
Photo Yves
Gauthier
De
la m�me mani�re, quel objet spatial retiendriez-vous ?
Une fois de plus,
pardonnez-moi ! votre question me ram�ne � mon enfance. C��tait un jouet
m�canique � ressort, compos� d�un mini-globe terrestre et d�un spoutnik. Quand
on tournait la cl�, un satellite faisait le tour de la Terre en poussant des
petits bip ! plaintifs. Plus qu�un jouet : un po�me. Perdu dans un
d�m�nagement. R�compense � qui le retrouvera.
Autre jouet que celui �voqu� par Yves Gauthier,
tr�s diff�rent mais qui parle � l'imaginaire de la m�me mani�re
Que
vous �voque le personnage de Youri Gagarine ?
Premi�rement, par ses qualit�s
humaines, Gagarine a �t� � la hauteur de son exploit. Il n�a pas rempli une
mission de potiche. Il fallait du cran, et il en a eu. Deuxi�mement, Gagarine
s�est r�v�l� un personnage de trag�die. Avec le temps, il n�a pas voulu devenir
la statue de bronze qu�on avait coul� de lui. Il a r�sist� avec plus de
tourments qu�on ne l�imagine, et sans vraiment r�ussir. Il y a quelque chose de
symbolique dans sa triste fin. Dans l�imaginaire russe, il en est sorti grandi.
Aujourd�hui, c�est une ic�ne nationale, un h�ros et un martyr.
C�est une g�n�ration qui s�en va
sur la pointe des pieds. Mais qui a encore des choses � nous dire. J�en veux
pour exemple le grand Constantin F�oktistov, lui-m�me cosmonaute, ing�nieur,
cr�ateur du Vostok et du Voskhod aux
c�t�s de Korolev� Ses r�cents m�moires (La
trajectoire de ma vie, 2000, en russe) offrent l�occasion d�une r�flexion
de fond -et de quelle qualit� !- sur le sens et le devenir de la
"cosmonautique".
[Extrait de l'interview parue dans
ESPACE Magazine n�6 (mai-juin 2004)]
Quel
serait votre r�ve spatial le plus fou ?
Mon r�ve �tait de revivre le
premier vol cosmique en �crivant les aventures de Youri Gagarine. Ce r�ve est
mort quand mon �diteur m�a annonc� qu�il envoyait le stock au pilon, faute de
lecteurs. Qu�� cela ne tienne, l�espace est par d�finition une machine � r�ver,
ce qui explique la fascination attach�e au m�tier d�astronome, d�astronaute,
etc. Encore faudrait-il l�explorer � bon escient.
R�ve num�ro un :
d�militariser l�espace. R�ve num�ro deux : un plan�tarium dans chaque
�cole. R�ve num�ro trois : retrouver mon spoutnik � ressort !
Merci Yves Gauthier !
Interview
r�alis�e par mail en f�vrier 2004
Prochain
invit� (lundi 10 mai 2004) : Jacques Tiziou