LES INVITES DU
COSMOPIF |
L'invité n°101 (lundi 6 février 2006)
Webmaster du site Space News International
www.spacenews.be
Qui
êtes-vous, Jean Etienne ?
Je suis un touche-à-tout devenu par
hasard le webmaster de Space News International, le premier site web
d’informations spatiales francophone au monde, dont l’origine plonge ses
racines en 1992.
Quel a été votre
parcours professionnel ?
Après mes humanités modernes au collège Saint-Barthélemy à Liège, je me suis mis à travailler avec mon père, qui était entrepreneur en bâtiment. Au bout de huit années, je me suis porté candidat à l’administration communale de Chaudfontaine et suis entré à la police communale. Là, j’ai complété ma formation par trois années d’études en sciences administratives.
La mutation des structures devenues
trop lourdes et impersonnelles à la suite des fusions de communes face à mon
caractère très indépendant, j’ai démissionné après 18 ans de service et ai
effectué plusieurs professions (agent d’assurances, ambulancier, chauffeur
routier international) avant d’être remarqué par le directeur d’un site web
formidable mais aujourd’hui disparu : Geoman.net, situé à Quimper. J’ai
été immédiatement engagé comme rédacteur de cette société et cela a duré
deux ans. Deux années de bonheur professionnel. Malheureusement,
Geoman n’a pas résisté à l’explosion de la bulle Internet et a cessé ses
activités en 2002.
Je suis maintenant en pré-retraite
mais continue toujours la plupart de mes activités autour du domaine spatial en
simple amateur passionné. A moins qu’un jour... Mais cela sera une autre
histoire.
Quelle est votre
passion, comment est-elle née, comment la vivez-vous ?
Je me suis passionné par tant de
choses ! Mais finalement, j’en reviens toujours à l’astronomie et
l’astronautique.
Cette passion est née lorsque mon
père m’a offert, en 1952 ou 1953, un petit livre illustré d’une cinquantaine de
pages sur l’astronomie. Je n’avais pas encore 6 ans et ne savais pas lire
mais les images me fascinaient complètement ! Il m’en a acheté d’autres et
nous avons développé cette passion en parallèle. Je peux affirmer que j’ai
appris à lire dans des livres d’astro !
Mes premières réalisations concrètes, ce sont des lunettes astronomiques, fabriquées au moyen de verres de lunettes et de loupes montées dans des tubes de plastique. C’est avec un bricolage de ce genre que j’ai aperçu pour la première fois les anneaux de Saturne ! C’était aussi l’heureuse époque des “stocks Américains”, ces magasins de surplus de l’armée US créés juste après la guerre où on pouvait acheter absolument de tout pour une bouchée de pain. J’ai transformé des viseurs de chars en lunettes astronomiques d’excellente qualité et c’est avec un récepteur ondes courtes acheté là-bas pour 100 FB (2,5 euros) que mon père a capté et enregistré les signaux de Spoutnik 1 et les battements de coeur de la petite chienne Laïka à bord de Spoutnik 2, en 1957.
Puis est venue l’ère des premiers
ordinateurs personnels. Je voulais absolument avoir le tout premier TRS-80
arrivé chez Tandy en Belgique, je l’ai eu ! La mémoire coûtait
1 franc belge de l’époque l’octet... ou si on préfère, 1 euro les
40 octets. Et bien sûr, mon tout premier programme était un calcul de
caractéristiques orbitales.
En 1992, lorsque les prix des modems
se sont démocratisés, j’ai créé un BBS (Bulletin Board System) consacré à
l’astronomie et fondé Space News, un bulletin d’information électronique
mensuel. L’Internet n’était pas encore développé ici mais les webmasters de
plusieurs sites américains et canadiens me le réclamaient et je leur en
envoyais un exemplaire sur disquette par la poste, avec des images
supplémentaires (les communications se faisaient toujours en 2400 bps à
l’époque). Je peux donc dire que Space News existe sur Internet depuis
1992...
Après 13 numéros, j’ai enfin pu m’abonner à l’Internet et Space News version définitive est né, puis rebaptisé Space News International pour des raisons de copyright. Ce site existe toujours et enregistre une moyenne de 3 000 appels quotidiens.
Mais ma passion ne s’arrête pas là puisque je collabore à d’autres sites web, comme Futura-Sciences et Flashespace, pour citer les plus réputés. J’ai aussi rédigé plusieurs articles pour Science & Vie Junior, effectué plusieurs reportages pour Radio-Canada, dont le suivi en direct de la destruction de Mir... Mais ce que j’apprécie par-dessus tout, c’est le contact avec les autres passionnés et je donne régulièrement des conférences sur divers thèmes non seulement astronomiques mais aussi en rapport avec d’autres passions, comme l’histoire et l’aviation.
Une autre de mes passions, c’est
aussi l’organisation de conférences dans toute la Belgique, données par des
orateurs réputés au niveau international, notamment pour le compte de Mensa.be, dont
je suis administrateur.
Quelle anecdote
ou souvenir fort souhaiteriez-vous nous faire partager ?
Remplacez le “ou” par un “et” : j’ai les deux ! :-)
L’anecdote : le petit livre
offert par mon père il y a un demi-siècle avait disparu depuis quelques
décennies... Prêté, égaré, je l’ignore... L’année dernière, dans une brocante
de la région liégeoise, je suis en train de fouiller dans les cartons d’un
bouquiniste... lorsque je tombe sur un livre identique ! Je l’ouvre et
reconnais mon écriture ! Il a ainsi rejoint les rayons de ma bibliothèque...
Le souvenir fort : le
12 avril 1980, je suis au Centre spatial Kennedy en compagnie de Théo
Pirard, pour assister au premier vol d’une navette spatiale. En face de la
gigantesque tribune de presse (d’où on ne voit pas grand-chose) se trouve une
grande pelouse (d’où on voit tout) et où trône l’horloge du compte à rebours.
C’est donc là que je m’étais installé, en bordure d’un bras de mer, la Banana
River.
5... 4... 3... 2... 1... Mise à feu,
Columbia décolle. 14 secondes plus tard (distance oblige), le son nous
parvient, fait trembler le sol et nos tripes. Nous avons l’impression que nos
os s’entrechoquent... Je quitte le viseur de ma caméra. Devant moi, l’eau,
lisse comme un miroir il y a une minute, frissonne comme par grand vent. Un
sillage, une forme qui dépasse : c’est un aileron de requin ! Je n’en
n’avais jamais vu à cet endroit...
Théo me rejoint. Je suis étonné de
voir que deux grandes larmes lui coulent des yeux. Puis je m’aperçois que j’ai les
mêmes. Nous venions d’être les témoins privilégiés de l’inauguration de la
première ligne régulière pour l’espace...
12 avril
1981, ouverture de la première ligne régulière pour l'espace
Quelle serait
votre photo spatiale ou astronomique préférée et pourquoi ?
Je retiens cette une image mosaïque
transmise par la sonde Voyager 1 le 14 février 1990, qui montre une
vue d’ensemble de notre Système solaire. La Terre y apparaît, ramenée à ses
justes proportions face à l’immensité de l’Univers, c’est-à-dire vraiment pas
grand-chose. De sa position au-delà de l’orbite de Pluton, c’est-à-dire à
l’orée de l’espace interstellaire, Voyager préfigure ce que sera
l’astronautique de demain, lorsque l’homme, abandonnant ses stupides
prétentions égocentriques, sera devenu l’habitant de l’Univers.
De la même
manière, quel objet spatial retiendriez-vous ?
Astérix ! Cette capsule
technologique française dénommée A-1 est le tout premier satellite réalisé dans
un but exclusivement civil, alors que jusque-là la course à l’espace et à la
Lune avait été organisée sur un fond de propagande politico-militaire entre les
Etats-Unis et l’URSS. Grâce à Astérix, l’astronautique n’était plus l’apanage
des super-puissances, se dégageait du carcan de la Guerre froide et prenait sa
véritable identité, en ouvrant la porte des étoiles.
Conçu par le CNES, Astérix devait
simplement fournir des renseignements sur son lanceur Diamant A et la mise
sur orbite. Bien que sa mission ait été un échec suite à la rupture d’une
antenne lors du largage de la coiffe, le vol parfait de la fusée Diamant A
a fortement encouragé le développement de cette famille de lanceurs civils, qui
a évolué de façon spectaculaire en devenant la famille Ariane.
Maquette
d'essais du satellite "Astérix" exposée au Musée de l'Air et de l'Espace
Photo Pif
Quel serait
votre rêve spatial le plus fou ?
Ce serait la découverte formelle de
la première forme de vie extraterrestre, même sous la forme d’une simple
bactérie. Je place cet évènement bien avant la rencontre d’une forme
d’intelligence extraterrestre car l’existence d’une forme de vie indigène
ailleurs que sur Terre démontrerait que par un simple phénomène d’évolution, la
vie intelligente existe obligatoirement ailleurs.
Que représente
pour vous le personnage de Youri Gagarine ?
Gagarine est plus qu’une célébrité,
il fait partie de la mythologie de l’humanité. Même s’il n’a accompli qu’une seule
orbite autour de la Terre, cet exploit a fait prendre conscience aux hommes que
le stade ultime de leur évolution était désormais à leur portée.
Que représente
pour vous la station Mir ?
Par sa nature de première station
spatiale permanente, le rôle de Mir a été capital dans l’inspiration du
programme spatial mondial. Son avancée technologique au moment de son
inauguration en 1986 était énorme, au point que plusieurs modules de l’actuelle
Station spatiale internationale, dont la construction n’est pas terminée, en
sont des copies structurelles conformes.
On peut affirmer que parmi les
motivations de l’homme à s’élancer par lui-même dans le cosmos, impliquant le
rêve aussi bien que les objectifs scientifiques à atteindre, Mir a d’une
certaine façon remplacé la Lune.
Merci, Jean Etienne !
La semaine
prochaine (lundi 13 février 2006) : Joëlle Brami