LES INVITES DU
COSMOPIF |
L'invitée n°102 (lundi 13 février 2006)
Responsable de la politique éditoriale du CNES
www.cnes.fr
Qui
êtes-vous, Joëlle Brami ?
Toulousaine, née en 1952,
je suis aujourd'hui responsable de la politique éditoriale au service
Communication institutionnelle du CNES. Très citadine, j'aime cependant la
nature et les randonnées mais aussi la danse, le sport, le cinéma, la musique
latino et classique (surtout le piano) et bien sûr la littérature, en
particulier les histoires policières concoctées par les romancières anglaises
qui ont le chic pour vous plonger dans d’indicibles tourments psychologiques…
Après mes études à l’Institut
d’Etudes Politiques de Toulouse (options Sciences Politiques), je rêvais d’être
journaliste. Déjà en 1978, il était difficile de trouver du travail, la crise
du pétrole ayant frappé… Et puis une opportunité est arrivée : mon CV
avait été repéré par le CNES qui cherchait quelqu’un de jeune pour travailler à
la création de son journal d’entreprise. Je suis d'abord entrée comme stagiaire
(les fameux stagiaires "Barre"), fin 1978, et j’ai tout de suite
participé à la création du journal interne "CNESQUISEPASSE?". Ce
titre qui a souvent étonné a été choisi juste avant mon arrivée, à la suite
d’un concours lancé en interne. Je n’en suis pas donc l’auteure ! A la fin
de mon stage, 9 mois plus tard, j’étais définitivement embauchée, d’abord
rédactrice du support. Je suis par la suite devenue rédactrice en chef du
journal interne. Ce dernier a été primé en 1993 meilleur journal d’entreprise
par l’union des journalistes de France. Cela a été un moment fabuleux pour moi
et l’entreprise, une reconnaissance dans le travail qui fut un enchantement. En
2003, je suis devenue chef du Département des Publications et, à mon tour, j’ai
participé à l’embauche d’une jeune journaliste qui a pris ma relève sur ce
support. A présent, je suis chargée de la politique éditoriale du CNES au sein
de la Direction de la Communication. Cela touche aussi bien Internet que le
journal externe "CNES Magazine", dans lequel je suis en outre chargée
de la rubrique Société. Je conserve grâce à cela un travail sur le terrain de
reportage, d’interview et de rédaction.
Depuis toute petite, je voulais voyager et écrire et j’adore la littérature. Née en Tunisie, nous avons du partir au moment des événements. Le déracinement, ce premier voyage sur un bateau, cette France inconnue m’ont marqué, comme ma famille d’ailleurs. De là est né le goût d’un ailleurs, l’envie de voir autres choses, d’autres gens. Et puis, à ce moment là, les relations épistolaires étaient très fréquentes (il n’y avait pas d’Internet). Les nouvelles de la famille dispersée on ne les avaient qu’à travers les lettres. Et qui dit lettres dit timbres postes. Jusqu’à l’âge de 18 ans, j’ai donc collectionné les timbres, c’était ma manière à moi de voyager et de bien connaître la géographie. C’est la conjonction de tout cela qui a déterminé l’envie d’un métier, il fallait que celui-ci corresponde à une passion. Cela ne pouvait être autrement. Je peux dire avec le recul que, professionnellement, ce fut une grande aventure. De plus, de formation littéraire, être rentrée dans un monde de haute technologie qu’est le spatial a été aussi un défi intellectuel.
Quand on a accompagné depuis plus de 20 ans l’aventure spatiale, on est plein de souvenirs. Ce qui m’a marqué le plus a été de suivre les premiers pas des vols habités, à Toulouse, à Moscou, à Houston.
Ma première interview avec Jean-Loup Chrétien et Michel Tognini en 1988 fut mémorable. L’équipe Vols Habités logeait dans un grand hôtel à Moscou et là, je devais interviewer par téléphone nos spationautes qui résidaient à la Cité des étoiles. Impossible de dépasser de 3 secondes l’entretien. Nous étions constamment coupés -les mauvaises langues diront que nous étions sous écoute, ce qui ne serait pas étonnant vu le contexte politique de l’époque…- La surprise a été le déplacement à l’hôtel même de Jean-Loup et de Michel accompagnés de leurs épouses pour pouvoir réaliser en exclusivité cet entretien pour le journal "CNESQUISEPASSE?". Merci encore à eux.
Interview de Jean-Loup
Chrétien (à droite) et Michel Tognini en compagnie de leurs épouses
pour le CNESQUISEPASSE?
n°54 spécial VLD (vol longue durée) de novembre 1988
Photo CNES
Je pourrais ensuite parler de l’émotion ressentie quelques années plus tard à Baïkonour lors du vol de Michel Tognini ou de Claudie André-Deshays (devenue par la suite Haigneré), toute fragile et intimidée au pied de la fusée qui allait l’emporter et faire d’elle la première Européenne de l’espace… De la gentillesse de Léopold Eyharts qui nous racontait son quotidien dans les froidures russes. Mais aussi de cette intimité partagée lorsque les spationautes nous recevaient dans leur HLM de la Cité.
Je pourrais aussi parler de ce voyage étonnant au Japon, dans l’île de Tanegashima, base spatiale japonaise, où l’équipe de projet du CNES intégrait l’instrument français Polder sur le satellite japonais Adeos. Un monde à part, où nous avons assisté religieusement à une cérémonie shintoïste et à la bénédiction du satellite avant son envol…
Et puis si vous voulez encore connaître d’autres anecdotes, elles sont écrites dans les cent et quelques numéros de "CNESQUISEPASSE?" !
Les vols
habités français ont souvent fait la une de la revue CNESQUISEPASSE?
entre 1982 et 2002
Montage Pif
Plus
que Mars dont on parle beaucoup, j’ai été très sensible à l’image prise la
sonde européenne Huygens, qui s’est posée sur Titan, un satellite naturel de
Saturne, après un voyage de 7 ans, le 14 janvier 2005. Elle a
transmis des données pendant 2h30 depuis un sol dur, au relief riche suggérant
la présence de chenaux, signe que quelque chose coule à la surface. J’ai trouvé
que c’est un exploit historique pour l’Europe d’avoir réussi à recueillir des
informations et de les étudier à présent pour percer un nouvel univers
extraordinaire.
Le
14 janvier 2005, un nouveau montre apparaît aux Terriens : Titan
Photo ESA
Ayant vu
souvent des satellites en intégration à Toulouse, chez Intespace, je trouve ces
engins étonnants avec tous leurs instruments, leurs composants, leurs
revêtements dorés, leurs capacités à transmettre des informations sur de si
longue distance. Ils sont frappants par leur solidité et en même temps par leur
terrible fragilité. Et puis, par leur durée de vie, les satellites vivent et
meurent, on les met alors sur une "orbite cimetière" ou on s’arrange
à les désintégrer après service rendu.
La sonde
européenne Venus Express -qui doit se placer sur orbite autour de l'étoile du
Berger en avril 2006-
lors
d'essais chez Intespace à Toulouse. La société Intespace est
spécialiste des essais en environnement depuis 1963
Je n’ai pas personnellement de
rêve spatial, ni ne me sens l’âme d’une voyageuse de l’espace. J’ai trop de
choses à découvrir encore sur Terre. Par contre, j’aimerais bien savoir s’il y
a, dans notre Galaxie ou ailleurs, des dispositions chimiques, biologiques qui
apporteraient des signes de vie hors de la Terre. Le prochain satellite du CNES
Corot, qui sera lancé en 2006, va pour une partie de sa mission ouvrir le
chemin à l’étude des exoplanètes et par delà cela rechercher des formes de vie
autres que terriennes. Je trouve que ce projet est passionnant. On va
certainement aller vers une révolution de nos connaissances en astronomie et
bien des hypothèses pourront être confirmées mais surtout balayées.
Vue
d'artiste du satellite Corot pointant une exoplanète croisant un soleil
Dessin CNES
Youri Gagarine fut à la fois le
premier homme à être allé dans l’espace, une figure représentée sur des timbres
édités par de très nombreux pays, un homme "adulé" par la communauté
spatiale russe qui en a fait une icône et un très beau sourire !
Timbre
édité par La Poste en 2001
Que représente pour vous la station Mir ?
Mir fut
une construction spatiale qui a duré bien longtemps, le symbole de la puissance
spatiale russe, un lieu de rendez-vous pour cosmonautes de diverses
nationalités, un endroit à ne pas manquer et pour être vu, flottant sur des
écrans de télé, par ceux restés au sol... Mir un "must" pour ceux qui
y ont séjourné, très prisée par le microcosme des vols habités. Mir, c’est
aussi une certaine émotion quand on l’a désintégrée pour finir au fond du
Pacifique, elle qui avait été la "datcha" de l’espace.
Merci, Joëlle
Brami !
La semaine
prochaine (lundi 20 février 2006) : Dominique Taléghani