LES INVITES DU COSMOPIF |
L'invité n°91 (lundi 21 novembre 2005)
Etudiant
en école d’ingénieur
Qui
êtes-vous, Stephen Bail ?
Né
en 1983 à Melun, j’ai grandi dans le Sud de la Seine-et-Marne, près de
Fontainebleau. Aujourd’hui, quand je ne suis pas en région parisienne pour
étudier, j’habite dans l’Est de la France, dans un village très (trop !)
rural, à quelques kilomètres de Metz.
Côté
hobby, j’avoue un faible pour tout ce qui touche à la "troisième
dimension" (ça doit être pathologique !) : la montagne (quel
bonheur de parcourir les sommets enneigés des Alpes - du moins, tant qu’il reste
des glaciers et de la neige, leur disparition devenant vraiment significative
et inquiétante depuis quelques années), l’aviation (je prépare actuellement le
Private Pilot License dans un aéroclub à Etampes), l’astronomie et l’espace.
Difficile
de parler de parcours "professionnel" en ce qui me concerne !
Parlons plutôt de parcours étudiant…
Après
une scolarité dans un lycée de Fontainebleau, j'ai passé un bac scientifique au
lycée Louis le Grand à Paris (dont je ne garde pas, à vrai dire, un très bon
souvenir), avant de faire une classe prépa PCSI puis PC au lycée Pasteur
(Neuilly-sur-Seine). J'ai rejoint le lycée Saint-Louis en 2002 pour une
troisième année de prépa, année dont je retiens de très bons moments, bonne
ambiance et bon esprit. En septembre 2003, je suis rentré à l’Ecole
Polytechnique (l’X). J’ai effectué un stage au sein de la Gendarmerie des
Hautes-Alpes (Gap, Briançon, etc.) pour commencer ma scolarité, avant de
revenir suivre deux années de cours sur le campus de Palaiseau. Je suis
désormais en 3e année et intéressé par l’aéronautique,
j’envisage donc une 4e année à Sup' Aéro (Toulouse). En
parallèle, et afin de compléter ma formation par un aspect moins scientifique,
j’espère suivre un cursus dans un institut de sciences politiques (Sciences Po
Paris ou Toulouse).
Ma
passion pour l’astronomie et l’espace me vient de plusieurs séjours de vacances
avec l'association Planète Sciences (cinq
pour être précis, de 12 à 17 ans). Je suis par la suite devenu animateur
astronomie pour l'association, principalement pour des séjours d’été, bien que
mes études ne m’aient pas laissé beaucoup de temps libre ces dernières
années...
En
rentrant à l’X, j’ai commencé à m’intéresser de plus près à la conquête
spatiale. J’ai ainsi pris les rênes d’une association d’élèves qui s’occupe de
tout ce qui a trait au spatial à l’Ecole. L’association a permis de soutenir
deux groupes d’élèves pour des campagnes de vols paraboliques et a ensuite
organisé une série de quatre conférences consacrées à l’espace début
octobre 2005 sur le campus de l’Ecole. Nous avons ainsi eu la chance
d’accueillir et de parler d’espace avec des personnalités comme Jean-François
Clervoy (astronaute), André Brahic (responsable de l’équipe
d’imagerie de la sonde Cassini), Laurent Gathier (directeur des activités
spatiales de Dassault), Jean-Jacques Dordain (directeur de l’Agence spatiale
européenne), Yannick d’Escatha (directeur du CNES) ou encore Olivier
Sanguy (rédacteur en chef d’Espace Magazine). Ces
conférences restent un très bon souvenir, les intervenants nous ont vraiment
passionnés et les étudiants de l’Ecole sont d’ailleurs venus en nombre pour les
écouter.
Personnellement,
j’essaye de me tenir le plus possible au courant de ce qui se fait dans les
domaines de l’astronomie et l’espace, par la lecture de magazines spécialisés
ou la consultation, de longues heures durant, de sites Internet comme ceux de
l’ESA, du CNES, de la NASA ou d’EADS, mais aussi de sites amateurs (comme celui
de Pif !).
Faire
carrière dans l’aéronautique et le spatial m’intéresse donc
particulièrement : participer à un grand projet en lien avec la conquête
spatiale (conception d’une mission scientifique, développement d’un lanceur ou
réalisation d’un nouvel engin destiné au vol habité) constituerait une aventure
formidable à mes yeux.
En
mars 2005, avec cinq autres élèves de ma promotion et
trois chercheurs d’un laboratoire de physique d’Orsay (le LPS), nous avons
participé à la 46e campagne de vols paraboliques du CNES,
organisée par Novespace. Etre retenus par le CNES puis préparer notre module
expérimental a demandé énormément de travail en quelques mois seulement (plusieurs
centaines d’heures de travail sans doute). Mais quelle récompense, quelle
satisfaction de pouvoir mettre en œuvre notre module à bord de l’Airbus A300
Zéro G ! Tous les membres de l’équipe ont pu voler et l’expérience a
parfaitement fonctionné. Nous avons ainsi pu engranger de nombreuses données,
que nous sommes loin d’avoir entièrement analysé.
D’un
point de vue personnel, je retiens surtout ma première parabole : le
phénomène, totalement nouveau pour moi, a complètement déboussolé mes sens.
J’étais absolument incapable de me repérer ou de me déplacer pendant les
vingt secondes qu’a duré cette première parabole. Bref, c’était très
déconcertant ! Heureusement, au bout de quelques paraboles, le cerveau
semble trouver de nouveau repère et on ressent alors les joies de la
micropesanteur : une sensation de liberté totale, cette capacité de
pouvoir faire tout ce qu’on veut, d’aller dans toutes les directions, sans
aucune limite. D’ailleurs, je repartirai sans hésitation pour une nouvelle
série de paraboles !
Derniers préparatifs de l'Airbus A300 zéro G de Novespace et
expérience du binet AstronautiX
Photos Stephen Bail
Notre expérience n'avait pas de nom particulier. Cela dit, entre nous, nous l'appelions "Mousses en zéro G" ou, pour le titre technique, "Etude du drainage d'une mousse aqueuse en zéro G". Elle consistait en l'injection d'un liquide dans une mousse aqueuse (type mousse de savon) et en l'étude du déplacement du front de liquide dans cette mousse.
Je suis toujours fasciné par les images produites
par la sonde Mars Express : avec ces vues en 3D, on se croirait vraiment
propulsé sur la planète rouge !
L’homme ira peut-être (sans doute !) un jour
sur Mars. La question n’est pas tant de savoir quand, mais plutôt comment et
pourquoi : devons nous y aller simplement pour montrer un savoir-faire
technologique ? Qui sera du voyage ? Est-ce que toutes les nations spatiales
actuelles travailleront ensemble ? Certes, la concurrence entre ces
nations a souvent fait avancer le spatial (la course à la Lune dans les années
60, par exemple). Mais, pour ce genre de projet d’envergure, j’imagine mal les
différentes agences spatiales travailler chacune dans leur coin. A l’Europe de
tout faire pour être dans le bon wagon !
Quant au pourquoi, si l’on veut répondre aux
détracteurs de ce type de mission, il faudra certainement construire un
programme ambitieux et sur le long terme, et non un simple vol sans lendemain.
Mars révélée en trois dimensions par la sonde
européenne Mars Express (ESA)
Je
choisis la fusée Ariane 5 car elle représente un moyen d’autonomie et
d’indépendance de l’Europe vis-à-vis de la Russie et des Etats-Unis en terme
d’accès à l’espace. La maîtrise technologique nécessaire à sa construction est
tout à fait admirable. J’ai eu la chance de visiter récemment le site de
construction de l’étage cryogénique principale (aux Mureaux, chez EADS) :
c’est véritablement impressionnant !
Qui
plus est, on peut imaginer qu’Ariane 5 sera peut-être un jour en mesure
d’envoyer des hommes dans l’espace, à condition d’adapter l’ATV ou de concevoir
un nouveau système (des études dans les années 80 et 90 avaient été réalisées
mais ont été abandonnées depuis). Cela ferait alors d’Ariane un système de
lancement totalement polyvalent.
Si
je n’avais pas eu une mauvaise acuité visuelle, j’aurais sans doute tout fait
pour devenir astronaute (ou au moins pilote) ! Peut-être pourrais-je un
jour bénéficier d’une démocratisation des vols spatiaux
"touristiques" ? D’ici une quarantaine d’années, qui sait ?
Dans l’immédiat, j’aimerais beaucoup assister à un lancement de fusée ou de
navette, en Guyane, en Russie ou en Floride : il paraît que c’est un
spectacle magnifique…
Sinon,
je suis toujours enthousiasmé de voir l’homme repousser les limites de
l’exploration spatiale. Les déclarations de la NASA au sujet d'un retour à la
Lune et une expédition vers Mars sont pour cela très intéressantes, même si son
administrateur Michael Griffin a récemment tempéré cet enthousiasme en
signalant que l'agence n’aurait
probablement pas les moyens financiers pour accomplir ces ambitieux programmes
ans les délais prévus…
Je
suis par ailleurs persuadé que l’un des bénéfices non "quantifiables"
du spatial reste sa capacité à faire rêver les gens. C’est sans doute cela que
les politiques européens n’ont pas encore compris…
Bien
évidemment, à l’époque du vol de Youri Gagarine, je n’étais pas né. Je ne crois
pas qu’aujourd’hui beaucoup de personnes feraient ce qu’il a accepté de faire
en 1961 : les risques étaient vraiment considérables. Ce courage, digne
d'un héros des temps modernes, est vraiment exemplaire et devrait nous inciter,
aujourd’hui encore, à aller de l’avant, qu’il s’agisse de défis techniques ou
d’aventures humaines !
Que représente pour vous la station Mir ?
La
Russie disposait, avec la station Mir, d’un outil formidable pour occuper
l’espace. N’oublions pas que plusieurs Français et Européens ont aussi volé à
bord de Mir : grâce à la coopération franco (et européenne)-russe, la France
et plusieurs autres pays européens ont ainsi pu s’imposer comme nations
capables de former et de faire participer ses propres spationautes à un
programme spatial. Il est juste dommage qu’après les incidents à répétition à
bord de Mir, la fin de la station (dont la durée de vie avait été beaucoup
augmentée) a quelque peu été ternie : pour certains, son crash dans la mer
était presque un soulagement ! Il est triste de voir qu’un outil aussi
perfectionné ait pu passer à leurs yeux pour une "poubelle" de
l’espace, faute de moyens. Heureusement, la relève est depuis assurée par
l’ISS, même si la NASA fait souffler le chaud et le froid sur son avenir…
Merci, Stephen Bail !
La semaine
prochaine (lundi 28 novembre 2005) : Jacques Arnould