LES INVITES DU COSMOPIF |
L'invité n°92 (lundi 28 novembre 2005)
www.cnes.fr
Qui
êtes-vous, Jacques Arnould ?
Je suis un Lorrain, né en 1961, un mois avant le vol de Gagarine. De la paille dans mes sabots et un grand-père pharmacien mais, à mes yeux d’enfant, un peu sorcier. Aujourd’hui, frère dominicain, autrement dit héritier de quelques inquisiteurs (vous avez vu "Le Nom de la Rose"), mais aussi de types merveilleux : le peintre Fra Angelico, le savant Albert le Grand, le politique Lacordaire et tant d’autres.
De
ce qui précède, vous pourrez éventuellement imaginer ou déduire : un
passage dans le domaine de la biologie, de l’agronomie et de la forêt (les
pluies acides, vous vous en souvenez ?) ; puis une formation en
théologie (pour mieux traquer les hérétiques !) ; enfin, un intérêt
pour les questions autour du thème "Science, société, religion". Je
fréquente alors les laboratoires travaillant sur l’évolution du vivant,
rencontre Chris McKay le type de la Nasa qui travaille sur Mars et la
terraformation. Et c’est la découverte du spatial avec, pour autres parrains et
soutiens, Jean-Daniel Lévy et Gérard Brachet, tous les deux directeurs généraux
du CNES. L’éthique s’en mêle et je me lance dans ce domaine encore très peu
exploré qu’est l’éthique spatiale. Si vous voulez en savoir davantage, allez
voir le livre que nous avons publié : "La seconde chance d’Icare".
Car, et j’en aurai fini avec mon parcours professionnel, j’écris. Pire, je le
confesse, j’aime écrire !
Je n'ai pas eu, dès l'enfance, une
passion pour l'espace ; je n'ai jamais rêvé d'être astronaute par exemple.
Mais aujourd'hui, j'ai découvert un milieu extraordinaire qui m’a ouvert des
horizons évidemment… cosmiques et surtout fait rencontrer des gens passionnés,
non seulement dans le domaine des
sciences et des techniques, mais aussi du droit, de l’industrie, de l’art, etc.
Le poste que j’occupe me permet de croiser tous ces domaines, d’en apprendre
beaucoup, d’y apporter une petite contribution. Car une question habite
l’essentiel de mon travail : et l’homme dans tout ça ? La réponse est
remise en chantier tous les matins, quand je monte l’escalier devant le siège
du CNES.
21 octobre 2001 : je suis près du pas de tir de Soyouz, à Baïkonour. Claudie Haigneré est prête à rejoindre la station internationale. Le compte à rebours approche de son terme. Jean-Pierre Haigneré me fait signe de le rejoindre. Nous venons, Jean-Pierre et moi, de signer ensemble un livre sur sa précédente mission, "Chevaucheur des nuées". Je le sens, je le sais nerveux, et pour cause. Il se calme en scrutant sa montre. Nous ne disons rien. Le Soyouz décolle, emportant Claudie et l’ours de leur fille Carla. Plus besoin de se demander où est l’humain, dans tout cela…
Claudie Haigneré et ses compagnons d'équipage de la mission
Andromède,
Victor Afanassiev (en haut) et Constantin Koseïev avant le
décollage de leur fusée Soyouz
Les missions Apollo
nous ont ramené de nombreuses photos de la Terre au-dessus de l'horizon
lunaire. J’ai choisie celle-ci en souvenir de la nuit de Noël 1968. Les
astronautes d’Apollo 8 tournent autour de la Lune, pour la première fois
dans l’histoire de l’humanité. Ils ouvrent la Bible et lisent le premier
chapitre : "Au commencement, Dieu créa la terre et le ciel…"
Croyants ou non, comment rester insensible à un tel événement !
Le premier "clair de Terre" immortalisé par
l'équipage d'Apollo 8 en décembre 1968
Ce
n’est pas un objet spatial mais un montage photographique ; je l’appelle
"ETIcone". Histoire de laisser ouverte la question d’autres vies,
d’autres intelligences ailleurs que sur Terre et même de saintetés, de sagesses
extraterrestres. L’humanité s’est bâtie autour de la question de l’autre
(revisionnez "2001 : l’odyssée de l’espace"), ne l’oublions
jamais. Pour autant, notre Terre est encore pleine d’"autres" !
Allez,
je me lâche… Faire comme le jésuite Teilhard de Chardin qui avait accompagné la
Croisière Jaune au début des années 1930, sur des autochenilles Citroën, et
avait célébré la messe en plein désert chinois. Alors, pour moi, accompagner une
expédition spatiale et célébrer la messe sur la Lune, Mars ou ailleurs. Désolé
mais puisque vous posez la question à un curé !
Je
viens d’écrire une lettre à Gagarine ; peut-être que vous aurez l’occasion
de la publier ? Je n’en dis pas plus, sinon que son sourire reste
extraordinaire !
Merci, Jacques Arnould !
La semaine prochaine (lundi
5 décembre 2005) : Claude Domenech