LES INVITES DU COSMOPIF |
L'invit� n�96 (lundi 2 janvier 2006)
265e sujet
de l'espace, 167e astronaute am�ricain
www.nasa.gov
William F.
Readdy est n� le 24 janvier 1952 � Quonset Point (Rhode Island)
mais consid�re McLean, (Virginie) comme sa patrie. Dipl�m� de l'Acad�mie navale
d'Annapolis comme pilote et ing�nieur a�rospatial en 1974, il suit un
entra�nement sur A-6 �Intruder� dans l'escadrille Oceana en Virginie avant de
rejoindre, entre 1976 et 1980 l'escadron d'attaque 85 sur le porte-avions USS
Forrestal, d�ploy� en Atlantique Nord et en M�diterran�e. Devenu pilote
d'essais en 1980 apr�s une formation � l'�cole des pilotes d'essais de
l'A�ronavale, il participe aux essais de plusieurs projets d'avions, est
instructeur de pilotes d'essais et est bas� en 1984 sur le porte-avions USS
Coral Sea, d�ploy� dans les Cara�bes et en M�diterran�e.
Bill Readdy rejoint le centre spatial Johnson de la NASA en
octobre 1986 comme pilote-chercheur de la base d'Ellington Field, � Houston
(Texas). Il est le responsable du programme de modification du Boeing 747
transporteur de la navette apr�s l'accident de Challenger.
Il est
s�lectionn� comme astronaute en 1987 et effectue 3 vols spatiaux entre
1992 et 1996 : STS-42/Discovery (22-30 janvier 1992), en tant que
Mission Specialist ; STS-51/Discovery (12-22 septembre 1993), en tant
que pilote ; STS-79/Atlantis (16-26 septembre 1996), en tant que
commandant de bord. Au total, Bill Readdy cumule plus de 672 heures dans
l'espace.
Parall�lement
� ses missions spatiales, Bill Readdy
remplit une multitude de missions de soutien : officier d'entra�nement,
officier de la s�curit�, chef de la branche du d�veloppement des op�rations,
directeur des op�rations pour la NASA � la Cit� des �toiles en Russie, membre
de la commission Stafford d'�valuation des missions
Mir-Navette et du programme ISS et premier manager du d�veloppement du
programme de la navette, en charge de son �volution. Au si�ge de la NASA �
Washington, Bill Readdy a �t� administrateur associ�, responsable des
op�rations spatiales couvrant les centres Kennedy, Johnson, Marshall et Stennis
mais �galement de la programmatique de la station spatiale internationale, de
la navette, des communications spatiales et des lanceurs. Apr�s l'accident de
Columbia en 2001, il a pr�sid� la commission charg�e du retour en vol de la
navette. Limog� par le nouvel administrateur de la NASA Michael Griffin,
il dirige depuis septembre 2005 la soci�t� Discovery Partners International,
sp�cialis�e dans le conseil pour l'industrie a�rospatiale (www.discovery-partners.com).
Bill Readdy annon�ant l'accident
de la navette Columbia le 1er f�vrier 2001
Officier
de r�serve de l'A�ronavale entre 1986 et 2000, Bill Readdy continue son travail de pilote instructeur
et de commandant d'unit�. Il cumule ainsi 7 000 heures de vol sur
plus de 60 avions et h�licopt�res et plus de 550 atterrissages
d'avions de transport.
Bill
Readdy est amateur de vol, de voile, de sports de raquette et de lecture.
Mari�, il est p�re de 3 enfants.
4 questions � Bill Readdy
Quel serait le souvenir que
vous retiendriez de vos 3 vols spatiaux ?
Il y en a tellement ! Chaque souvenir reste
exceptionnel ; c�est tout simplement impossible de n�en choisir qu'un. Il
y a tant de sensations compl�tement diff�rentes, des sensations qui s�opposent,
qui s�affrontent. C�est tr�s difficile � d�crire et � hi�rarchiser.
Par exemple, le contraste �norme
entre la fin de la phase propuls�e (durant laquelle vous �tes propuls� �
3 g sur votre si�ge) et le passage � z�ro g apr�s l'arr�t du moteur
principal. Presque instantan�ment, vous n�avez plus de poids�
D�part de
la mission STS-42
Dans la derni�re minute de phase
propuls�e, il devient tr�s difficile de respirer parce qu�il faut gonfler la
poitrine dans votre combinaison pressuris�e. Il faut forcer les poumons �
gonfler pour aspirer une bouff�e d�air, ce n�est vraiment pas �vident. Ce n�est
pas une torture mais c�est extr�mement p�nible.
Puis on passe de cette sensation
o� l�on est v�ritablement scotch� � son si�ge � un �tat o� tout flotte :
les check lists au bout de leur ficelle, des petites particules de poussi�res,
nos bras parce qu�il n�y a rien pour les maintenir en bas. C�est alors qu�on
r�alise qu�il n�y a plus rien entre nous et le Soleil. C�est vide. Et lorsque
le Soleil surgit � travers le hublot, il est brillant � vous aveugler.
Bill Readdy
au hublot de la navette lors de la mission STS-79
Vous y �tes : vous venez
d'arriver sur orbite, tout flotte, vous apercevez le Soleil � travers le hublot
et la chose suivante que vous d�couvrez, c�est la Terre. Et vous avez la
sensation, ce contraste de sensations, d�absence de poids et de vision de la
Terre. C�est exactement comme regarder un globe, sauf que c�est bien plus beau.
Vous reconnaissez instantan�ment des choses au sol. Il a la lumi�re du Soleil,
il y a des ombres, les diff�rentes nuances sur les couleurs de l�oc�an et tout
le reste.
Mais ce qui est vraiment frappant,
lorsque vous regardez le bord de la Terre, c'est cette petite enveloppe qui est
en fait l�atmosph�re. A peine 35-40 km d'�paisseur alors que vous vous
situez � 400 km du sol. Ainsi, vous vous rendez compte que c�est tr�s fin
et que ce n�est pas bleu. C�est translucide. Presque transparent. Comme quand
on regarde au travers d�un verre d�eau, le m�nisque sur le bord du verre. C�est
tr�s fin.
Puis vous d�couvrez un
lever de soleil et un coucher de Soleil toutes les 40 minutes. Le Soleil
se l�ve et se couche comme un ascenseur. Il n�y a rien de vraiment graduel, ce
n�est pas majestueux comme sur cette plan�te o� il y a de subtiles changement
de teintes. Le passage au noir absolu est tr�s rapide. Vous voyez alors mille
fois plus d��toiles que sur Terre et elles brillent comme des n�ons. Vous
pouvez presque lire � la lueur des �toiles, c�est tellement brillant. La Lune
enfin vous appara�t tellement petite, compar�e � la Terre. Vous la voyez
�galement se lever et se coucher toutes les 45 minutes. C�est tr�s
int�ressant.
Je me souviens aussi des aurores. On ne se contente pas d�observer ces ph�nom�nes � distance : on vole au travers ! Ils sont comme dans des rideaux, comme une ondulation qui va et vient. C�est r�ellement en mouvement mais pas seulement comme un ruban. Ca serpente d�avant en arri�re et �a ondule aussi verticalement. Ca monte � une altitude bien sup�rieure que celle o� l�on vole et, du coup, on la traverse. C�est une sensation incroyable.
Aurore photographi�e depuis
une navette (couch�e sur le "dos", d�rive vers la Terre)
Et je me rappelle l'amarrage avec la station spatiale russe Mir en 1996. C'�tait vraiment sp�cial, d'autant plus que notre amie Shannon Lucid se trouvait de l�autre c�t� de l��coutille, � nous attendre apr�s un s�jour de 6 mois. On pouvait l�entendre rire � travers l��coutille ! Bien entendu, il n�y a pas d�air dans l�espace et donc rien ne peut transporter les ondes sonores. Mais aussit�t les vaisseaux amarr�s, quand la cavit� qui s�pare les deux vaisseaux est remplie d'air, on peut entendre les voix d�un c�t� et de l�autre de l'�coutille. Shannon �tait extr�mement contente de nous voir et cela s'entendait parfaitement.
Approche de
la station Mir lors de la mission STS-79
Le retour est �galement tr�s impressionnant. Cela ne vous a
pris que 510 secondes pour arriver sur orbite, �a vous prend une heure
pour revenir, 20 000 km en une heure. Alors que vous tombez � travers
l�atmosph�re, vous vous sentez tr�s lourd, d'autant plus que vous avez v�cu en
micropesanteur durant plus de deux semaines. Vous pensez subir une
acc�l�ration de 4 ou 5 G alors qu'elle est en fait � peine de 2 G.
Et quand finalement vous vous posez sur la piste,
deux �motions se succ�dent. La premi�re, c�est l�euphorie due au fait que
tout s�est bien d�roul� et que vous �tes de retour sur la terre ferme. Mais
l'�motion suivante, quand les roues de la navette s�arr�tent, c�est que tout
est fini : vous voila revenu au point de d�part et vous ne savez pas si
vous revolerez jamais dans l�espace�
Je me souviens ainsi du retour de ma mission en tant que
commandant de la navette Atlantis en 1996. J��tais assis l�, dans ma
combinaison pressuris�e. Les techniciens s'activaient d�j� autour de nous et
nous faisaient sortir de la navette, en particulier Pam Noah qui �tait
candidate astronaute et s'occupait de l'�quipage au d�part et au retour de la
mission. Elle faisait tr�s consciencieusement son travail en nous poussant
dehors : �Sortez de l�orbiteur, comme �a vous pourrez �ter votre
combinaison, allez-y, sortez�. Mais je restais assis l�. Elle remuait tout et
rangeait les choses. Elle voulait s'occuper de mon casque et je lui ai dit
�Assieds-toi. Il y a quelques minutes � peine, Atlantis �tait dans l�espace. Il
faut profiter de cette exp�rience. Tu sais, je n'occuperai peut-�tre plus
jamais ce si�ge de ma vie. Alors je vais rester assis ici un petit peu, je vais
profiter de ce moment, sans me pr�cipiter dehors.� Et on a parl� un peu de la
mission.
R�p�tition
du compte � rebours de la mission STS-79 en 196
Pour l'anecdote, c'est Pam Noah qui nous avait sangl�s avant
qu�on ne d�colle. Juste avant le d�part, nous lui avions pris l��tiquette avec
son nom qu�elle portait sur sa combinaison et l'avons embarqu� avec nous. Quand
nous lui avons rendu, elle avait parcouru 6,5 millions de kilom�tres
autour de la Terre. Oui, chaque vol a son lot d�exp�riences, d��motions et
d'anecdotes de ce type.
Lorsque vous �tes entr�s
ici, avez-vous aper�u la grande photographie sur le mur dans l'entr�e ?
C�est la c�l�bre image de la Terre vue depuis l'orbite lunaire prise par Bill
Anderson lors de la mission Apollo 8, en 1968. Vous avez remarqu� que, sur
ce mur, elle orient�e diff�remment que d'habitude. Dans les magazines en effet,
elle est toujours pr�sent�e avec le bord de la Lune comme l�horizon et l�Europe
au-dessus de l�horizon. Mais ce n�est pas comme cela dans l�Univers.
La bonne orientation est
bien celle que vous venez de voir. La photo a �t� prise en d�cembre, � quelques
jours du solstice d�hiver ; la Terre est donc inclin�e de 23,5 degr�s
et l�h�misph�re Sud est le plus �clair�.
Bill Anderson expliquait
qu'Apollo 8 �tait orient� selon l�horizon local que constituait la Lune.
Ainsi, quand le vaisseau est pass� du c�t� sombre de la Lune et que la Terre
s'est lev�e, l'�quipage s'est retrouv� incapable de s'orienter pendant un
moment, incapable de se repr�senter ce qu�il �tait en train de voir. Ca n�avait
aucun sens pour lui. Tout d�abord, c��tait un croissant de Terre au lieu de la
Terre compl�te et personne n��tait pas familier avec cette partie de la Terre.
Soudain tout a pris du sens lorsque Bill Anderson a pench� la t�te : c�est
l�Antarctique, c�est l�h�misph�re Sud ! Tout est instantan�ment revenu
dans l�ordre. Plus tard, il a affich� cette photo chez lui dans le bon sens.
C�est l�une de mes photos
favorites parce qu�elle est tr�s profonde, parce qu'elle rappelle notre place
dans l�Univers et parce qu'elle �voque �galement la Lune, qui est notre
prochaine destination. La Lune est notre banlieue proche et le Syst�me solaire
devrait �tre notre banlieue proche. Nous devrons pouvoir naviguer en toute
libert� dans cet espace, comme nous le faisons en M�diterran�e.
Comment choisir son objet spatial
pr�f�r� ? C�est comme choisir son avion favori : si vous avez pilot�
un certain nombre d�avions, ils sont tous votre favori. J'ai vol� trois fois avec
la navette mais il se trouve que la navette, c�est simplement le v�hicule dans
lequel on vole pour l�instant. Par le pass�, ce fut Apollo et la fus�e Saturn.
Avant cela, il y a eu Gemini et la fus�e Titan. Et avant encore, il y a eu
Mercury-Redstone et Mercury-Atlas. Si vous parlez aux Sovi�tiques, �a a �t�
S�miorka, la S�miorka, la S�miorka. Il y a eu les Vostok, les Voskhod et
ensuite Soyouz, Soyouz, Soyouz. Mais c'est la mission qui est finalement le
plus important. La mission, c�est l�exploration spatiale.
La navette est aujourd'hui d'une
une conception plut�t ancienne, on devrait aller de l�avant. Je vais vous faire
une analogie : quand j��tais dans la Navy, j�ai vol� sur le A4
"Skyhawk". C��tait un avion magnifique � l��poque mais, aujourd�hui,
je pr�f�rerai plut�t voler sur un F18 "Hornet" moi aussi ! Et
pourtant, �a reste des avions de chasse. C�est donc la mission qui prime et non
le mat�riel. Vous utilisez du mat�riel pour accomplir une mission et c�est le
meilleur mat�riel qui permet d�accomplir la mission au mieux.
McDonnel-Douglas
A4 "Skyhawk" et F18 "Hornet"
J�aimerais marcher sur la Lune.
J'ai toujours voulu marcher sur la Lune. Je voulais marcher sur la Lune avant,
je veux encore marcher sur la Lune maintenant ! J�aimerais au moins voir
mes enfants le faire.
Merci, Bill Readdy !
Interview
r�alis�e � Washington le 18 mai 2005, retranscrite par Allard Beutel et
traduite par Christophe
Scicluna et Pif.
Retrouvez
le reste de l'entretien dans le num�ro 15 d'ESPACE Magazine (juillet-ao�t 2005).
Rencontre �
l'International Space Camp en juillet 2004
Le drapeau
tricolore du fond n'est pas le drapeau fran�ais mais le drapeau texan�
Rencontre
au si�ge de la NASA en mai 2005 en compagnie de Laurent Aznar
et de Catherine Lari
La semaine prochaine (lundi
9 janvier 2006) : �Nathalie
Douillard