Pr�c�dent
invit� : Jean-Pierre
Haigner�
LES
INVITES DU COSMOPIF
N�111
(lundi 17 avril 2006)
www.france2.fr
Qui �tes-vous, Lo�c De la Mornais ?
Je suis journaliste � France 2, reporter au service
"Enqu�tes Reportages", c'est-�-dire charg� de l�actualit�
"chaude" en France comme � l��tranger. Je voyage beaucoup et les
sujets sont extr�mement vari�s : ils vont du conflit irakien au tsunami au
Sri Lanka, de la gu�rilla � Gaza aux affaires judiciaires en France, d�un
tremblement de terre en Alg�rie� � la base de simulation martienne de la Mars
Society en Utah !
Je travaille
principalement pour les journaux t�l�vis�s de la cha�ne (13h et 20h) mais aussi
pour des magazines comme "Envoy� Sp�cial" ou "Un oeil sur la
plan�te", pour lesquels j�ai r�alis� des reportages de fond, jusqu'en
Chine ou en Turquie.
Apr�s mes �tudes � Sciences Po Paris, j�ai travaill� au CNES en 1996 � la m�diatisation des astronautes pendant un stage longue dur�e (7 mois). Je me suis notamment occup� de la mission STS-78 de Jean-Jacques Favier avec les Am�ricains et de la mission Cassiop�e de Claudie Haigner� avec les Russes.
Jean-Jacques Favier et Claudie Haigner�, premiers scientifiques fran�ais de l'espace en 1996
Cette exp�rience a renforc� ma passion pour l�espace mais j�ai aussi d�couvert que pour encore mieux vivre cette passion, il valait mieux passer de "l�autre c�t� de la barri�re", de la communication vers le journalisme (les journalistes sont des vernis, on leur offre plein d�opportunit�s)� Je suis donc parti � l�Ecole Sup�rieure de Journalisme de Lille. Apr�s mon dipl�me, je suis parti vivre deux ans au Caire, dans le cadre de mon service militaire (coop�ration), comme journaliste dans un quotidien arabe francophone. Je m�y suis perfectionn� en arabe et, de toute fa�on, c�est une r�gion que j�adore. A mon retour en France, je suis entr� � France 2, en l�an 2000.
Je suis avant tout passionn� par le ciel, au sens le plus large du terme. J�aurais du mal � dissocier ma passion entre l�aviation et l�espace, m�me si, je pense, tout a d�but� plut�t du c�t� de l�aviation. Je ne sais pas exactement quand elle n�e : mes parents diront lors de mon bapt�me de l�air, � 5 ans� Je crois qu�il y a un peu de tout : le t�lescope de mon grand p�re, la vision de "La guerre des mondes" en cachette un mercredi apr�s-midi, les avions et les vaisseaux spatiaux en Lego, l�ambiance unique de la Cit� des Sciences � Paris (et son simulateur d�A320, j�y allais expr�s des dizaines de fois !), le plan�tarium du Palais de la d�couverte, les visites syst�matiques dans le cockpit des avions Air France o� je montais� et un film � la G�ode sur la NASA, qui m�a clou� au si�ge� Ces trucs de gosse, anodins d�apparence, qui collent aux tripes une passion, des sensations et une marque ind�l�bile. Comme 800 millions de petits gar�ons sur Terre, je voulais devenir pilote, pilote, pilote�
Seul probl�me : j��tais vraiment tr�s-tr�s mauvais en
maths (et pas en physique, allez savoir pourquoi). J�ai fait un bac ES (fini
Math Sup pour pr�parer l�ENAC�) et j�avais annonc� � mon p�re que je serai
balayeur sur porte avions, juste pour pouvoir les approcher� Comme je me d�brouillais pas trop mal dans les autres mati�res, je
me suis quand m�me dit qu�il y avait des tas d�autres m�tiers int�ressants dans
le monde du ciel� Je voulais travailler dans la communication spatiale ou dans
une grande boite du secteur�
Et puis il y a eu une r�v�lation : d�j�, j�ai pass� mon
brevet de pilote � 18 ans, juste apr�s mon bac (vol � voile � Salon de
Provence). Ensuite, � Sciences Po, nous avions pas mal de moyens pour monter
des associations. J�ai mont� et codirig� une assez grosse association
d�aviation, gr�ce � laquelle nous avons mont� des raids a�ronautiques
�tudiants, plusieurs ann�es de suite, jusqu�au Maroc, � plusieurs appareils
(entre temps, je m��tais mis au vol moteur). J�ai �galement �t� capitaine
d��quipe de parachutisme universitaire. Et la chute libre, �a a �t� une autre
grande d�couverte�
Bref, je me suis rendu compte que sa passion, on peut non
seulement la vivre ind�pendamment de son m�tier mais on peut m�me la vivre
mieux� Avec l��ge, j�ai d�ailleurs �t� de plus en plus d��u par mes visites
dans les cockpits d�Air France (c��tait le bon temps, avant le
11 septembre�) : les pilotes s�ennuyaient ferme,
on g�re aujourd�hui un ordinateur volant, plus un avion, m�me si cela reste le
plus beau bureau du monde� Alors ma passion n�est rest�e qu�une vraie passion,
je vole en a�roclub, je vais faire des voyages sur la trace d��clipses de
Soleil, je fais du parachutisme et de la plong�e (un sport d�astronaute � n�en
pas douter : le bleu et l�apesanteur !)� et, � c�t�, j�ai un vrai
m�tier, diff�rent, que je n�ai pas fait par d�pit ou pour poursuivre une
chim�re. R�sultat : ce m�tier est aussi devenu une passion, j�en suis fou amoureux !
Des anecdotes, j'en ai plein� Le vol parabolique en A300
z�ro G ou tout r�cemment la semaine v�cue dans la base de la Mars Society.
Enfiler un scaphandre et marcher dans le d�sert rouge de l�Utah ; je
n�irai sans doute jamais sur Mars mais j�aurai au moins v�cu �a ! Je
n'arrive en tous cas pas � d�partager deux souvenirs forts ; je vous
les livre donc tous les deux.
Le premier est mon l�cher solo, � 18 ans. La premi�re
fois que vous pilotez seul, sans instructeur en place arri�re� C��tait au
coucher du Soleil, j�ai hurl� comme un fou dans mon cockpit, avant d�enfiler mon
walkman et de voler sur mes musiques planantes pr�f�r�es (pas super intelligent
pour entendre la radio de bord mais bon�).
Le second souvenir fut une semaine mythique : la visite
� la Cit� des �toiles, il y a dix ans, en compagnie de votre serviteur Pif,
h�te de ce site Internet !!! Un moment, j��tais seul, errant dans les
couloirs� Un vieux type genre russe bougon me voit, me fait signe d�entrer dans
une salle : c��tait le plan�tarium g�ant de la Cit�, o� il y avait au
centre un simulateur de vol hybride. Trois cockpits en un : celui de Bourane, du Soyouz et de Mir. Il m�a propos� de me mettre
o� je voulais : j�ai pris le cockpit de la navette Bourane.
Et il a lanc� la simulation. Evidemment, je comprenais rien � rien mais bon,
j�avais un manche de navette spatiale entre les mains et surtout, en me
penchant � travers les hublots du cockpit, on ne voyait pas une b�te salle,
avec un b�te plafond : on voyait une vo�te �toil�e, mouvante, comme si on
y �tait� J�ai vraiment eu ce jour l� un frisson incomparable dans le dos :
j�y �tais, compl�tement !
Avec Pif dans un simulateur Soyouz de
la Cit� des �toiles
B�timent abritant le plan�tarium � la
Cit� des �toiles.
Construit en Allemagne de l'Est, cet
�quipement projette 9 000 �toiles.
Photo Didier Capdevila
C��tait pour le tout premier reportage de ma vie : une
pige pour Science et Vie Junior. J��tais en Russie et en plus on me
payait pour �a ! L�, je me suis dit : "le m�tier de journaliste,
quel pied !!!"
Je ne vais malheureusement pas �tre original du tout : je retiens une photo de la Lune, de la derni�re mission Apollo. On y voit Harrison Schmitt, seul, � c�t� d�un �norme rocher, devant un paysage de dunes. Il y a tout dans cette image : le d�sert, que j�adore, le myst�rieux (qu�y a-t-il derri�re ces collines de sable ?), l�exploration, le d�passement, le noir de l�espace, cette impression de m�ditation, de solitude et de conqu�te achev�e. Pour moi, la Lune reste juste la plus grande aventure humaine de tous les temps.
Le g�ologue Harrison Schmitt examine un
�norme rocher fendu de la vall�e de Taurus-Littrow
lors de la troisi�me sortie de la mission
Apollo 17 (d�cembre 1972)
A nouveau, je vais manquer
cruellement d�originalit� : je choisis le Manned
Maneuvering Unit de Bruce McCandless. Vous savez, cette s�rie de photos,
cent fois vues et revues� Oui mais, � part la Lune -et je me demande si pas plus
encore-, c�est �a que j�aurais voulu vivre : voler en fauteuil au dessus
de la plan�te. Ce bleu est extraordinaire, c�est le vol ultime, silencieux,
rapide, po�tique� Cette photo m�a toujours fait fantasmer, comme plein de
gosses qui l�avaient, comme moi, au dessus de leur lit.
Bruce
McCandless sans fil � la patte le 7 f�vrier 1984
lors de la mission Challenger
41B.
L'astronaute et son MMU
s'�loignent � 98 m de la navette.
Paradoxalement, Gagarine n'�voque pas tant de choses que �a
pour moi. J�ai du mal � m�identifier au personnage, j�ai tellement l�impression
que c��tait un bon ex�cutant, un pilote politiquement correct tomb� l� au bon
moment� Je m��tonne d�ailleurs (la preuve ?) qu�il n�ait pas revol� avant sa mort en 1968. Non, il ne me fait pas r�ver. Guerman Titov ou Alexe� Leonov,
eux oui !! Et je suis beaucoup plus impressionn� par la carri�re de ces
pilotes d�essais, genre Etoffe des h�ros, qui ne sont jamais all� dans l�espace
au moment o� les astronautes �taient plus passagers qu�acteurs mais qui
pilotaient le X-15, loin du grand public, chewing-gum aux dents et avec un
vieux blouson pour salaire� Ou alors, pour parler de carri�re spatiale, John
Young, oui, �a c�est un mec qui a eu juste l�une des vies les plus
exceptionnelles de l�histoire !!!
La station Mir repr�sente le bordel et l�efficacit� russe,
l�une des pages les plus d�cisives de la conqu�te spatiale, les plus humaines
aussi� J�adore les Russes et leur c�t� bout de ficelle, eux qui ont, � mon
avis, les meilleurs pilotes du monde� (et mon avion de
combat pr�f�r�, le Sukhoi 27, m�me si je ne suis pas
tr�s avions militaires). Mir, pour moi, c�est l�antith�se de la NASA � la
Spielberg, qui me fait r�ver certes mais que je ne trouve pas tr�s r�aliste
finalement. Je pense que dans le futur, les stations et les vaisseaux spatiaux
ressembleront beaucoup plus � Mir qu�� l�immacul�e navette spatiale. J�ai
vraiment trouv� dommage qu�on la br�le dans l�atmosph�re. J�aurais aim� qu�elle
reste sur une orbite lointaine, comme un mus�e de l�histoire humaine. Encore je
me fiche de l�ISS, encore Mir me fait totalement r�ver� Je sais qu�un
journaliste japonais y est all� Peut �tre arriverai-je � aller dans une autre
station un jour, qui sait ??
J'aimerais vivre une rentr�e dans l�atmosph�re � bord d�un
engin spatial. Le c�t� mission accomplie, le c�t� m�tal hurlant� Il y a une
photo de la NASA prise � l�int�rieur du cockpit de la navette o� l�on voit tous
les instruments �clair�s du cockpit (genre gros avion de ligne, �a me plait
bien) et du jaune feu dehors� Bien s�r, mon r�ve le plus fou serait d��tre aux
commandes d�un module martien ou lunaire en approche� Mais plus encore, je
fantasme � longueur de r�ves sur l�id�e de poser la navette, � Edwards ou au
centre spatial Kennedy� Faire atterrir ce monstre, avec majest�, poser le seul
"vaisseau" jamais construit, car pour moi, m�me si elle est vieille
et peu fiable, m�me si on a tout dit sur elle, la navette reste l�engin le plus
�vocateur, le plus merveilleusement gosse, le plus science fiction et le plus
incroyable de tous les avions construits !!
Images 35 mm du "Flight deck" (poste de pilotage) de la navette Columbia
tourn�es lors de la rentr�e dans l'atmosph�re
du 16 novembre 1982 (vol STS-5).
On distingue � droite le casque du
pilote Robert Overmyer et � gauche celui du
commandant de la mission Vance Brand.
Un r�ve a�rien r�alis�
pour Lo�c De la Mornais le 20 mai 2013 :
embarquer � bord d�un Alfa Jet de
la Patrouille de France � l�occasion d�un vol en formation !
Merci, Lo�c De la Mornais,
La
semaine prochaine (lundi 24 avril 2006) : Gil Roy
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