LES INVITES DU COSMOPIF |
N°160 (lundi 30 juillet 2007)
Qui
êtes-vous, Livia Briese ?
Depuis 2002, je suis déléguée à la communication chez Eumetsat.
Je suis une vraie Européenne et la question d'où je viens me donne presque la
migraine, puisque chaque génération de ma famille est née dans une ville
différente et combine plusieurs nationalités : Allemands, Polonais,
Hongrois, Grecs et Bulgares. C'est probablement cet héritage qui a conditionné
ma passion pour les langues : j'en parle 6 couramment et, tel un caméléon,
prend facilement la couleur (linguistique) de mon environnement. Cela est
amusant mais peut aussi provoquer des situations embarrassantes. Ainsi lorsque
j'étais adolescente, j'ai eu du mal à faire comprendre à un douanier italien (à
qui je parlais en italien) pourquoi je ne possédais pas de carte d'identité
italienne : il ne voulait pas "accepter" mon identité allemande ;
puis, lorsque mon passeport fut volé à Lisbonne lors d'un voyage d'été,
l'employé allemand de l'ambassade a eu quelques doutes sur ma vraie nationalité
quand il se rendit compte que je suis née à Bucarest, en Roumanie…
Je n'ai pas fondé de famille et vis couramment à Darmstadt,
en Allemagne. Je peux aller au travail à pied puisque je ne vis pas très loin
(à quelques centaines de mètres du centre de contrôle de l'ESOC !). Je
n'ai pas d'animaux ni de voiture et dois avouer être une conductrice
terrifiante pour les standards allemands, seulement habituée à rouler sur les
autoroutes italiennes ou les routes de villages.
Je suis passionnée par l'astrophysique, le café, les jardins
japonais, les orchidées et les plantes en général. J'aime cuisiner de grands
repas pour les amis et recevoir à la maison.
Mes responsabilités chez Eumetsat comprennent la communication interne
et externe. En d'autres termes, je m'occupe en interne de l'information du
personnel, organisant par exemple les assemblées générales ou écrivant les
nouvelles sur ce qui se passe à l'intérieur ou à l'extérieur d'Eumetsat. Ces
informations sont ensuite publiées sur notre Intranet, une plateforme que j'ai
créée et qui fonctionne désormais depuis 2004.
La
communication externe est un vaste champ. Pour moi, cela signifie en premier
lieu m'occuper des médias européens et organiser des événements presse, pour
annoncer nos activités importantes ou quand des étapes sont franchies, par
exemple lorsqu'un satellite de météorologie entame ses opérations de
"routine", fournissant données, produits et services aux dépositaires principaux
d'EUMETSAT : les services nationaux de météorologie en Europe.
Ce
travail est très enthousiasmant et j'ai l'occasion de rentrer de nombreux
collègues dans des organisations du domaine spatial telles que le CNES, l'ESA
mais aussi l'industrie comme Arianespace, Thales Alenia Space, EADS et les autres…
Je travaille dans le secteur de la communication depuis
12 ans, après ma sortie de l'Université de Freiburg en Allemagne, où j'ai
étudié la langue chinoise et l'histoire, l'économie et l'anglais.
Mon premier contact avec la profession a été une maison
d'édition où j'ai travaillé l'été durant mes études, aidant le service de
presse pour la mise en place de foires aux livres et en particulier en
organisant des interviewes avec les auteurs. C'est là que j'ai découvert les
"relations publiques" et que je me suis rendue compte que lire des
livres et écrire des critiques était une profession en soi !
Après mes études, j'ai rejoint une société pharmaceutique,
attirée par la perspective de mettre en place un réseau international de médias
pour une compagnie qui vient d'être cotée en bourse.
Après 4 ans comme attachée de presse chargée des relations internationales avec les médias, je me suis tournée vers les télécommunications à la fin des années 90, un secteur en pleine effervescence, plein d'opportunités et au potentiel inimaginable. Pendant 4 nouvelles années, j'ai été responsable de la communication pour la branche de recherche et développement d'une société spécialisée dans les applications pour les téléphones fixes et mobiles. La vitesse de développement était vertigineuse et les téléphones portables se transformaient sous mes yeux : d'une brique dans la poche à un instrument qui pourrait être porté sur une chaîne autour du cou. Mais le marché a évolué encore plus rapidement et je me suis orientée dans une nouvelle voie.
J'ai commencé à Eumetsat en août 2002, 15 jours avant le lancement
de MSG-1, le premier exemplaire de la seconde génération de satellites
météorologiques Meteosat. Je n'oublierai jamais ces premiers jours et ce coup
au cœur que j'ai eu quand j'ai vu la fusée d'Ariane s'élancer vers le haut dans
un flash de lumière ! Vous vous rendez alors compte que le succès et
l'échec sont séparés par une ligne très mince…
Je garde donc en mémoire ce lancement de MSG-1 car c'était
mon premier. J'étais à Darmstadt et suivais le déroulement du vol à partir d'un
grand écran installé dans nos locaux. Quand on voit ainsi ces images, c'est que
l'on fait déjà partie du scénario, on est dedans !
MSG-1 (à gauche avant son
lancement) a été placé sur orbite le 28 août 2002 par le vol Ariane 513
(V155).
A droite, la première image de
MSG-1
J'adore les vues
d'astéroïdes, de supernovae ou d'autres objets célestes (je pense au cliché
réalisé par le télescope spatial Hubble de la nébuleuse de l'Aigle). Mais
j'aimerais capturer ce moment inoubliable lorsqu'un lanceur met à poste avec
succès un satellite météorologique !
"Les piliers de la création" révélés par le
télescope Hubble
NASA
Vue d'artiste de la mise à poste d'un satellite Météosat
Je pense au nuage d'hydrocarbone de Titan, la lune de Saturne. Les
caméras de la sonde Cassini l'ont repéré au dessus du pôle Nord le
29 décembre 2006 et l'ont photographié dans les longueurs d'onde visible
et infrarouge. Le nuage mesure
2 400 kilomètres de diamètre. Il est entré dans la lumière du Soleil
au sortir de l'hiver.
Le nuage d’hydrocarbures observé au-dessus du pôle Nord
de Titan par la sonde américano-européenne en décembre 2006, à
environ 90 000 km de distance. Sa superficie est équivalente à la moitié des Etats-Unis.
Inspirée par mon livre de chevet quand j'étais enfant (les
aventures d'un petit garçon nommé Hansemann qui voyageait dans l'espace), je
crois que le rêve le plus fou pour moi serait d'aller sur la Lune et y créer un
karesansui, un jardin de pierre japonais.
J'ai passé ma jeunesse dans un ancien pays communiste. Youri
Gagarine est pour moi à la fois un héros et une figure tragique. Un héros parce
qu'il a personnalisé le rêve d'une nouvelle génération de jeunes aventuriers
(nous voulions tous devenir des "cosmonautes" ou des
"astronautes") et qu'il a donné un visage humain (j'ai toujours
plusieurs timbres le montrant souriant tel un saint auréolé – d'ailleurs,
enfant, je croyais qu'il en étais un !). Tragique parce qu'il s'est tué si
jeune, lors d'un banal vol d'exercice en avion.
La station Mir représente à mes yeux un grand pas en avant
dans l'exploration de l'espace. Elle fut d'abord un exemple vécu de la
coopération humaine, unie par le même esprit, indépendamment de la culture, de
la couleur ou de la course.
D'une part, le premier Spoutnik a donné le coup d'envoi du
vol spatial orbital, préparant le terrain vers nos satellites des temps
modernes. De l'autre, il a également contribué à engloutir la Terre à grande
vitesse dans un nuage de débris potentiellement destructifs.
Merci, Livia
Briese !
Interview réalisée par mail en juin
2007 et traduite de l'anglais par Pif
Attention : pause estivale
Reprise des invités du Cosmopif le lundi 10 septembre 2007 |