L'invit�e de la semaine
derni�re : Elisa
Cliquet
LES
INVITES DU COSMOPIF
N�323
(lundi 16 mai 2011)
www.esa.int/esaMI/Mars500/SEMRDFSTGOF_0.html
Qui �tes-vous, Cyril Fournier ?
Originaire de la r�gion parisienne,
d�une m�re professeur d�anglais et d�un p�re informaticien, je suis n� (sans
pr�tention aucune et avec quelques ann�es d��cart !) le m�me jour que Walt
Disney, Andr�-Pierre Gignac ou Little Richard et la m�me ann�e qui a vu d�c�der
Martin Luther King ou Youri Gagarine� Vous avez trouv� ! Oui, c��tait le
5 d�cembre 1968 !
Ma scolarit� s�est d�roul�e entre
Versailles, Orsay, Hazebrouck, Vero Beach (Floride, USA) et Montpellier.
Finalement, je travaille actuellement comme pilote de ligne qualifi� sur Airbus
A320.
J�habite � Paris avec ma femme
(nous nous sommes mari�s en 2009). et je partage mon temps entre mon travail,
les voyages et mes autres passions que sont le sport -surtout le hockey sur
gazon et le squash- et la photographie !
Et pour l�instant, je me
d�finirais comme un citoyen actif et curieux de notre monde�
A la fin de mes �tudes
universitaires, en 1990, je r�ussis le concours "Ab initio" pour �tre
form� et devenir pilote de ligne ; je pars donc en formation
professionnelle. Mais celle-ci est rapidement interrompue pour cause �conomique
et je reprends alors mes �tudes pour obtenir un dipl�me d�ing�nieur en sciences
des mat�riaux.
Le premier poste que j�occupe est donc
ing�nieur produit chez Walter Trowal, PME sp�cialis�e dans le traitement de
surface m�cano-chimique. Puis le transport a�rien retrouve la sant� et je
repars en formation pour finalement �tre embauch� sur Airbus A320. Apr�s
3 ans, je passe sur Airbus A340, toujours comme pilote. Depuis 2006, je
suis revenu sur A320, cette fois en tant que commandant de bord.
Parall�lement, j�anime
r�guli�rement des stages intitul�s "apprivoiser l�avion, destin�s �
soulager la peur des personnes anxieuses � l�id�e de voyager en avion.
Quant � ma participation au projet
Mars500, elle ne r�sulte que de ma candidature � cette exp�rience
extra-ordinaire que proposait l�Agence spatiale europ�enne et de la chance que
procure parfois les hasards des s�lections�
L'�quipage
participant � la premi�re mission Mars500 (108 jours d'isolement entre
avril et juillet 2009) :
le Fran�ais
Cyrille
Fournier, l'Allemand Oliver Knickel et les Russes Sergue� Ryazanskiy,
Oleg
Artemiev, Alexe� Baranov et Alexe� Shpakov
Rares sont les petits gar�ons qui,
� mon �poque du moins, ne r�vaient pas de devenir pilote d�avion, pompier ou
cosmonaute� ! En tout cas cela a �t� mon cas et j�ai grandi la t�te dans
les encyclop�dies, � feuilleter les nombreux et diff�rents articles relatifs
aux plan�tes, � l�Univers et aux divers chemins que l�homme a trac�s pour le
d�couvrir.
Puis cet int�r�t s�est dilu� alors
que je grandissais. Il n�a �t� grandement r�veill� qu�une fois � l�universit�,
o� mon cursus m�a fait rencontrer Jean-Pierre Bibring, �minent professeur
d�astrophysique ! Comme il participait �galement � cette �poque aux
missions Phobos lanc�es par l�URSS, sa passion pour les choses c�lestes -et
plus pr�cis�ment Mars- a d� �tre contagieuse�
Quant � devenir pilote et voler,
j�ai finalement r�ussi � y arriver et c�est la chose la plus merveilleuse que
j�ai pu go�ter ; je pourrai difficilement vivre sans, � pr�sent.
C��tait en mai 2001, pendant ma
formation destin�e � me qualifier sur A340. Je devais faire plusieurs vols avec
un instructeur, qui se trouva �tre G�rard Feldzer.
Notre premier vol �tait un Paris-Washington et apr�s que G�rard fit son annonce
d�accueil � nos passagers, une h�tesse vint dans le poste de pilotage en disant
� G�rard qu�il y avait � bord quelqu�un qui le connaissait et qui aurait souhait�
lui dire bonjour pendant le vol�
Pas de probl�me, l�acc�s au poste
�tant plus facile en ces temps pr�-11 septembre, notre passager nous rejoignit
en croisi�re. Il s�agissait d�un sp�cialiste du programme spatial sovi�tique
(ma m�moire ne me permet plus de me souvenir de son nom malheureusement et je
m�en excuse�) et notre vol a �t� ponctu� tout du long de r�cits, d�anecdotes,
de souvenirs et d�aventures li�s � la conqu�te de l�espace�
Pour finir et une fois arriv�s �
Washington, nous sommes ensuite all�s visiter ensemble le National Air and
Space Museum et je me suis d�lect� de toutes ces nouvelles histoires que G�rard
et son ami nous narraient, rendues encore plus vivantes par ces objets expos�s,
t�moins authentiques de l�aventure spatiale� !
Bien �videmment, quand j'entends
le nom de Youri Gagarine, je pense in�vitablement au premier homme dans
l'espace. Il fallait une bonne dose de courage -ou d'inconscience, au
choix !- pour s'engager dans un tel programme et pour une telle
mission ! Mais en revenant vivant de ce p�rilleux voyage, il devint alors
l'une des ic�nes de la conqu�te de l'espace, au m�me titre que, quelques ann�es
plus tard, Neil Armstrong ou Alexe� Leonov.
Viennent ensuite beaucoup d'autres
impressions et r�flexions. Tout d'abord Gagarine, en tant qu'ic�ne id�ale. Je
me souviens d'un visage et d'un sourire, en bref une "belle gueule",
de la m�me trempe qu'un Steve McQueen ou qu'un Alain Delon. Est-ce que cette
apparence mod�le aura �t� un avantage pour finalement le choisir lui plus que
Titov ou Nelioubov ? Peut-�tre et je pense m�me s�rement car les
trois personnages avaient des comp�tences certaines et le choix final s'est
certainement fait sur des d�tails, d�tails d'importance n�anmoins.
Ensuite, l'ic�ne ne doit pas
masquer le reste de la structure qui a permis de r�aliser l'exploit. Youri
Gagarine n'est pas parti dans l'espace tout seul et j'associe toujours �
Gagarine les comp�tences que l'URSS a d�velopp�es pour parvenir � un projet
viable et abouti, comp�tences acquises en partie il est vrai gr�ce aux prises
et aux transfuges allemands au d�nouement de la Seconde Guerre mondiale.
Enfin -et peut-�tre surtout-, l'ic�ne
n'a de raison d'�tre que dans le contexte, pour le moins tr�s politis�, de la
course � l'espace que se livrent les deux super-puissances, l'URSS et les
Etats-Unis. Il fallait que chacune des deux id�ologies pr�sente ses
meilleurs avantages et par son physique aur�ol� de son voyage, Gagarine
personnifiait � merveille les atouts et la r�ussite de l'URSS.
Quelques trois d�cennies
apr�s son fabuleux voyage, l'URSS s'�croula et, parce que la comp�tition
dogmatique est un moteur particuli�rement puissant, avec elle s'�vanouirent
toutes les stimulations politiques qui pouvaient animer les deux camps.
Depuis, la course � l'espace a pris un rythme beaucoup plus placide et
finalement, pour ce qui est des choses spatiales, j'en suis presque � regretter
Gagarine et son univers de la Guerre froide�
Quel souvenir gardez-vous de la nuit
du 20 au 21 juillet 1969 ?
Le souvenir de cette nuit
exceptionnelle est assez lointain� J�avais en effet 7 mois et 16
jours ! Mais ma m�re �g�e de 21 ans �tait naturellement fascin�e par
l��v�nement. Alors, apr�s m�avoir pris sur ses genoux, ma m�re m�a tout
expliqu�, tout ce que la t�l�vision nous faisait partager, �tape apr�s �tape.
M�me sans la parole, j��tais tr�s attentif au spectacle et peut-�tre de l�
m�est venu mon int�r�t pour l�espace, sa conqu�te et la trace que l�homme y
laisse.
Le 14 f�vrier dernier, dans le
cadre de la seconde mission Mars500, le Russe Alexandre Smoleevski et
l'Italo-argentin Diego Urbina "marchaient sur Mars". Quel est votre
commentaire ?
Pour la premi�re fois de son
�volution, l'homme pose le pied sur Mars. Certes, les risques sont ma�tris�s
puisqu�il s'agit d'une simulation. Mais, pour plusieurs raisons, savourons ces
moments car il s'agit bien d'une �tape majeure vers une mission r�elle.
Oui, il s�agit d�une simulation. Mais
tous les syst�mes complexes tels le nucl�aire ou l�a�ronautique int�grent
aujourd�hui les simulations � tous les niveaux, y compris pour anticiper les
risques. Le spatial, syst�me complexe par essence, ne doit pas se priver d'une
simulation telle que Mars500.
Oui encore, les d�fis � relever pour
envoyer un homme sur Mars sont nombreux et Mars500 n'en r�sout que
quelques-uns. Les d�fis technologiques demanderont des d�veloppements encore
consid�rables mais le facteur humain, au c�ur d'une mission r�elle, est un
�l�ment fondamental qui n�cessite qu�une part majeure des efforts y soit
consacr�e.
Enfin, les retomb�es de Mars500 nous
concernent d�j�, nous Terriens, et soyons s�rs que nous b�n�ficierons � court
terme des progr�s m�dicaux, psychologiques ou ergonomiques que ce projet aura
su apporter.
Pour toutes ces raisons, Mars500 nous rapproche d�j�
remarquablement de la plan�te rouge, pour que l'homme rel�ve des d�fis � sa
mesure et quitte enfin son berceau naturel... Bravo !
L'image des
premiers pas sur Mars, volontairement d�grad�e comme si elle venait de
parcourir 60 millions de kilom�tres,
telle
qu'elle �tait visible depuis le TsOUP, le centre de contr�le des vols spatiaux
habit�s � Moscou, le 14 f�vrier 2011
Photo ESA
Choix difficile � r�aliser !
Mais je choisis assur�ment une photo sur laquelle appara�t la Terre tellement
je trouve envo�tante cette grosse boule bleue� Et pour l�associer � la pr�sence
de l�homme dans l�espace, je vous propose la photo prise lors de la sortie
extra-v�hiculaire de Bruce McCandless
II, en f�vrier 1984 : L�homme, prot�g� par son enveloppe vitale
immacul�e, �volue (presque�) libre dans un environnement d�une pure beaut�,
entre le bleu du ciel en "bas" et le noir t�n�breux partout ailleurs�
Plus qu�un, je vais prendre la libert�
d�en �voquer deux, � l�oppos� sur l��chelle de grandeur des corps
c�lestes� !
Le premier est la Galaxie. Quelle
qu�elle soit, le concept m�me d�une r�union, en son sein, de dizaine de
milliards d��toiles, multiples, binaires ou simples, avec par-ci des naines,
par-l� des g�antes, ici du gaz ou de la poussi�re, l� des astres errants tels
les com�tes ou bien encore des trous noirs, le tout parsem� de centaines de
milliards de plan�tes dont certaines pr�sentes assur�ment toutes les conditions
d�apparition de la vie, ce concept-l� est extr�mement fascinant� et mine de
tant de ressources pour l�imaginaire !
Le deuxi�me objet spatial qui m�a
fascin� est assur�ment la com�te Hale-Bopp, simplement parce que quand elle est
pass�e � proximit� de la Terre en 1997, j�ai pass� des longs bouts de nuit � la
regarder juste � l��il nu et c��tait magique !!!
Je crois sinc�rement au r�le
fortement moteur que procurent les r�ves ; c�est pour cela que je me suis
interdit de ne pas avoir de r�ves !
Naturellement, je serais
extr�mement heureux si je pouvais voir, un jour, un homme poser le pied sur
Mars� Non pas seulement pour pouvoir dire "L�homme a quitt� son
berceau" mais pour d�velopper l�id�e que l�homme pourra, une nouvelle
fois, s�adapter � un environnement nouveau en s�installant sur une nouvelle
plan�te et en y d�veloppant une soci�t�.
Et si en plus, cette folle
aventure peut concerner Thomas Pesquet,
alors je pourrai me dire que, concr�tement,�
l�aventure spatiale est un travail d��quipe ! ;-)
Merci, Cyrille
Fournier !
Cyrille Fournier
lors d'une conf�rence pour l'association Plan�te Mars en juin 2010
Photo Pif
Prochain
invit� (lundi 23 mai 2011) : Philippe Boissat