L'invité de la semaine
dernière : Scott Stevenson
LES
INVITEES DU COSMOPIF
N°322
(lundi 9 mai 2011)
Qui
êtes-vous, Elisa Cliquet ?
Je
suis ingénieur(e !) à la sous-direction technique de la Direction des
Lanceurs du CNES, dans le service Système moteur et ensemble propulsif. J'ai
28 ans et je suis Parisienne (eh oui, une "vraie" : née à
Paris !) mais j'ai aussi des origines normandes et lotoises et une
affinité particulière avec l'Espagne...
Mon
entourage me considère un peu comme une "geek"... Il faut dire que je peux parler de mon métier pendant
des heures, que mon chat s'appelle Laïka, que j'ai des photos détournées de
Legos Star Wars encadrées dans mon
salon, que mon film préféré est Bienvenue
à Gattaca, que j'adore les mangas -j'ai même pris quelques cours de
japonais- et que je rigole bien devant la série The Big Bang Theory...
Suite
à mes études (à Centrale Lille puis Centrale Paris), j'ai fait un stage au CNES
en 2005 sur les architectures de missions martiennes habitées. J'ai ensuite
travaillé quelques mois sur le projet PERSEUS
du CNES, avant d'être embauchée dans mon service actuel. J'ai commencé par
travailler sur les avant-projets de moteur à propulsion liquide ainsi que sur
des outils de simulation. Depuis mi-2009, je travaille également sur le HM7B,
le moteur de l'étage supérieur d'Ariane 5. En parallèle, j'ai toujours
gardé sur mon poste une petite activité sur les concepts avancés de propulsion,
un sujet passionnant !
Le moteur HM7B qui équipe l'étage supérieur d'Ariane 5 et Elisa Cliquet
tenant une maquette de véhicule à propulsion nucélo-électrique qu'elle
a contribué à définir
Photos DR et CNES/D. Jamet
Je
suis passionnée par l'espace en général et plus particulièrement par
l'exploration. Je pense que ça remonte à très loin. J'ai toujours aimé les
sciences et regarder les étoiles. Quand j'étais petite, mon père m'emmenait
régulièrement au musée de l'Air et de
l'Espace et à la Cité des Sciences.
Je me souviens notamment très bien d'un film à la Géode sur la navette et j'ai
encore en mémoire les images très impressionnantes du démarrage du SSME et des
boosters... J'étais persuadée que les sièges de la salle s'étaient mis à
trembler (pour être tout à fait honnête, je pense que j'avais même un peu
peur). Depuis, les moteurs, j'en ai fait mon métier ! Ce qui ne m'empêche
pas de continuer à apprécier ces images, bien au contraire !
En
ce qui concerne l'exploration, j'ai eu la chance de rencontrer les fondateurs
de l'association Planète Mars au
cours de mon stage de fin d'études au CNES et je suis maintenant au conseil
d'administration de cette association dont le but est de promouvoir
l'exploration robotique et habitée de Mars.
J'essaye
aussi d'assister de temps en temps à des conférences ou de lire un peu sur
l'exploration plus lointaine mais, la semaine ne faisant que 7 jours et
les journées que 24 heures, les possibilités sont limitées et je pense que
je ne suis pas très à jour !
The Dream Is Alive de Graeme Ferguson (1985)
Mon
premier souvenir spatial très personnel est vraiment ce film à la Géode que
j'évoquais plus haut. Je dirais que depuis, mes autres souvenirs
"spatiaux" les plus marquants sont liés à mes formations sur
Ariane 5 en Guyane et notamment au premier lancement d'Ariane 5
auquel j'ai pu assister à Kourou. J'étais sur le site grand public situé à une
quinzaine de kilomètres de la zone de lancement et l'émotion de la foule était
palpable, on redevient vraiment comme un gosse. Au début, on se dit qu'on est
loin et qu'Ariane parait vraiment toute petite… Puis le Soleil se lève en
pleine nuit, d'abord dans le silence, puis arrive ce bruit de crépitement
intense qui ne vient qu'un peu plus tard et qui laisse abasourdi par sa
puissance.
Lors
de mes formations en Guyane, j'ai vécu aussi beaucoup de moments forts :
la première fois qu'on rentre dans le BIL (bâtiment d'intégration lanceur) et
qu’on voit le lanceur de si près, la première fois qu'on rentre dans le
lanceur, la vue sur la jungle guyanaise depuis la plateforme haute du BAF
(bâtiment d'assemblage final)... C'est vraiment exceptionnel de pouvoir vivre
ces choses-là !
J'ai choisi cette photo prise par Cassini car elle est deux fois incroyable. Premièrement, elle est d'une beauté spectaculaire digne d'une photo artistique et deuxièmement... c'est aussi une photo de la Terre qui bat tous les records en terme de distance : eh oui, le petit point brillant légèrement en haut et à gauche des anneaux les plus brillants... c'est nous !
J'ai
hésité longtemps entre Spoutnik et un scaphandre d'astronaute. Mais finalement,
j'ai choisi Spoutnik. C'est non seulement le symbole de la conquête spatiale
mais c'est peut être aussi finalement le symbole du 20e siècle.
Cette petite "sphère métallique à quatre pattes" est un objet
mythique du patrimoine de l'humanité ! Et puis, même si il n’était pas
pensé pour ça, je trouve que c’est un bel objet dont le design ne vieillit pas
(Je n'y connais vraiment rien en design mais j’ai l’impression qu’il a inspiré
et inspire encore la tendance minimaliste).
Gagarine,
c’est le courage, l’esprit pionnier… l’élargissement du champ des possibles
pour l’humanité.
Je
n'étais pas née en 1969. Mais ça m'évoque surtout l'envie de vivre une
expérience similaire à celle qu'ont pu vivre mes parents et mes grands parents
(et de préférence sur Mars et non pas un "simple" retour sur la
Lune).
J’aimerais
jouer au basket sur la Lune (j'en ai vraiment rêvé !), ça doit vraiment
être rigolo avec la pesanteur réduite... (Je vous avais prévenu : je suis geek !).
Merci, Elisa Cliquet !
Interview
réalisée par mail en février 2011
La semaine
prochaine (lundi 16 mai 2011) : Cyrille
Fournier