LES INVITES DU COSMOPIF

 

L'invit� n�130 (lundi 6 novembre 2006)

 

Michel Fournier

Parachutiste

www.legrandsaut.org

 

 

   

 

 

Qui �tes-vous, Michel Fournier ?

Je suis n� le 4 mai 1944 � Treban dans l�Allier. Ancien officier parachutiste, je pr�pare depuis 14 ans une tentative de record du monde de saut en parachute : le Grand Saut, effectu� depuis un ballon � 40 000 m�tres d'altitude.

Le Grand Saut, c'est le projet d�une �quipe de plus de 50 personnes, assist�e et soutenue par de tr�s nombreux centres de recherche et 45 entreprises. Tous passionn�s par la grande aventure et le challenge d'un record du monde, d�vou�s, volontaires et b�n�voles, ils m�entourent, me choient et m�apportent la technicit�, le soutien moral et financier. Sans compter les soutiens de nombreuses personnalit�s, d�astronautes, de scientifiques, professeurs ou ing�nieurs, techniciens, m�decins, etc. dans le monde entier.

Malheureusement, mon meilleur ami feu Marcel Jullian m�a abandonn�, il est parti avant la r�alisation du projet. C��tait un �tre passionn� de l�air, un litt�raire, un grand homme de la science et des lettres qui a �crit entre autre Les Hommes de l�Air puis Les M�moires du G�n�ral de Gaulle.

J'ai comme parrain pour ce projet Jean-Fran�ois Clervoy, qui m�apporte un soutien et une aide sans limite. Je b�n�ficie �galement de l�assistance technique de notre tr�s c�l�bre pilote d�essais Andr� Turcat, directeur des essais � Sud Aviation puis Aerospatiale et en particulier des essais en vol du Concorde, qui nous fait partager chaque jour ses connaissances et son exp�rience des vols.

 

 

Michel Fournier au Canada en 2002 entour� d'Andr� Turcat (� gauche) et de Jean-Fran�ois Clervoy

Photo Gamma

 

 

Le Grand Saut est v�ritablement une grande famille r�unie autour du projet pour gagner ce merveilleux challenge et participer � la conqu�te spatiale. Je ne peux pas parler de chacun d�entre eux, ce serait trop long, il me faudrait une centaine de pages. Sachez que ce sont toutes des personnes merveilleuses, passionn�es et des aventuriers de la science qui oeuvrent pour une grande avanc�e technologique et spatiale. C�est aussi leur passion.

 

   

 

 

Quel a �t� votre parcours professionnel ?

Fils d�une modeste famille de paysans du centre de la France, j�ai quitt� l��cole primaire avant la fin de ma scolarit� pour aller travailler comme ouvrier agricole. Tr�s vite engag� en Afrique du Nord, j�ai eu la chance de rencontrer un colonel du m�me pays que moi. Il m�a fait prendre des cours pour combler mes lacunes et fait passer mon certificat d��tudes primaires. Ensuite, il m�a envoy� suivre le peloton d��l�ves caporaux puis celui d��l�ves sous-officiers. C��tait le d�but d�un cursus volontaire et atypique qui m�a amen� � la premi�re partie du Baccalaur�at, � l�Ecole d�Officiers puis l�Ecole d�Etat-Major. J�ai quitt� le service actif le 4 septembre 1992 avec le grade de lieutenant-colonel pour ne me consacrer qu�� mon projet de Grand Saut.

 

 

Quelle est votre passion, comment est-elle n�e, comment la vivez-vous ?

Je pense que je suis n� "la t�te dans les �toiles" avec cette passion, l�attrait de l�air et de l�espace, l�envie de voler, d�aller voir ce qu�il avait l�-haut, de sauter en parachute, le vieux r�ve de l�homme : voler. J�ai suivi les balbutiements de la conqu�te spatiale jusqu�au premier vol humain dans l�espace de Youri Gagarine et, maintenant, la grande marche vers Mars. Tout petit d�j�, j�observais les avions dans le ciel. J�ai toujours en m�moire la vue du premier avion � r�action allemand, le Messerschmitt 262. Le soir, je me couchais dans l�herbe sur le dos et je regardais les �toiles pendant des heures. Je conservais tous les documents sur l�aviation, le parachutisme et la conqu�te spatiale. Aujourd�hui, je poss�de une documentation assez rare, tels l�un des premiers num�ros des Hommes Volants ou le num�ro sp�cial de Science et Vie : "Faut-il avoir peur des Spoutniks ?".

 

 

Le chasseur � r�action Messerschmitt 262,

l'une des plus extraordinaires r�alisations techniques allemandes de la Seconde Guerre mondiale

 

 

L�Arm�e m�a fait assouvir ma passion a�ronautique. J�y ai fait ma premi�re travers�e en bateau pour aller en Afrique du Nord. J�y ai fait mon bapt�me de l�air en h�licopt�re au-dessus de l�Atlas (il s�appelait "La Banane"). J'y ai fait mon premier vol en avion  (le Nord Atlas 2501) et mon premier saut en parachute en automatique � Blida, dans la plaine de la Mitidja.

Mon premier saut fut un immense moment de bonheur et de joie. J�ai eu la chance d��tre � la porte gauche. Apr�s le d�collage de la base de Blida, l�avion s�est ax� parall�lement � l�Atlas : "Debout, accrochez !" J��tais debout les deux mains sur les montants de la porte, face au vide et contemplais la cha�ne de l�Atlas. Mon c�ur battait presque la chamade tellement j�ai v�cu intens�ment ce moment. Klaxon, feu vert, je n�ai pas h�sit� un seul instant : j�ai saut�. Un silence de mort s'est ensuivi, suspendu � la corolle kaki de mon parachute. Quel contraste avec le bruit abasourdissant de l�avion qui vibre, qui crache et p�tarade pour s�arracher de l�attraction terrestre ! Suspendu � mon p�pin, j��carquillais les yeux, tous mes sens d�ploy�s pour ne rien perdre de ce merveilleux moment. H�las ! Toutes les bonnes choses ont une fin et le sol arrive tr�s, tr�s vite. Je serais bien rest� plus longtemps dans les airs. Fesse gauche, �paule droite, c�est le roul�-boul� pour amortir la chute. Je me suis relev� combl� par cet immense moment de bonheur. Je venais de r�aliser mon r�ve et regardais le Nord qui faisait son deuxi�me passage. Quelle satisfaction !

 

 

Michel Fournier dans son �l�ment

Photo Gamma

 

 

Quelle anecdote ou souvenir fort souhaiteriez-vous nous faire partager ?

J�ai trois souvenirs grav�s � tout jamais dans mon esprit.

 

Le premier, je devais avoir dans les 5 ans, mes parents �taient all�s � Moulins faire des courses en voiture, je me souviens une Matis. Au retour en traversant le pont R�gemorte, un h�licopt�re se posait sur une berge de l�Allier. Je demandais � mon papa : "Qu�est-ce que c�est cet engin ?" Il me r�pondit que c��tait un h�licopt�re et qu�on allait le voir. Il demanda au pilote si je pouvais m�approcher de l�h�licopt�re. Je m�approchais timidement de cette myst�rieuse machine. Le pilote vint vers moi et commen�a � me donner des explications techniques trop compliqu�es pour moi. Il me fit asseoir dans le cockpit � la place du pilote. Mes yeux n��taient pas assez grands pour tout voir, tout enregistrer, je pensais queplus tard je ne pourrai �tre que pilote. J�ai d� attendre l�Alg�rie pour faire mon premier vol en h�licopt�re.

 

Le deuxi�me, racont� pr�c�demment, fut mon premier saut en parachute.

 

Le troisi�me fut la s�lection pour le projet "S38" dans le cadre du programme europ�en Hermes-Colombus. Nous �tions 68 candidats, astronautes, pilotes, parachutistes et autres� Nous avons pass� les tests physiques de pilote d�essais, parachutiste d�essais puis d�astronaute au Centre Principal d�Expertise M�dicale du Personnel Navigant de Balard, au Centre d�Etudes et de Recherches Psychologiques � Saint-Cyr-l�Ecole et au Laboratoire de M�decine A�rospatiale du Centre d�Essais en Vol de Br�tigny-sur-Orge. A l�issue de cette batterie de tests, nous ne restions que 25 candidats puis 5 candidats potentiels. On se voyait d�j� tous astronaute un jour. Nous avions d�j� la t�te dans les �toiles. Jean-Fran�ois Clervoy faisait partie de ces candidats. Il avait d�j� vol� et nous faisait vivre sa passion, nous �tions sur notre petit nuage. Et puis, � la parution de l�article du Canard Encha�n� "L�arm�e s�envoie en l�air pour 33 millions de francs", ce fut le glas de ce merveilleux projet de sauvetage d�astronautes en difficult� dans une phase critique du vol. Ce projet �tait tellement fabuleux que j�ai quitt� le service actif, vendu tous mes biens pour le reprendre � mon compte.

Apr�s 15 ann�es de gal�re, le projet est pr�t. Son budget est de 1 500 000 � ; aucun financement public, que des financements priv�s. Tous les �quipements sont r�alis�s et ont �t� test�s en condition. J�ai les autorisations des autorit�s canadiennes pour effectuer le saut dans les grandes plaines de la Saskatchewan. Il ne me manque que 100 000 � pour le r�aliser�

 

 

 

Quelle serait votre photo spatiale ou astronomique pr�f�r�e et pourquoi ?

Bien �videmment, la photo spatiale que je pr�f�re, apr�s celle de Jean-Fran�ois Clervoy, c�est celle de Youri Gagarine dans son Vostok.

 

   

 

Mais je pense �galement � la vision fin ao�t 2003 d�une aurore bor�ale � North Battleford, dans les grandes plaines de la Saskatchewan. C�est tellement grandiose, tellement irr�el, tellement sublime que les qualificatifs pour la d�crire sont trop faibles pour nous, petits Terriens : "Dieu est Grand" !

 

 

Aurore photographi�e par Danny Ponomar lors de la Saskatchewan Star Party 2004

 

 

De la m�me mani�re, quel objet spatial retiendriez-vous ?

Je choisis sans aucun doute le premier Spoutnik. Le premier bip-bip autour de la Terre, tel le road runner !

 

   

 

Maquette de Spoutnik 1 expos�e au Mus�e de l'Air et de l'Espace

Photo Pif

 

 

Quel serait votre r�ve spatial le plus fou ?

J'aimerais gagner au Loto pour m�offrir un vol spatial et aller vivre quelques jours � bord de la station spatiale internationale puis revenir "� pied de l�espace", afin de concr�tiser le m�me r�ve que mon "parrain" Jean-Fran�ois Clervoy.

 

 

Que repr�sente pour vous le personnage de Youri Gagarine ?

Youri Gagarine est une l�gende, un mythe, le premier. Il restera toujours dans l�histoire de l�humanit� le premier.

 

 

Que repr�sente pour vous le premier Spoutnik ?

Spoutnik, c'est une r�volution incommensurable pour l�humanit� : passer de la fiction de Jules Verne � la r�alit�. J'ai l�espoir de voir le premier homme sur Mars d�ici une dizaine d�ann�es, c�est notre avenir.

 

 

Merci, Michel Fournier !

 

Interview r�alis�e par mail en juillet 2006

 

 

 

Michel Fournier et Pif en juillet 2006 aux 3e Rencontres Auriolaises Spatiales

Photo Serge Gracieux

 

 

La semaine prochaine (lundi 13 novembre 2006) : Marie-Lise Lopez

 

 

Les coordonn�es des invit�s ne sont communiqu�es en aucun cas