LES INVITES DU COSMOPIF

 

L'invit� n�133 (lundi 27 novembre 2006)

 

Didier Claeys

Membre de la Soci�t� Royale Belge d'Astronomie

http://srba.be

 

 

Didier Claeys en octobre 2000 devant la navette Discovery,

quelques jours avant le d�part de la mission STS-92 (100e vol d'une navette)

Photo Pif

 

 

Qui �tes-vous, Didier Claeys ?

N� � Bruxelles, 1 351 jours et 6 heures avant que l�humanit� ne r�alise un des plus grands exploits de son histoire : le voyage vers sa Lune, satellite situ� � 1 seconde lumi�re dans l�immensit� de l�espace. Ma femme, ma fille, mon fils et moi-m�me avons la chance d�habiter une merveilleuse maison qui �tait occup�e, jusqu�en 1993, par l�Institut von Karman, le centre de recherche en dynamique des fluides, physique supersonique et plasmas thermiques.

Dans la vie, je suis quelqu�un de passionn�, de pers�v�rant et fiable. D�un naturel tr�s sociable, je me sens pratiquement bien toujours et partout. Je suis tr�s cr�atif et ne m�ennuie jamais. Ma perception du monde est positive. J�adore le sport, la d�coration, la mise au point de dispositifs exp�rimentaux, l�astronomie, les lasers� Je suis fascin� par les ph�nom�nes. J�adore comprendre leur fonctionnement profond.

 

 

Quel a �t� votre parcours professionnel ?

D�s l��ge de 6 ans, je suis d�j� fascin� par le patinage de vitesse sur courte piste (short-track). A 15 ans, je suis champion de Belgique et int�gr� � l��quipe nationale. L�apoth�ose de ma carri�re sportive internationale est, sans conteste, 1988, avec les Jeux Olympiques de Calgary (Canada), o� je me classe troisi�me en petite finale olympique.

 

 

Le patinage de vitesse est une discipline sportive de glisse pratiqu�e � l'aide de patins � glace dans laquelle la rapidit� � effectuer un parcours est le but de la comp�tition. C'est d'ailleurs le sport le plus rapide sans moyen m�canique. Il se pratique sur une courte ou longue piste.

Le patinage de vitesse sur glace courte piste est appel� short-track et se pratique dans une patinoire standard sur une piste de 111,12 m�tres de long. Les comp�titions masculines et f�minines ont lieu sur 500, 1000 et 1500 m�tres avec un relais sur 500 m�tres pour les messieurs et sur 3 000 m�tres pour les dames. Les lames sont longues de 33 � 48 cm.

Le short-track n'a cess� de gagner en popularit� depuis sa premi�re apparition, en d�monstration, aux Jeux Olympiques de Calgary en 1988. Il est discipline olympique officielle depuis les Jeux d'Albertville en 1992.

 

 

Par la suite, je me suis consacr� � l�ost�opathie. J�ai �galement pu utiliser mes connaissances en biom�canique pour mettre au point du mat�riel en mat�riaux composite (Kevlar/Carbone) sp�cifique au short-track, activit� que j�ai exerc�e pendant une dizaine d�ann�es.

Pendant cette p�riode, j�ai �galement �t� administrateur de soci�t�. Mon r�le consistait en la conception et la maintenance dans des domaines aussi vari�s que la technologie du froid, du gaz, des machines, de l�automation�

En 1994, j'ai cr�e ma propre soci�t� : Ephysia Special Products. Domaine d�activit�s : la conception et la r�alisation de tables �l�vatrices destin�es au domaine m�dical. Actuellement, le succ�s est au rendez-vous.

 

 

Quelle est votre passion, comment est-elle n�e, comment la vivez-vous ?

Je suis passionn� de physique th�orique. Je fais partie d�une association, antenne r�gionale de la Soci�t� Royale Belge d�Astronomie, de M�t�orologie et de Physique du Globe. Je con�ois, fabrique et lance, avec succ�s, des fus�es de type exp�rimentales.

 

 

 

 

Quelle anecdote ou souvenir fort souhaiteriez-vous nous faire partager ?

Il y a quelques ann�es, lors d�une campagne de lancement de fus�es exp�rimentales organis�e par le CNES et l�ANSTJ (ex-Plan�te Sciences), j�avais �t� fortement impressionn� par les images obtenues par les cam�ras embarqu�es dans ce type d�engin. Les stations au sol r�ceptionnaient des images que, seules ces fus�es, pouvaient offrir. Nous �tions devant un �cran g�ant, c��tait �poustouflant. Depuis, je m��tais toujours dit que je ferais le maximum pour, moi aussi, arriver un jour � ramener de telles images. Le chemin pour y arriver fut semer d�emb�ches et je dois reconna�tre que je n�aurais jamais cru que cela allait �tre aussi difficile. Mais, dans la vie, il faut toujours essayer de r�aliser ses r�ves. Depuis longtemps, je r�fl�chissais � une m�thode de prise de vue r�aliste et la plus attrayante possible. Finalement, pour des raisons de budget et de possibilit� de r�alisation, j�ai opt�, � l��poque, pour l�installation d�une cam�ra vid�o 8 mm. Trois choses me paraissaient essentielles. Afin d�obtenir un contraste suffisant, il fallait des images grand champ stables et en couleur. Ensuite, il fallait filmer dans l�axe afin d�avoir la sensation d��tre vraiment dans une fus�e qui quitte la Terre � grande vitesse. Enfin, pour que ce soit vivant, il fallait du son. La t�l�m�trie couleur de qualit� me paraissait trop ch�re et trop compliqu�e. Apr�s plus d�une ann�e de travail, nous �tions pr�ts pour le lancement.

 

   

 

Didier Clayes et sa fus�e G-Sky et derniers pr�paratifs avant le lancement

 

 

La fus�e d�colla ; c��tait magnifique ; d�j�, la fus�e passait � travers des cumulus blancs dans une vision surr�aliste. La descente fut plus chaotique. La fus�e r�apparut. Visiblement, quelque chose flottait derri�re elle. Tout de suite, j�ai cru qu�il s�agissait du petit parachute qui s��tait mis en torche. La fus�e tombait � une vitesse vertigineuse. Enfin, presque au sol, le parachute principal s�ouvrit mais � la vitesse de 150 m/sec. La pression de l�air le fit exploser. Toutefois, la chute put �tre partiellement frein�e. Au sol, la cam�ra �tait �cras�e. L�objectif �tait dans les batteries, les tubes en composite �taient d�truits. Le petit parachute, qui avait disparu, avait-il �t� arrach� !?�

J��tais d��u car, au vu de l��tat de la bande, nous n�aurions pas d�images� En r�alit�, le soir m�me, la bande fut sauv�e ; nous avons r�ussi � ins�rer la bande dans une autre cassette 8 mm ! Gr�ce � cet exploit technique, alors que peu de temps auparavant nous pensions avoir tout perdu, nous avons rapidement pu d�couvrir des images vraiment exceptionnelles. Transf�r�es directement, car nous n��tions pas certains de pouvoir effectuer une deuxi�me lecture, la vid�o montre le corps et les ailerons de la fus�e. En arri�re plan, on aper�oit le sol et la base du tr�pied de lancement. Un bruit de souffle d� � une l�g�re brise rend l�ambiance surr�aliste. Juste avant la mise � feu, on peut entendre l�enclenchement du contacteur. La fus�e d�colle et quitte la Terre � une vitesse stup�fiante. L�image est parfaitement stable, il n�y a pas de rotation r�ellement perceptible. Seul un l�ger mouvement de la cam�ra est visible en phase de pouss�e maximum mais ceci ne nuit en rien � la qualit�. On aper�oit la rampe qui s��loigne. La fus�e passe � travers un premier nuage, on voit la fum�e des gaz de propulsion, des routes. La fus�e continue sa course et entre dans les nuages� Enfin, elle bascule. La porte lat�rale s�ouvre, le petit parachute se d�ploie et� s�arrache ! On le voit flotter, la fus�e s��loigne, comme en apesanteur. Enfin, les images se brouillent car le reste de la bande a �t� d�truit par l�impact. C�est donc bien la rupture incompr�hensible des 10 cm de sangle qui reliaient les suspentes du petit parachute � la porte qui a provoqu� le crash.

Le fait que nous ayons d�j� r�alis� deux vols complets avec cette m�me sangle me fait dire qu�un succ�s, c�est parfois un �chec auquel on a �chapp� par miracle. En cas de r�ussite, il faut toujours analyser la marge qui nous s�pare du moment o� nous n�allons pas r�ussir.

 

 

Quelle serait votre photo spatiale ou astronomique pr�f�r�e et pourquoi ?

Il existe de nombreuses images du cosmos, toutes plus spectaculaires les unes que les autres. Certaines sont si belles qu�on pourrait croire qu�il s�agit de dessins. J�ai choisi une vue de la derni�re �clipse solaire (29 mars 2006). Une image g�n�re toujours plus d��motions si vous l�avez vous-m�me immortalis�e. J��tais en Turquie, au bord de la mer, entour� de mes amis astronomes. Le ciel �tait superbe. Sur fond musical "Le Bol�ro de Ravel", la Lune a lentement recouvert le disque solaire. J�ai allum� mon pointeur astronomique. La connexion entre la Terre, la Lune et le Soleil �tait parfaite, surr�aliste� Une �clipse totale du Soleil est un des plus beaux spectacles que la nature puisse nous offrir.

 

 

L'�clipse totale de Soleil du 29 mars 2006 aper�ue depuis la Turquie

Photo Didier Claeys

 

 

De la m�me mani�re, quel objet spatial retiendriez-vous ?

Je retiens Saturn 5, la fus�e lunaire. Ses dimensions sont telles que je vous encourage � faire le voyage en Floride ou au Texas afin d�en appr�cier la r�alit�. Personnellement, la premi�re fois que je l�ai vue, je ne pouvais presque plus respirer. C�est vraiment � se demander comment elle pouvait d�coller. Il para�t m�me, qu�au d�collage, la navette spatiale est une "p�trolette" � c�t�

 

 

La Saturn 5 du Centre Johnson de Houston en octobre 2000

Photo Pif

 

 

Quel serait votre r�ve spatial le plus fou ?

J'aimerais comprendre l�origine des ph�nom�nes d�inertie afin de pouvoir atteindre des vitesses relativistes et attendre ainsi les points �loign�s du cosmos. On peut toujours r�ver�

 

 

Que repr�sente pour vous le personnage de Youri Gagarine ?

Gagarine repr�sente une �poque o� l�homme savait encore prendre des risques. Sans risque, on ne d�couvre pas la Terra Incognita.

 

 

Merci, Didier Claeys !

 

Interview r�alis�e par mail en juillet 2006

 

 

   

 

Didier Clayes (T-shirt bleu) en compagnie de Pierre-Emmanuel Paulis (au centre de chaque image) et de Pif

au centre spatial Kennedy en octobre 2000

 

 

La semaine prochaine (lundi 4 d�cembre2006) : S�bastien Rouquette

 

 

Les coordonn�es des invit�s ne sont communiqu�es en aucun cas