LES INVITES DU COSMOPIF |
L'invité n°136 (lundi 18 décembre 2006)
Qui
êtes-vous, Thomas August ?
Je suis un humain de la Terre, né
en 1974 (après J.-C. !). La plupart de mes congénères m'appellent Thomas
mais deux petits spécimens de 1 et 6 ans m'appellent aussi
papa ! Je vis en Allemagne avec leur maman, mon épouse. Je suis
consultant, spécialisé dans la recherche et le développement en télédétection
scientifique.
Un
peu de tout à l'école pour commencer puis un peu plus de Maths et de Sciences
(bac C) pour entamer le gâteau de la physique fondamentale à l'Université
d'Orsay et savourer un DEA de planétologie à Toulouse en 1997. Tout cela était
motivé par l'astronomie évidemment et par la question de nos origines, entre
exobiologie et Big Bang. J'ai, entre autres, eu la chance de manipuler les
premières images de SOHO à l'Institut d'Astrophysique Spatiale à Orsay, d'organiser
en base de données les sources galactiques infrarouge enregistrées par ISO à
l'Institut d'Astrophysique de Paris et de travailler sur Saturne à Bordeaux.
Parallèlement, j'ai cultivé et exercé mon goût pour la culture scientifique au
sein du réseau Sciences Techniques Jeunesse (l'ancêtre de Planète Sciences)
et à la Cité de l'Espace de Toulouse.
Thomas August devant la maquette de Metop exposée dans les
jardin d'Eumetsat, à Darmstadt
Je
suis plutôt polycurieux que mono-passionné mais, en ce qui concerne
l'astronomie, je crois que tout a commencé avec un fossile trouvé vers l'âge de
6 ans. Des pourquoi-comment-ce-qu'il-y-avait-avant-nous-sur-Terre, je suis
naturellement arrivé à la question de son origine, non sans avoir englouti au
passage plusieurs troupeaux de dinosaures au jardin des plantes ou au Muséum
d'histoire naturelle et dévoré les récits fascinants d'Yves Coppens ainsi que
du Professeur Grassé répondant à la petite Claire ("Claire interroge le
Professeur Grassé", éditions La Farandole). Cela m'a amené à quitter la
Terre et mes interrogations ne cessent de voguer entre deux horizons
inter-galactiques depuis presque vingt ans maintenant. J'ai vécu cette passion
sur mon balcon de la région parisienne avec un 115/900 et un OM-1 argentique, à
l'ANSTJ ensuite en tant que colon puis animateur, directeur et formateur. J'y
ai certainement aussi gagné au passage la passion de transmettre.
Pour
l'instant, l'astronome en moi est en sommeil mais je suis avec attention les
derniers développements technologiques : CCD, webcam astro, etc. semblent
très prometteurs. Je viens de remettre sur pied un Meade 200 et pourrais bien
repartir bientôt à la chasse aux photons de nuit...
Le
"Wwwwwoooooouuuuuuuaaaaaaaaaaaahhhhhh !" des 8-12 ans
découvrant Saturne pour la première fois ! C'était à Roussillon-en-Morvan
en 1993, lors de mon premier séjour avec l'ANSTJ en tant qu'animateur. Le ciel
avait été couvert tout le mois et nous n'avions pas pu observer du tout, les
instruments étaient rangés, nous étions la veille du départ. C'est alors que
les nuages se sont écartés pour nous laisser entrevoir Saturne une demi-heure,
pas plus. Ce fut suffisant pour remonter une lunette en quatrième vitesse et
faire défiler les enfants derrière l'oculaire, 20 secondes chacun, montre
en main !!! Voir la planète flotter au milieu de ses anneaux posés nulle
part est un spectacle incroyable qui, je trouve, aide à concevoir la place de
la Terre dans l'espace (et peut-être aussi rendre l'homme plus humble). Lire
cet émerveillement sur le visage des enfants fut et reste pour moi un spectacle
au moins aussi grandiose.
Ah, difficile d'en retenir une seule ! Je
pense d'abord à une photo de la comète Hale-Bopp prise par un participant du
séjour 13/15 ans de Saint-Agnan-en-Vercors en avril 97, parce qu'elle
montre que, si l'on peut s'émerveiller des images obtenues avec les grands
instruments, on peut aussi être soi-même spectateur-acteur des tableaux
célestes.
Je choisis ensuite ces deux vues de la Terre
prises par des satellites météorologiques géostationnaires. Notre planète est ronde,
c'est difficile d'en douter maintenant, et ces photos offrent un changement de
point de vue qui aide à garder les pieds sur Terre... On se doit de le partager
avec le plus grand nombre pour relativiser les problèmes que l'homme se crée à
sa surface et l'inciter à la préserver, elle est si belle.
Ces acquisitions ont été faites à 5 ans
d'intervalle (les jours de naissance de mes filles) et illustrent aussi
l'impact de l'homme sur son environnement. On y voit la progression du
pharaonique projet Tochka ou encore cette deuxième vallée du Nil que les
Egyptiens creusent artificiellement entre Abou Simbel et la Méditerranée.
Comparez les photos avec une carte d'atlas de l'Egypte, vous serez
surpris !!!
Photos composite de la Terre
d'après les images de Meteosat 7 le 9 juillet 2000 et MSG 1 le
10 juin 2005
J'aurais
pu retenir Spoutnik et son bip, parce que le premier, le canon de Jules Verne
ou le "Cœur en or" de Douglas Adams, parce que le rêve est moteur de
découvertes. En petit clin d'œil à Léo, voici finalement Metop, issu du
programme LEO (pour Low Earth Orbit) d'Eumetsat (l'organisation européenne pour
l'exploitation des satellites météorologiques) et dont le premier exemplaire a
été lancé le 19 octobre dernier avec une dizaine d'instruments à son bord.
Ceci en fait un satellite d'une complexité comparable à celle d'Envisat. Placé
sur orbite polaire aux côtés de satellites américains, il contribue à un
programme opérationnel commun Europe-Etats-Unis.
Je rêverais de prendre un bain de Soleil, allongé sur les bords de la Mer de la Sérénité.
Gagarine
nous a fait ce merveilleux cadeau, celui de nous ouvrir la porte.
Habituellement, lorsque l'on invite des gens, on a plutôt tendance à leur
ouvrir la porte vers l'intérieur, pour les recevoir chez soi. Lui nous invite à
sortir de chez nous et nous offre l'espace pour cela. C'est ainsi que je vis sa
performance, comme une incitation à nous ouvrir vers l'extérieur, à toujours
considérer de nouveaux horizons et du coup de nouvelles perspectives pour
apprécier le monde, notre place et pourquoi pas notre rôle...
Mir,
c'est la poignée de mains entre Américains et Soviétiques... pour ces quelques
secondes où l'humanité cesse de se déchirer et cherche à bâtir ensemble. La
route est longue et sinueuse, puissent de nombreuses stations internationales
lui succéder.
Merci, Thomas August !
Interview réalisée par mail en juin et novembre 2006
La semaine
prochaine (lundi 25 décembre 2006) : Yves Monier