LES INVITES DU
COSMOPIF |
L'invité n°105 (lundi 6 mars 2006)
Jean-Paul Dardé
Attaché
de conservation du patrimoine
www.ville-saint-ouen.fr
www.st-ouen-tourisme.com
Qui êtes-vous, Jean-Paul
Dardé ?
J'ai 36 ans, je suis originaire du Lot (paradis des astronomes amateurs pour la qualité de son ciel), installé à Paris depuis 12 ans (forcément amoureux de cette ville) et papa de 3 enfants (ma joie quotidienne !). J'ai suivi un cursus de philosophie à l'Université de Toulouse qui, s'il n'a pas eu de finalité "pratique", a été une formidable introduction à ma vie d'adulte, puis un master spécialisé en gestion de l'information stratégique à Marne-la-Vallée (sujet de recherche sur la notion de veille dans le secteur du tourisme).
De part mon activité professionnelle, j'ai un intérêt
tout particulier pour les questions de tourisme spatial (et notamment de vols
OG ouverts au grand public).
Décollage de l'Airbus
"OG" (pour zéro accélération) de Novespace depuis l'aéroport de
Bordeaux-Mérignac
Photo Pif
Quel a été votre parcours professionnel ?
Après avoir passé 10 ans au Musée de l'Air et de l'Espace
au service du développement des publics, j'ai intégré en 2005 une collectivité
territoriale, la ville de Saint-Ouen (93), en tant qu'attaché de conservation
du patrimoine avec pour mission le développement touristique local. Voilà pour
la partie "formelle". L'autre tout aussi formatrice et
enthousiasmante a consisté en un long passage par le réseau associatif Sciences
Techniques Jeunesse (aujourd'hui Planète Sciences) comme
bénévole au secteur Espace, en créant la délégation régionale Midi-Pyrénées
avec une poignée de fervents puis comme président du secteur scolaire de la
structure nationale. Cette formidable période m'a permis de travailler pour le
CNES (département Jeunesse-Education) en mettant en place un projet pilote de
ballons stratosphériques au bénéfice de l'Education Nationale (intitulé
"Un ballon pour l'école").
|
|
L'opération "Un ballon pour
l'école" a été lancée en Midi-Pyrénées en 1992. Le logo a été dessiné par
Pif en 1995.
En mai 2003, une école primaire
effectuait le lâcher de sa nacelle depuis le Pic du Midi de Bigorre, à
2 876 m d'altitude.
La neige était encore présente.
Question : à quelle heure a été pris le cliché ?
Photo Pif
Quelle est votre passion, comment est-elle née,
comment la vivez-vous ?
Venu au monde l'année du premier pas de l'homme sur
la Lune, avec l'avènement de la télévision et des technologies de
communication, je crois que je suis "tombé dedans" très tôt. Pourquoi
le domaine spatial plus que tout autre ? Sans doute parce qu'il est
étroitement lié à l'imaginaire et à l'appétit de découverte du petit garçon que
j'étais. J'ajouterai que le catalyseur a peut-être été les inoubliables
sessions de vulgarisation télévisuelles de Michel Chevalet à l'occasion de
chaque événement spatial.
Michel Chevalet devant une
maquette du télescope spatial Hubble
Alors, comment ça marche ?
Quelle anecdote ou souvenir fort souhaiteriez-vous
nous faire partager ?
Ce serait un souvenir aéronautique et non spatial,
vous m'en excuserez ! Il s'agit de la lecture du magazine Mickey
durant l'été 1976 (désolé pour les lecteurs de Pif). Durant cette
période caniculaire, j'ai dévoré un numéro spécial entièrement consacré au
supersonique Concorde en raison de la première liaison commerciale avec
passagers entre Paris et Washington. J'ai ressenti de l'émerveillement devant
la complexité de ce magnifique oiseau mécanique (un écorché de l'avion était
encarté). De plus, la perfection esthétique de l'appareil m'a complètement
fasciné.
Des années plus tard, mes parents se sont offerts un
baptême aérien dont ils rêvaient depuis toujours... et enfin, je l'ai retrouvé
au Musée de l'Air et de l'Espace lorsque j'y suis entré en 1994, année de la
restauration du prototype 001. Ca en fait presque un "totem"
familial !
Au Bourget, le prototype 001 aux
côtés du "Sierra Delta" d'Air France
Quelle serait votre photo spatiale ou astronomique
préférée et pourquoi ?
Incontestablement, pour moi, l'image à retenir est
celle reçue (en 1976) du module d'atterrissage Viking 2 qui présente
l'horizon infini de la région d'Utopia, sur la planète Mars. Même si la
déception était grande de ne rien avoir trouvé là qui ressemble à une vie
extraterrestre, je voyais pour la première fois les vraies couleurs de ce sol
et de ce ciel martiens. Je crois que j'aurai pu rester des heures à la
contempler comme on peut le faire devant la mer.
Plutôt que d'indiquer un site Internet où il est
possible de la retrouver, je préfère renvoyer vers un livre qui m'est cher et
que j'ai conservé pieusement car il m'a fait rêver et il m'a ouvert la
compréhension de ce qu'est l'immensité sidérale et la fragilité de la vie
terrienne. Il s'agit de Cosmos de Carl Sagan, publié en 1981 et qui
faisait suite aux 13 épisodes de la série télévisée sur Antenne 2.
Chaque épisode était un rendez-vous tardif inmanquable pour moi et une
incroyable fenêtre sur l'Univers.
Viking 2 se pose
sur Utopia Planitia le 3 septembre 1976
L'astronome Carl Sagan
(1934-1996), auteur du célèbre Cosmos et de la série éponyme
De la même manière, quel objet spatial
retiendriez-vous ?
Sans doute, je retiens la sonde Voyager. Avec elle
s'est concrétisée toute l'ambition de faire de l'espace une nouvelle (la
dernière ?) frontière. Il s'agit à la fois d'une bouteille à la mer porteuse
d'un message humaniste, du prolongement naturel de la folle ambition de l'homme
de vouloir explorer ce qui est au-delà, inconnu et d'une prouesse technologique
quand on pense que cet engin a continué a être capté depuis l'extrémité du
Système solaire avec une puissance radio minuscule.
Quel serait votre rêve spatial le plus fou ?
J'aimerais assister au débat démocratique sur le fait
de procéder ou non à la "terraformation" de la planète Mars par nos
descendants. Mais la lecture de la trilogie de Kim Stanley Robinson m'a
beaucoup marqué ! En espérant que le fait de quitter la Terre puisse être
un jour un choix et non une absolue nécessité liée à une catastrophe
écologique…
Que représente pour vous le personnage de Youri
Gagarine ?
Youri Gagarine incarne le héros soviétique par
excellence, c'est-à-dire l'icône d'un monde bipolaire où tout paraissait plus
simple. Il est à lui seul un certain aboutissement (certes provisoire) de la
course à la puissance et la glorification de tout un peuple au travers d'un
seul individu. J'ai bien conscience qu'il s'agit là d'un niveau de lecture
assez primaire mais cela fait parfois du bien dans le monde actuel dépourvu
d'horizon idéologique !
Que représente
pour vous la station Mir ?
Au-delà du beau feu d'artifice qui a pu nous faire
craindre de recevoir le ciel sur la tête, j'espère que ce bouquet final n'a pas
marqué la fin de l'occupation permanente de l'espace proche quant on constate
les difficultés actuelles de l'ISS et de la navette américaine.
Ensuite, je dois admettre que les images des arrivées
des équipages de relève et de la vie quotidienne à bord ont alimenté fortement
mon imaginaire. Comment ne pas rêver en s'endormant chaque soir que l'on flotte
autour de la Terre ?
Merci, Jean-Paul Dardé !
La semaine
prochaine (lundi 13 mars 2006) : Jean-Jacques Tortora