L'invité de la semaine
dernière : Thibault Raboisson
LES
INVITES DU COSMOPIF
N°226
(lundi 2 mars 2009)
Qui êtes-vous, François Forget ?
Je
suis chercheur au CNRS, spécialisé dans l’étude des planètes et tout
particulièrement la planète Mars. J’habite en banlieue parisienne avec ma
petite famille mais je travaille sur le campus de Jussieu au cœur de Paris.
J’ai aussi passé pas mal de temps aux Etats-Unis.
J’ai
commencé par des études d’ingénieur (ENSTA à Paris). A l’époque, je ne souhaitais
pas travailler dans la recherche : pour moi, les chercheurs étaient des
êtres en blouse grise qui vivaient dans des caves en mesurant la croissance du
cristal de Zirconium pendant des années ! Plongeur sous-marin, j’ai fini
par me spécialiser en ingénierie off-shore et plus tard travailler sur la pose
de pipelines sous-marins. J’ai ensuite trouvé le job en or : plongeur en
Antarctique, ce qui me permettait d’allier mes passions pour la plongée et
l’exploration polaire, et même d’effectuer mon service national ! Dans ce
but, l’administration des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)
m’a poussé à effectuer un DEA en océanographie. Pour avoir le DEA, il fallait
effectuer un stage de recherche. Après avoir essayé en vain de faire cela sur
une plate-forme off-shore ("Mais ce n’est pas de la
recherche !"), j’ai du choisir parmi les stages proposés en
océanographie mais aussi météorologie et environnement. Un sujet a aiguisé ma
curiosité : "Modélisation de l’atmosphère martienne". J’ai sauté
sur l’occasion et j’avoue m’être régalé à travailler sur ces sujets exotiques,
surtout que mes collègues étaient vraiment géniaux. Par la suite, ma mission en
Antarctique (qui entre temps était passée aux îles Kerguelen) a été annulée...
Grosse déception, vite effacée par un nouveau projet : partir comme
ingénieur pour le CNES à la NASA en Californie pour préparer un projet
franco-russe de ballon sur Mars pour 1998. J’y suis resté un an et demi et, en
rentrant je me suis inscrit en thèse pour devenir chercheur car j’avais compris
que la recherche scientifique, c’est vraiment formidable !
Après
ma thèse, j’ai travaillé deux ans pour le CNES puis au CNRS depuis 1998.
Je suis reparti travailler à la NASA en 2004 et 2005. Mon sujet de prédilection
est toujours l'étude des atmosphères planétaires. Je me suis beaucoup investi
dans la mission Mars Express de l’Agence spatiale européenne (je suis
"Interdisciplinary Scientist" en charge de l’atmosphère) et je
travaille sur les missions à venir...
Je
crois que ma passion c’est -un peu naïvement- "l’exploration". J’ai
la chance de pouvoir la vivre au travers de l’exploration spatiale à laquelle
je participe et, plus généralement, en faisant de la recherche scientifique qui
se révèle en général être une "exploration" par bien des aspects.
Mais j’ai continué à pratiquer la plongée sous-marine dans toute sorte de mers
autours du monde et à monter des expéditions polaires dans des endroits quasiment
jamais visités en Arctique. Il y en a encore !
Il
y en a tant... Les souvenirs forts vont d’un lancement spatial (Mars Express à
Baïkonour, à 1 300 m du pas de tir !) à la révélation solitaire
d’une découverte scientifique à 4h du matin. "Euréka !", cela
existe et c’est très fort, lorsque tout à coup une énigme soulevée par une
observation est expliquée à l’aide d’une autre observation ou une simulation
numérique.
Lancée le 2 juin 2003 par une fusée Soyouz-Fregat,
la sonde européenne Mars Express s’est placée avec succès
autour de la planète Mars le 25 décembre suivant
Là encore, le choix est difficile. Si je me restreins à Mars,
je choisirais tout d’abord une photographie des flancs du cratère Victoria par
le rover Opportunity. On y voit une véritable falaise sédimentaire, riche en
sel de sulfate. Toutes les sondes martiennes tendent à se poser au milieu d’immenses
"pistes d’atterrissage" et, pendant des années, les images de Mars en
surface montraient de vastes plaines plates et caillouteuses. La mobilité des
rovers a permis de révéler de vrais reliefs et leurs images nous montrent une
autre planète Mars.
Je ne peux résister à l’envie d’ajouter une image peu connue
prise depuis orbite par la caméra MOC sur la sonde Mars Global Surveyor. On y
voit des collines sédimentaires très érodées entourées de dunes. Vu du sol, le
paysage doit y être extraordinaire.
Le module lunaire du programme Apollo est un de mes engins favoris. Il combine un "look" extraordinaire avec une légèreté et même une véritable fragilité qui reste vraiment fascinant. Il a aussi servi de "tente d’expédition" aux astronautes. Il faut imaginer l’ambiance au retour d’une sortie sur la surface. Le ron-ron des pompes, les astronautes fourbus qui préparent leur nourriture en silence. J’ai eu la chance de discuter de ces aspects avec l’astronaute John Young chez lui grâce à un ami commun et la description de cette ambiance m’a particulièrement fascinée (peut-être à cause de mes propres séjours sous la tente en Arctique).
Une énorme fusée et une petite boule de métal ! C’est le début d’une ère bien sûr. Mais je suis aussi fasciné par les satellites et les sondes interplanétaires qui ont suivi juste après : en peu d’années, quelques ingénieurs ont inventé toutes les techniques sur lesquelles nos sondes actuelles (que nous mettons maintenant parfois plus de dix ans à construire) sont bâties.
Merci, François Forget !
Interview
réalisée par mail en février 2009
La semaine
prochaine (lundi 9 mars 2009) : Isabelle Georis