LES INVITES DU COSMOPIF |
L'invité n°127 (lundi 16 octobre 2006)
Photo Eric Caro
Marc Caro en bref
Marc Caro est né le 2 avril 1956 à Nantes. Dessinateur de
formation, c'est un artiste aux multiples facettes : acteur, créateur de
costumes, chef décorateur, scénariste, réalisateur... Il est ainsi l'auteur
d'innombrables bande-dessinées, illustrations, affiches, story-boards,
scénographies, spectacles, cérémonies (Jeux Olympiques avec Découflé, Chopinot
ou Jean-Paul Gaultier...) costumes, masques et décors auxquels s'ajoute la
réalisation de clips et de génériques pour la télévision.
La carrière de Marc Caro débute dans les années 1970 avec la
publication de bandes dessinées dans Métal Hurlant, Charlie Mensuel
ou L'Echo des Savanes. A l'étranger, il collabore avec Frigidaire,
El Vibora et le magazine Raw d'Art Spiegelman. Il crée avec André
Igual Fantasmagorie, la première revue consacrée
aux dessins animés en France.
En 1974, Marc Caro fait la connaissance de Jean-Pierre Jeunet au
Festival international du film d'animation d'Annecy. De cette rencontre naît
une longue collaboration, qui débute par une série de courts métrages. En 1981,
pour Le Bunker de la dernière rafale, leur premier court-métrage
non-animé, les deux acolytes confectionnent les armes et les vêtements de
leurs personnages dans les moindres détails. Après plusieurs courts
réalisés seul (notamment Le Topologue où il s'essaie aux effets
spéciaux), Marc Caro retrouve Jean-Pierre Jeunet pour deux longs métrages
atypiques et bientôt cultes : Delicatessen et La Cité des
Enfants Perdus. Pour chacun des deux films, Marc Caro réalise le
storyboard, est co-scénariste, co-réalisateur, directeur artistique et acteur.
Marc Caro avec Jean-Pierre Jeunet et au Festival de Cannes en 1995
La carrière de Marc Caro oscille ensuite entre design (Alien,
la résurrection de Jean-Pierre Jeunet, Le Dernier Chaperon rouge de
Jan Kounen), réalisation de clips et de courts métrages d'animation (dont KO-Kid).
Marc Caro est également directeur artistique sur plusieurs longs métrages (Vibroboy
de Jan Kounen en 1994, Vidocq de Pitof en 2001, Blueberry de Jan
Kounen en 2004).
D'autre part, Marc Caro voue une passion particulière à la
musique. Durant les années 1980, il dirige un groupe de musique industrielle
nommé Parazite. En 2000, il réalise en collaboration avec DJ Sonic un album de
house music. Le groupe s'appelle Cosmophonic et est intitulé First Flight.
Il comporte 17 titres pour une durée totale de près de 57 minutes.
En 2006, Marc Caro réalise son premier long métrage, Dante 01,
un huis-clos futuriste se passant à bord d'une prison orbitale tournant autour
d'une planète en feu. Le scénario a été écrit avec Pierre Bordage, auteur de
science fiction régulièrement récompensé : Grand prix de l'Imaginaire et
prix Julia Verlanger en 1994 pour ses Guerriers du silence, prix Tour
Eiffel de science fiction en 1997 pour Wang et prix Cosmos en 2000 pour La
citadelle Hyponéros. Son livre Kaena, la prophétie a été adapté en
dessin animé par Chris Delaporte et Pascal Pinon.
Le casting de Dante 01 comprend notamment Lambert Wilson,
Dominique Pinon, Linh Dan Pham, François Hadji-Lazaro et Bruno Lochet. Sortie
prévue en 2007.
Lire les interviewes de Marc Caro sur le tournage du film Dante
01
dans le n°23 d'ESPACE Magazine
(septembre-octobre 2006)
le n°355 de Première (septembre2006) et le n°226 de Studio
(septembre2006)
Marc Caro sur le tournage de Dante 01
Photo Eric Caro
Filmographie
Acteur
1981 : Le Bunker de la dernière rafale (Jean-Pierre
Jeunet-Marc Caro)
1984 : Pas de repos pour Billy Brakko
1991 : Delicatessen (Jean-Pierre Jeunet-Marc Caro)
1994 : La Cité des enfants perdus (Jean-Pierre
Jeunet-Marc Caro)
1995 : Temps mort autour de Caro & Jeunet
(Emmanuel Carlier)
1996 : Je suis ton châtiment (Guillaume Bréaud)
1996 : Le Dernier Chaperon rouge (Jan Kounen)
2002 : Traitement de substitution n°4 (Kiki Picasso)
Scénariste
1981 : Le Bunker de la dernière rafale (co-écrit avec
Gilles Adrien et Jean-Pierre Jeunet)
1991 : Delicatessen (co-écrit avec Gilles Adrien et
Jean-Pierre Jeunet)
1994 : La Cité des enfants perdus (co-écrit avec
Gilles Adrien et Jean-Pierre Jeunet)
2006 : Dante 01 (co-écrit avec Pierre Bordage)
Réalisateur
1981 : Le Bunker de la dernière rafale (court métrage,
co-réalisé avec Jean-Pierre Jeunet)
1985 : Rude Raid (court-métrage)
1987 : La Concierge est dans l'escalier (court
métrage)
1988 : Méliès 88 : Le Topologue (court métrage,
d'après une histoire de Georges Méliès)
1991 : Delicatessen (co-réalisé avec Jean-Pierre
Jeunet)
1994 : La Cité des enfants perdus (co-réalisé avec
Jean-Pierre Jeunet)
1998 : Exercice of Steel (court métrage réalisé dans
le cadre d'une campagne de prévention contre le Sida)
2006 : Dante 01
Récompenses
César du meilleur court-métrage d'animation en 1981 pour Le
Manège
César de la meilleure première œuvre en 1992 pour Delicatessen
César du meilleur scénario original ou adaptation en 1992 pour Delicatessen
Qui
êtes-vous, Marc Caro ?
Je suis dessinateur à la base : j'ai travaillé pour Métal
Hurlant dans les années 70 (période punk) et une revue sur les dessins
animés, Fantasmagorie. Mes débuts au cinéma remontent à ma rencontre
avec Jean-Pierre Jeunet en 1974. Je travaille actuellement sur un long métrage
de science fiction qui se déroule à bord d'une prison orbitale, Dante 01,
que je dois terminer pour janvier 2007. Je vis à Nantes.
Marc Caro
(de dos) indique à Lambert Wilson (en scaphandre)
la position
à adopter dans cette scène en impesanteur
Photo Pif
Je suis un fana de science fiction
(THX 1138 de George Lucas ou Rollerball), de BD asiatique et de
mangas. J'ai été biberonné avec Gagarine et la course à la Lune. J'ai suivi en
direct à l'âge de 13 ans les premiers pas de Neil Armstrong. Le héros de
ma génération, c'est davantage le cosmonaute que le cow-boy. C'est le film
"2001, l'odyssée de l'espace" qui m'a donné envie de faire du cinéma
mais j'ai une grande dette et fascination pour Georges Méliès, qui est le
créateur du premier film de SF. Dès 1902, il avait déjà tout inventé.
Georges
Méliès (1861-1938), le grand précurseur du cinéma d'animation.
Son Voyage
dans la Lune (1902) est un véritable chef d'œuvre classé au patrimoine de
l'humanité.
La conquête spatiale m'a toujours
passionné et elle me paraît inéluctable (je suis assez optimiste). Elle s'est
jusqu'à présent limitée à une guerre politique entre les deux blocs. Mais
faudra bien qu'on "y aille" ! Le tourisme spatial va peut-être
permettre l'envolée que l'on attendait…
Je collectionne les livres des
visionnaires de l’astronautique : Constantin Tsiolkovsky, Hermann Oberth,
Arthur Clarke... Je trouve fascinant le rapport entre l'imaginaire (les voyages
hors de la Terre depuis l'Antiquité) et la réalité de l'exploration
scientifique, le ping-pong entre les rêveurs et ceux qui mettent en œuvre les
projets spatiaux.
Je suis assez régulièrement
l'actualité. La dernière chose marquante pour moi d'un point de vue
fantasmatique a été l'envoi de taïkonautes dans l'espace par les Chinois. Cela
m'a titillé.
J'ai également produit un disque
utilisant des sons de la NASA en 2000. Le CNES m'a invité en 2002 à assister au
lancement de Philippe Perrin en Floride mais, du fait des reports, je n'ai pas
pu assister au lancement final. Ma la visite de ce site mythique a comblé un de
mes rêves d'enfant.
Après Dante 01, j'ai le
projet de me rendre sur tous les lieux d'où sont lancées des fusées à travers
le monde : en Russie, en Guyane, au Japon…
Deux choses m'amusent :
que les premiers "explorateurs" spatiaux aient été des animaux et le
fait que chaque astronaute qui revient de là-haut se dise "changé".
C'est en effet assez amusant de se
rappeler que les astronautes ont été précédés autour de la Terre par la petite
chienne Laïka et des singes. Cela remet les choses à leur juste place.
C'est en revanche fascinant de
constater que tous les astronautes de retour sur Terre ont pris conscience de
la fragilité de notre petite sphère bleue et de notre place dans le cosmos.
Nous ferions bien de tous faire un tel voyage !
Caricature
parue dans le Daily Mail du 23 février 1960
Le singe
explique aux astronautes Gus Grissom, John Glenn et Alan Shepard :
"Ensuite,
à 90 000 pieds (27 km), vous aurez le sentiment que vous devez
avoir une banane !"
Il y en a tellement ! J'adore
l'imagerie de Chesley Bonestell et Robert
McCall et leurs visions de la conquête spatiale de demain. J'ai la nostalgie du
futur, de cette époque où l'on avait encore foi dans l'avenir. Mais n'avons
aujourd'hui envoyé que quelques robots sur Mars, il n'y a même pas de base
lunaire… Mais cela arrivera malgré tout, je reste confiant !
Chesley
Bonestell
a notamment réalisé plusieurs couvertures du magazine Colliers dans les
années 50
Robert
McCall a réalisé l'affiche du film 2001, l'odyssée de l'espace en 1968
Je suis aussi un fan de Manchu et
de ses couvertures de SF pour le Livre de Poche, que je lis assidûment
(collection Gérard Klein). J'ai eu envie de travailler avec lui pour dessiner
la station de mon film. Je connais bien son univers graphique.
Croquis de
la station du film Dante 01 par Manchu
Je pense également à l'empreinte
du premier homme sur la Lune mais aussi à des plans cinématographiques
extraordinaires : les retours des capsules sous les parachutes, des
sorties hors des capsules (Ed White notamment), des amarrages de vaisseaux…
J'ai été fasciné par l'amarrage du vaisseau Soyouz à la dernière cabine Apollo
en juillet 1975.
Je retiens le Spoutnik ou le
module lunaire mais aussi les combinaisons des astronautes. Et les petites
phrases ("Houston, we had a problem") !
Les
"7" de Mercury dans leur habit de lumière
Je rêve que Dante 01 fasse
un carton pour que je puisse me payer un séjour sur orbite et y réaliser un
film ! Le rêve de tout cinéaste, c'est bien de faire un film
là-haut ! James Cameron essaie déjà, semble-t-il… C'est en tous le cas le
seul qui puisse y arriver, financièrement parlant !
Youri Gagarine fut le premier homme dans
l'espace, le premier cosmonaute. Dans mon film, je fais davantage référence à
la conquête spatiale soviétique. D'ailleurs, mon personnage principal
interprété par Lambert Wilson s'appelle Saint Georges… et Youri en russe.
Mir pour moi, c'est Out of the
Present, le formidable documentaire d'Andreï Ujica. Le séjour de Sergueï
Krikalev et les changements politiques qu'il vit depuis là-haut, c'est une
problématique hallucinante.
Spoutnik-1 pour moi, c'est le son
du "bip-bip". C'est aussi un groupe dans les années 50.
Merci, Marc Caro !
Sur le
décor de Dante 01, même la machine à café est fonctionnelle !
Photo
Mourad Cherfi
La semaine
prochaine (lundi 23 octobre 2006) : Michel Tognini