LES INVITES DU COSMOPIF |
L'invité n°87 (lundi 17 octobre 2005)
Qui
êtes-vous, Laurent de Angelis ?
Je suis journaliste,
notamment pour Espace Magazine, et éditeur. J’ai rédigé
(pas tout seul) et édité les "Guides des lanceurs spatiaux" puis
édité entre autres les ouvrages "Les comètes" et "Les
astéroïdes" et très bientôt le "Guide des tenues spatiales et du vol
habité" par Jean-François
Pellerin.
Je suis né le 13 mars
1960 à Paris. Je suis marié et père de jumeaux, Alexandre et Vladimir. Ma mère
est française et mon père italien. J’ai eu très tôt l’opportunité de rencontrer
des gens de tous horizons, de langues et de cultures variées. Mon épouse est
russe…
J’habite à la campagne
(Chantilly) ; cette proximité avec la nature et du ciel étoilé à
certainement contribué à aiguiser ma curiosité. Je suis d’ailleurs passionné
par les sciences naturelles (la paléontologie en particulier) autant que par
l’espace.
Mes sports favoris sont la
boxe, le tennis, les sports mécaniques (j’ai fait quelques courses de Superkart
250 cc en championnat de France il y a pas mal d’années).
Je suis un littéraire qui a mal tourné. Après un bac A en
1977, j’ai commencé par étudier l’archéologie précolombienne puis j’ai fait
Sciences Po Paris (section service public) dont je suis sorti diplômé en 1982.
Professionnellement, j’ai démarré comme consultant chez Andersen Consulting.
Ensuite, je me suis spécialisé dans les marchés financiers, plus
particulièrement les actions et les dérivés (!). C’est dire que je ne suis venu
à écrire sur le spatial que sur le tard, il y a une douzaine d’années, avec le
premier "Guide des lanceurs spatiaux" (1992). Dans le même temps,
j’ai créé avec un associé les éditions Tessier & Ashpool. J’ai commencé à
écrire des articles au Point, puis avec Espace Magazine, bientôt
avec Praxis Publishing.
Mon enfance a été illuminée –le mot n’est pas trop fort- par
les missions Apollo vers la Lune. Les décollages des Saturn 5 vues à la
télé restent profondément gravés dans ma mémoire. J’ai demandé à être réveillé
la nuit ou Neil Amstrong a posé le pied sur la Lune (ce qui fût fait !).
Le film de Kubrick, "2001, l'odyssée de l’espace" que j’ai vu au
cinéma avec mon père en 1968 –j’avais donc 8 ans– m’a également beaucoup
impressionné. J’ai eu vite le sentiment d’avoir l’immense chance d’être né à
une époque de l’histoire à nulle autre pareille.
Par la suite, j’ai vécu une
passion moins émotionnelle et plus "réfléchie". Je me passionne
maintenant essentiellement pour la technologie des lanceurs et pour la propulsion
sous toutes ses formes. Car, pas de propulsion, pas de conquête spatiale !
Dans mes articles, j’essaye de ne pas tomber dans la
dithyrambe -un piège ou l’on tombe facilement lorsque l’on parle de sa passion-
mais de conduire une analyse et une réflexion éventuellement critique, sur tel
ou tel sujet : les implications géopolitiques de l’espace ou le thème de
l’espace et des marchés, par exemple. C’est de cette manière que j’essaye
d’apporter ma petite pierre à ce vaste chantier qu’est la conquête spatiale…
J'ai pas mal de souvenirs
excellents. Tout d’abord, en 1981, je devais faire un voyage aux Etats-Unis
-j’y suis resté deux mois, voyageant d’Est en Ouest- et je me suis dit
"Tiens, ce serait sympa de visiter le télescope du Mont Palomar" (à
l’époque le plus grand du monde après le télescope russe de Zelentchouk). Je me
suis rendu à l’institut d’astrophysique, avec l’espoir d’avoir un
"tuyau". En me promenant dans le couloir, je tombe sur une personne
fort affable, qui me donne le nom de la personne à contacter, toutes les infos,
etc. La personne en question n’était autre que Jean Audouze… Une fois au pied
du télescope, le nom de la personne que j’ai prononcé -et qui n’était d’ailleurs
pas là- pour rentrer était un véritable sésame ! J’ai eu droit à une super
visite guidée dans ce lieu pas vraiment ouvert…
Ensuite, il y a la rencontre avec
le directeur du musée de l’espace de Saint-Pétersbourg. Lorsque je lui ait
expliqué ce que je faisais, il m’a fait entrer dans son bureau et n’a pas
hésité à me donner l’encyclopédie "Kosmonavtika" (ouvrage aujourd’hui
très difficile à trouver, même en Russie) dont il n’avait qu’un
exemplaire ! Nous avons bu du thé, à la russe, et nous sommes lié
d’amitié. Depuis, je lui rend visite chaque fois que je vais en Russie. Il m’a
dédicacé son livre cette année.
Rien cependant, ne peut être
comparé à ce que j’ai pu vivre sur le cosmodrome de Baïkonour. Lorsque j’ai vu
le Soyouz sortir de son bâtiment d’assemblage, j’ai ressenti une émotion
extrêmement forte, peut être plus forte même qu’au moment du décollage. Je me
suis dit "Ttu es là ou cela se passe. Ce n’est pas une maquette, c’est la
fusée qui va bientôt décoller !" C’était extrêmement fort de se
trouver dans cet endroit "au milieu de nulle part". Ensuite, la fusée
apportée sur sa plateforme sous un ciel limpide et froid ou brillait la planète
Vénus, le cliquètement des rails de chemin de fer sous le poids du lanceur qui
avançait puis le bruit des vérins en action pour ériger l’ensemble avec les
techniciens qui s’affairaient, enfin le lever de soleil sur le pas de tir,
constituent autant de souvenirs absolument inoubliables.
J’aime beaucoup la planète
Jupiter sous tous ses aspects (sûrement un reste du film 2001, là aussi !)
et ses nuages multicolores et tourmentés, entouré de ses lunes... L’image d’un
monde de géants gouverné par des forces d’une puissance terrifiante, où l’homme
n’a pas sa place…
La géante
Jupiter observée par le télescope spatial Hubble en novembre 2004
3 éclipses
sont visibles !
Crédit University of Arizona
Je choisirais certainement la capsule Soyouz. Ce sera
l’objet emblématique du premier âge de l’espace (le nôtre, que l’on appellera
"l’Antiquité" dans un lointain futur), peut être plus encore que la
Saturn 5 dont la carrière fût courte. J’aime aussi beaucoup la première
Ariane 3 qui allume ses boosters pour s’arracher de son pas de tir, de
jour, le 4 août 1984 (V10).
Je n'ai pas de rêve
"fou". Bien sûr j’aurais aimé partir dans l’espace mais ce n’est plus
si grave aujourd’hui ; si ce n’est pas cette fois, ce sera pour une
prochaine vie…
Mon rêve actuel est peu romantique mais il est
"fondamental" : je rêve de voir tomber un jour la dépêche qui
annoncera que la "rupture technologique" dans le domaine de la
propulsion est enfin à portée de main grâce à une découverte fondamentale.
Autant que possible, j’aimerais que la découverte fût faite en Europe… La
conquête spatiale pourrait enfin prendre son véritable essor, ce qui n’est pas,
à mon humble avis, le cas jusqu’à présent .
J’ai aussi un autre rêve :
que l’on découvre sans aucun doute une trace de vie extraterrestre, sur Mars
par exemple ou dans l’océan souterrain de la lune Europe ; quel coup de
"boost" pour l’exploration spatiale dans les années qui suivraient !
Youri
Gagarine était un symbole pour le peuple et l’union soviétique mais il y a bien
longtemps qu’il a transcendé tout cela. L’homme semblait plein de gentillesse
et de modestie. Quelqu’un dont on aurait aimé être l’ami. Au-delà de sa
disparition tragique qui lui a conféré en réalité l’immortalité, il donne une
image d’optimisme pour le futur et de foi dans le progrès de l’humanité grâce à
la science. Bref, des sentiments qui malheureusement nous font cruellement défaut
aujourd’hui, alors que nous en aurions tant besoin !
Mir
constitue un symbole d’ingéniosité et du travail bien fait pour une somme au
final pas vraiment exorbitante. Un exemple dont d’autres programmes pourraient
utilement s’inspirer…
Merci, Laurent
de Angelis !
La semaine
prochaine (lundi 24 octobre 2005) : Zied Jemai