LES
INVITES DU COSMOPIF
N�173
(lundi 26 novembre 2007)
Photo Gilles Dawidowicz
Qui �tes-vous, Olivier de Goursac ?
Banquier
� l�international, habitant en r�gion parisienne, p�re de 5 enfants, je
viens de Mars en passant par la Lune (en fait, je suis issu d'une tr�s vieille
famille Basque, d�origine navarraise puis p�rigourdine). J'effectue du
retraitement d�images pour la NASA comme passe-temps et appartient � plusieurs
associations : A�ro-Club de France,
Planetary Society, Plan�te Mars (Mars Society), Soci�t� Astronomique de France� Je
suis �galement auteur et ai notamment publi� deux ouvrages sur Mars :
A la conqu�te de Mars et Visions de Mars.
J'ai
suivi une �cole de commerce et r�alis� de nombreux stages � la NASA et en
centres de recherche (JPL, Brown University, NSSDC�). Aujourd'hui � la ville,
je suis � la t�te du secteur "High Technologies" d'une banque pour
les financements de grands projets � l�international.
Ma
passion pour le ciel est n�e vers l��ge de 5 ans en feuilletant l�Astronomie
populaire de Camille Flammarion. Celle pour Mars est n�e en regardant des
vues de Mars peintes par Chesley Bonestell, grand illustrateur am�ricain des
ann�es 40 � 60, et parues dans les ouvrages Time-Life sur l'Univers. On
y voyait une fus�e pointue et �tincelante se poser sur Mars et des astronautes
descendre une fragile �chelle pour poser le pied sur la plan�te. Au loin, comme
des �tendues de mousses bleu�tres� En bref, de l'aventure et du myst�re !
Couverture de la premi�re �dition de l'Astronomie
populaire (1879)
et illustration de Chesley Bonestell (1949)
Je
vais vous parler de mon exploration... du Titanic : un aspect m�connu,
mais aventureux, de mes travaux d�imagerie spatiale ! Ayant longtemps
�tudi� la g�omorphologie des sites d'atterrissage sur la Lune et sur Mars,
c'est-�-dire leur g�ographie et leur positionnement par rapport aux �v�nements
ayant model� leur plan�te, j�ai eu la chance de pouvoir travailler sur la
cartographie tr�s pr�cise de l��pave du Titanic. La d�couverte de l'�pave en
1987 m'avait alors fascin�. En 1991, j'ai souhait� r�aliser une maquette
pr�cise du site de l�impact par 3 800 m de profondeur et j'ai
contact� � cet effet la soci�t� Taurus International (co-d�couvreur avec le
Woods Hole Institute et l'Ifremer de l'�pave) pour avoir un descriptif complet.
Taurus -exceptionnellement- m'a donn� l'acc�s � l'ensemble des vid�os
r�cup�r�es autour de l'�pave au cours des 2 pr�c�dentes campagnes et m'a
permis de rencontrer les pilotes de l�Ifremer qui y sont descendus, gr�ce au
sous-marin Nautile. Ces pilotes s�journent en milieu plus extr�me que les
astronautes de la NASA. Ils restent confin�s dans un volume plus �troit que la
capsule Apollo et dans des conditions encore plus difficiles � supporter :
au fond, la temp�rature ne d�passe pas 4�C dans l�habitacle dans une atmosph�re
satur�e d�humidit� par les d�gagements corporels. C��tait pour moi comme
participer � une exploration plan�taire mais v�cue � la descente plut�t qu�en
mont�e. Je les ai donc compl�tement audit�s, y compris sur leurs ressentis
visuels. Ensuite, j�ai tout visionn� (oui, toutes les bandes), les appelant de
temps � autres lorsqu�une explication �tait n�cessaire pour comprendre les
t�ches effectu�es alors � un instant "t". Le moment le plus �mouvant
de ces vid�os, c'est lorsque les plongeurs grattent avec le bras robotique du
sous-marin Nautile l'avant de la coque de l'�pave pour enlever les concr�tions
de rouille : on y d�couvre alors le mot Titanic encore bien
visible ! Peu apr�s, ayant eu vite connaissance de mes recherches (les
milieux "Titanic" et "Nautile" sont tr�s petits en fait),
l'Ifremer m'a contact� car elle souhaitait que soit expos�e une maquette de
l'�pave du Titanic au sein du Mus�e National de la Mer, alors en construction �
Boulogne-sur-Mer. J'ai d� ainsi concevoir de nouveau ma maquette en fonction
d'imp�ratifs mus�ographiques. Elle repr�sente de fa�on tr�s exacte l'�tat
actuel de l'�pave cass�e en deux grosses moiti�s avec tout son champ de
d�bris autour. Elle est suffisamment pr�cise pour permettre � d'autres
exp�ditions d'aller former leurs plongeurs sous-mariniers aux risques sur
place.
La maquette du
Titanic construite par Olivier de Goursac
expos�e �
Nausica� (Mus�e National de la Mer) � Boulogne-sur-Mer (62).
Les phares du
Nautile sur la maquette �clairent vraiment l'�pave.
Anecdote
amusante : quand j'ai d�form� une coque d'un mod�le du commerce pour
recr�er tr�s pr�cis�ment l'�tat dans lequel se trouvait la partie arri�re au vu
des vid�os qui m'avaient �t� confi�es par Taurus, je me suis aper�u que les
deux arbres de transmission auraient d� finalement se tordre sym�triquement �
l'impact sur le fond et leurs deux h�lices arri�re d�passer des s�diments.
Or, seule l'h�lice b�bord avait �t� trouv�e jusqu'alors et personne n�avait
aper�u l�h�lice tribord. Lors de l'exp�dition suivante en 1993, j'ai r�ussi �
joindre au t�l�phone mon correspondant de Taurus qui �tait sur place dans
"l�Abeille Supporter" de l�Ifremer au-dessus de l'�pave en train de
pr�parer la remont�e des objets du Titanic. Je lui ai indiqu� ma d�couverte.
Les membres de l'�quipage ont �t� tr�s incr�dules sur le moment� Je leur ai
demand� de "pousser" plus loin � tribord sous la partie arri�re. Ils
ont convenu que c��tait presque du suicide mais ils �taient pr�ts � tenter le
coup si la visibilit� �tait bonne. En effet, � cet endroit il y a peu de place
pour glisser le sous-marin et c'est en outre tr�s dangereux car des morceaux
pendent partout du surplomb au risque de se voir retrouver pris dans des c�bles
et autres d�bris. La plong�e suivante, ils ont pris le risque de glisser
compl�tement le sous-marin Nautile � tribord sous le surplomb de la partie
arri�re et ils ont finalement aper�u l�h�lice � la position que j�avais
indiqu�e. Seule une pale d�passait des s�diments� Leur situation �tait tellement
p�rilleuse, qu�ils n�ont eu que quelques instants pour la prendre en photo.
Apr�s �tre remont�s � la surface quelques heures plus tard, ils m'ont
imm�diatement rappel� de "l�Abeille Supporter" pour m'annoncer le
succ�s de leur mission avec la d�couverte de la deuxi�me h�lice !
Je choisis cette ancienne vue prise en 1976 sur Mars par la sonde Viking 1. Gr�ce aux prouesses informatiques d'aujourd'hui, on peut voir le paysage en vraies couleurs telles qu'elles appara�traient � un oeil humain ! Il s'agit ainsi d'une mosa�que d'images en haute r�solution en mode panchromatique (noir & blanc) superpos�es � un panorama pris en couleurs mais en basse r�solution... On y voit le premier pied pos� sur Mars. La symbolique forte de notre exploration du Syst�me solaire
Je
retiens la "Jeep" (ou LRV) lunaire et le module lunaire (au fond sur
l'image ci-dessous), tous deux utilis�s par l'homme pour explorer la Lune. Une
symbolique forte qui t�moigne de nos gloires pass�es mais porteuse d'une grande
esp�rance de renaissance de l'exploration spatiale pour l'avenir !
Youri
Gagarine fut un homme courageux, t�m�raire et un peu fou de confier sa vie � un
engin aussi rudimentaire� C�est pour moi ce qui fait la grandeur de son
exploit ! Mais il est largement d�pass� par ceux qui sont partis pour la
Lune� Autant Gagarine avait l�espoir de rentrer sur Terre mais, pour les
astronautes d�Apollo, une panne pouvait les laisser mourir autour ou sur la
Lune, sans espoir de revoir leur plan�te d�origine�
Il
fallait en effet �tre fou pour accepter de voyager si loin dans la minuscule capsule
Apollo puis d'aller se poser avec un petit LM sur un monde �tranger. Les
astronautes am�ricains s�y sont retrouv�s absolument seuls, sans personne pour
�tre secourus, isol�s � 400 000 km du berceau natal. L� o� la moindre
erreur, la moindre �tourderie, peut leur �tre fatale ! Avant de partir,
ils ont d� apprendre � tout savoir faire, y compris r�parer leur propre engin
spatial jusqu'� le d�monter de l'int�rieur (Apollo 13) ! Leurs points
communs : une forte personnalit�, un temp�rament de "trompe la
mort", une adaptabilit� � toutes les situations et une capacit� �
engranger les connaissances dans des domaines extr�mement divers. C'�taient des
hommes tr�s complets qui avaient aussi un moral d'acier soutenu par une foi �
toute �preuve. Car, ils �taient tr�s lucides : ils savaient bien qu'un
accident pouvait les emp�cher de revenir sur Terre et que l� o� ils allaient,
personne ne pourrait jamais venir les chercher. Mais aucun des astronautes
pendant leur mission ne pensa � la mort, m�me ceux d'Apollo 13 au pire
moment de leur d�tresse dans l'espace. Voici pourquoi ces hommes ont �t�
choisis par la NASA pour marcher sur une autre plan�te.
Mir,
ce fut de la "bidouille" russe g�niale, une station spatiale faite de
bric et de broc� Mais �a marchait et nous a donn� de belles le�ons d�humilit�,
nous qui ne privil�gions que le "high tech"�
D�sol�
d��tre � contre-courant des laudateurs et d��tre politiquement aussi incorrect�
Spoutnik ne repr�sente pas grand chose pour moi. Je n�y vois gu�re que
l�extension d�un test militaire� Un 11�me test -g�nial tout de m�me-
du lanceur R-7 balistique intercontinental, en rempla�ant une bombe A de
4 tonnes par une minuscule charge utile. C�est un test militaire dont les
conclusions ont �t� "habill�es" en "pseudo-civil" pour
servir surtout la propagande communiste avec la jolie anecdote de Korolev
faisant sonner "l�Aube" par la trompette du r�giment... Korolev �tait
peut �tre tout mais certainement pas un romantique. Les objectifs qui lui
�taient assign�s �taient pr�cis. Il dirigeait d'une main de fer ses �quipes,
parfois en les mena�ant. Il savait qu'il pouvait lui-m�me payer tr�s cher un
grave �chec par une accusation de sabotage avec sa d�portation en Sib�rie.
Notons que Wernher von Braun aurait pu r�ussir le m�me exploit 1 an et
demi plus t�t si le gouvernement am�ricain avait accept� de voir activer le
troisi�me �tage de son lanceur�
Seul
point positif : Spoutnik a �t� le premier pas pour faire prendre
conscience � l�humanit� que son avenir est dans les �toiles et que l�homme doit
explorer l�espace�
Je
r�ve de faire le tour de la Lune� Aller sur Mars pour r�cup�rer un morceau de
sonde Viking et le mettre dans mon salon� Aller explorer le syst�me d�Alpha du
Centaure !
Merci, Olivier de Goursac !
Olivier de
Goursac est notamment l'auteur des ouvrages
A la
conqu�te de Mars (Larousse, 2000) et Visions de Mars (La
Martini�re, 2005)
Interview r�alis�e
par mail en octobre 2007