LES
INVITES DU COSMOPIF
N�30
(lundi 21 juin 2004)
Chef des
projets Lanceurs futurs au CNES
Qui �tes-vous, Christophe Bonnal ?
Je suis n� le jour de la
signature du contrat attribuant la capsule Mercury � McDonnell, exactement au
m�me endroit que L�o Mouriaux. Je suis donc un chou�a plus �g� que la belle
brune qui a vol� sur Mir, a d�ploy� STRM depuis la navette Endeavour et a mont�
Quest � l�ISS ; j�ai autant d�enfants qu�elle d�ailleurs.
Mon
fr�re voulant �tre v�t�rinaire dans la brousse, il lui fallait un pilote pour
le d�poser au chevet des lions bless�s ; ce r�ve de devenir pilote m�a
pris vers 5 ans et ne m�a l�ch� qu�en Maths Sup o� je me suis plut�t
orient� vers le m�tier d�ing�nieur. Entre temps, ayant r�ussi � mettre le feu
au garage d�un copain en testant des petites fus�es "home-made" et en
en d�duisant qu�il me manquait quand m�me quelques bases, j�ai �largi mon champ
de vision en regardant vers les �toiles et surtout en me demandant comment y
aller ; ainsi, apr�s mon dipl�me d�ing�nieur IDN (maintenant Centrale Lille)
et un an comme prof de gym en Allemagne, je suis entr� � Aerospatiale
(maintenant EADS-ST) pour travailler sur Ariane. Je n�ai jamais cess�
depuis !
Apr�s
quelques ann�es "good vibrations" sur l�effet Pogo puis quelques
avant-projets (notamment ATV et les lanceurs r�utilisables), je me suis
accroch� en 1989 au programme Ariane 5 dans l��quipe Architecte
Industriel. Achet� par le client CNES en 1992, je me suis alors occup� des
essais syst�me du lanceur, jusqu�� sa qualification apr�s le vol 503. Quelques
hauts (superbes essais en Guyane) et quelques bas (4 juin 96), une vie
passionnante et une exp�rience unique.
En
1998, je suis pass� aux avant-projets dont j�ai pris la responsabilit� en 1999.
Depuis, on me paye pour r�ver ! Du tr�s court au tr�s long terme, du conventionnel
au farfelu, du tout petit au tr�s gros, r�utilisable ou pas, avec nos
partenaires (l'Agence spatiale europ�enne mais aussi les Russes et les
Japonais), la palette enti�re des possibles y passe gr�ce � l�enthousiasme
contagieux de notre petite �quipe�
En
1969 -ce devait �tre fin juillet-, les responsables de ma colo nous avaient
r�veill�s au milieu de la nuit pour �couter un gars qui criait dans la radio
"le pied, le pied, il va poser le pied�". Et puis mon p�re -qui s�est
commis plus tard sur de nombreux instruments fort pointus sur Soho ou ISO (on
se refait pas)- a su r�pondre � mes innombrables questions et en a suscit�
tellement d�autres.
Astronomie,
chemin des �toiles, sentiment de tutoyer l�infini, technologies de tous les
extr�mes� J�ai dragu� ma femme allong� sur l�herbe en lui racontant Alcor,
Bacchus offrant la Perle � Ariane, le
Serpentaire qui est son signe du Zodiaque (m�fiante, elle notait tout
pour v�rifier le lendemain !)� Du coup, elle comprend et me pardonne
toutes mes absences, pourtant nombreuses, tant professionnelles qu�associatives
(notamment la commission transport spatial de l�AAAF) ou �ducatives
(conf�rences diverses et fr�quentes).
Entre
juillet 1999 et d�cembre 2002, Christophe Bonnal a notamment anim� la s�rie de
7 conf�rences organis�es avec Pif � l'occasion des 30 ans des
missions Apollo 11 � 17. La premi�re s'est tenue dans les locaux de l'A�roclub
de France. Rillettes, kir, chaleur et bonne humeur �taient au rendez-vous de
cette soir�e qui se termina tard dans la nuit.
Aujourd'hui,
Christophe Bonnal anime la commission transport spatial de l'AAAF qui propose
r�guli�rement des conf�rences sur les lanceurs.
Certaines
missions sont plus dures que d�autres� L��tage principal d�Ariane 5
(l�EPC) br�le dans l�atmosph�re apr�s utilisation, � de tour de Terre plus
tard, rentrant � une vitesse de 30 000 km/h au milieu du Pacifique.
Du moins, c�est ce qu�on avait pr�vu ; encore fallait il le
v�rifier ! Une superbe mission � Hawa�, � bord du prototype du
Boeing 767 modifi� par l�USAF pour embarquer un t�lescope infrarouge hyper
sensible, a permis de v�rifier nos pr�visions � l�occasion de la mission 503 le
21 octobre 1998. Apr�s un vol de nuit de r�ve entre Honolulu et
l��quateur, � 50 000 pieds sous les �toiles, nous avons vu rentrer
l�EPC, la Speltra et l�ARD. Ce dernier devait �tre r�cup�r� par les copains
quelques heures plus tard, flottant comme pr�vu au milieu des requins�
La
photo ci-jointe montre la rentr�e de l�ARD � 62 km d�altitude telle que je
l�ai vue de mon hublot ; elle marquait le succ�s total de la mission 503
et la qualification de notre lanceur lourd europ�en.
S�lection
dure tant il y a d�exceptionnel dans notre m�tier� J�aime beaucoup cette photo
du moteur de la partie haute du LEM (qui permet le d�collage depuis la Lune),
petite merveille technologique : jamais le mot fiabilit� n�avait rev�tu
une telle signification ! Moteur unique, indispensable pour repartir de la
Lune : s�il ne s��tait pas allum�, on aurait eu droit � la mort en direct
de deux astronautes coinc�s sur la Lune� et la NASA a os� le faire �
6 reprises !
Le moteur de remont�e du LEM : l'assurance-vie des
12 hommes qui ont march� sur la Lune
Quand
on pense que maintenant on ne peut plus lancer de Navette sans qu�il y ait la
Station en "back-up" ou � d�faut une autre Navette, on regrette
parfois le temps o� l�on ne prenait pas encore le spatial pour une activit� de
routine�
Choix
cette fois carr�ment impossible sans l�ser Spoutnik, Apollo, Ariane 5,
Hubble et tant d�autres objets fantastiques ! J�en choisis donc un
anonyme, le Maqsat-B du vol 502, maquette repr�sentative d�un satellite,
utilis�e pour qualifier notre lanceur en 1997 ; la photo le repr�sente
lors des essais dynamiques men�s chez IABG � Munich.
Maqsat-B en essais
A
l�int�rieur, j�ai grav� un c�ur avec le pr�nom de ma femme, bien � l�abri de
l�usure due � l�oxyg�ne atomique. Aux derni�res nouvelles, 1997-066B, c�est son
nom (le satellite, pas ma femme), devrait rentrer dans l�atmosph�re dans
environ 10 000 ans ; �a a quand m�me plus de gueule que d�aller
ab�mer un ch�ne qui, au mieux, sera centenaire !
La
Fran�aise des Jeux affichait en 2002 un chiffre d�affaire de 7,4 milliards
d�Euros. Un programme d�exploration habit� de Mars en co�terait environ 50, sur
15 ans, r�partis sur une dizaine de partenaires, ce qui repr�senterait
pour la France environ 300 millions par an, soit autant que le seul jeu
"Le Solitaire"�
Je
r�ve parfois � une utilisation moins solitaire de cet imp�t volontaire en
l�utilisant dans de grands programmes solidaires : exploration de
l�Univers, fertilisation du Sahara, �ducation pour tous� Le spatial serait un
formidable outil, sous tous ses aspects (observation, environnement,
changements climatiques, gestion des d�chets, science, information,
communication�) et permettrait sans doute de restaurer bien des vocations, en
dynamisant la recherche et en nous �loignant un peu de la spirale omnipr�sente
du "vendre � tout prix". Touchante na�vet�
Merci, Christophe Bonnal !
La semaine
prochaine (lundi 28 juin 2004) : Philippe Varnoteaux