L'invité de la semaine dernière : Berndt Feuerbacher
LES INVITES DU COSMOPIF
N°352
(lundi
19 mars 2012)
Qui êtes-vous, Serge
Bordères ?
Je suis
ingénieur en informatique au CNRS, j'ai 51 ans, j'habite dans la région de
Bordeaux avec ma compagne et notre enfant de 5 ans. Je suis passionné
d'astronautique et d'aviation depuis bien longtemps.
Je suis rentré au CNRS en 1984 comme
ingénieur systèmes dans un grand centre de calcul, j'ai passé ensuite une
dizaine d'années à l'Ecole Polytechnique, puis à nouveau au CNRS dans la région
bordelaise dans un laboratoire de recherche nucléaire (l'infiniment petit et
l'infiniment grand).
Certainement que la nuit du 20 au 21 juillet
1969 et les autres missions Apollo ont eu quelques influences sur mon destin en
faisant germer en moi le goût de la science et des technologies. Je me souviens
que le premier programme que j'ai écrit était un jeu (très simpliste mais avec
les bonnes équations) qui consistait à faire alunir un engin. C'était sur une
calculatrice Texas Instrument TI-57, avec une capacité de 50 instructions
seulement !
En 2008-2009, j'ai été quelque peu
« agacé » de constater que, 40 ans après Apollo, la plupart de
la documentation était en anglais. Cette constatation, plus les péripéties de
l'ordinateur de bord du module lunaire, m'ont amené à
documenter l'alunissage d'Apollo 11, en français, de la façon la plus précise
et la plus abordable possible. Grâce à mon éditeur Cépaduès,
ce projet a pu se concrétiser sous forme d'un livre, à mettre dans toutes les
mains.
Je
pense à l'explosion de la navette Challenger. C'est un moment où tous les
passionnés ont pu penser que l'idée de l'homme dans l'espace risquait d'être
compromise. On entend beaucoup de critiques sur le programme navette spatiale
mais, comme pour Apollo, il fallait beaucoup d'audace pour le développer.
N'est-ce-pas ce qui manque le plus aujourd'hui ?
Je n'ai pas
vraiment de photo préférée mais des citations préférées. La première est celle
de Neil Armstrong, « Ici la base de la Tranquillité », parce qu'il
s'agit de la première phrase à l'adresse de la Terre prononcée depuis la Lune.
Mais aussi parce qu'Armstrong semble l'avoir bien préparée et qu'il ne l'a pas
choisie au hasard. Il n'a pas dit ici la « mer » de la Tranquillité
mais il a utilisé le mot « base ». Et qui dit « base » dit
présence de l'homme. En six petits mots, il a tout résumé. Et puis la
tranquillité colle si bien au bonhomme.
L'autre citation
est de Gene Kranz quelques minutes avant le début de
la phase d'alunissage d'Apollo 11. Il parle à son équipe et dit
« ...quoi qu'il nous arrive aujourd'hui, je me tiens derrière chaque
décision que vous prendrez. Quelle que soit la manière dont les choses vont
tourner, quand nous sortirons de cette salle, nous en sortirons comme une
équipe ». Des mots qui devraient être enseignés dans toutes les écoles de
management.
Je choisis le module lunaire d'Apollo. Il a
réussi l'alunissage dès la première tentative alors qu'il n'avait pas été
possible de le tester dans toutes ses fonctions avant. C'est comme si Concorde
avait fait un aller-retour transatlantique à Mach 2 et avec 100 passagers
à bord dès son premier vol.
C'est certes le symbole de l'Homme qui
s'évade de sa planète mais c'est aussi le symbole des différences
d'appréciation du rôle de l'Homme dans un vaisseau spatial. Gagarine et ses
successeurs cosmonautes ne pouvaient pas piloter leur vaisseau et prendre des
initiatives. Du côté américain, les astronautes purent piloter leur engin dès
le début et, parfois, ne se gênaient pas pour n'en faire qu'à leur tête. C'est
tout l'intérêt des vols habités : permettre à l'homme à bord de prendre le
dessus à tout moment et d'appliquer son libre arbitre. C'est justement ce qu'a
fait Armstrong lors de son alunissage.
Je n'avais pas tout à fait neuf ans.
J'étais resté tard dans la nuit avec mon père pour regarder Armstrong et j'en
ai quelques images en tête. Le lendemain matin, en lisant le journal (Sud Ouest), ma grand-mère déclara :
« C'est du cinéma ». Je me demande si ça n'est pas elle qui est à
l'origine de la théorie du complot !
Ce qui est amusant, c'est que plusieurs
personnes m'ont raconté avoir entendu les mêmes propos de leur
grand-mère !
Ce n'est pas si fou : j’aimerais être à
nouveau témoin en direct d'une aventure telle que celle d'Apollo…
Merci, Serge Borderès !
Interview réalisée par mail en février 2012
La semaine prochaine (lundi 26 mars 2012) : Ronnie
Nader