LES INVITES DU COSMOPIF

 

N�44 (lundi 15 novembre 2004)

 

 

St�phane Corvaja

Responsable du service photo de l'Agence spatiale europ�enne

www.esa.int

 

 

Photo Francis Demange (Agence Gamma)

 

 

Qui �tes-vous, St�phane Corvaja ?

Je suis n� le 21 janvier 1965 � Saint-Maur des Foss�s, dans le Val de Marne, d'une m�re fran�aise et d'un p�re italien. J'ai donc la double nationalit� et j'y tiens car je me sens vraiment europ�en.

J'habite toujours le Val de Marne et ai deux gar�ons, n�s en 1995 et 1999 et appel�s Alan et Scott, en hommage � deux des 7 astronautes du programme Mercury.

 

   

 

Scott Carpenter et Alan Shepard, v�t�rans du programme Mercury

 

 

   

 

Alan et Scott Tracy, sentinelles de l'air de la c�l�bre s�rie anglaise des ann�es 60 Thunderbirds

(33 �pisodes d'une heure r�alis�s en 1965 et 1966)

 

 

Je me suis remari� en juin dernier � Las Vegas� en h�licopt�re ! On n'arr�te pas le progr�s ! Mariage qui a ensuite �t� officialis� en France.

Je suis responsable du service photo de l'Agence spatiale europ�enne et, en plus de l'espace et de l'aviation, je suis passionn� de science fiction. Je poss�de une assez belle collection de maquettes de fus�es et vaisseaux spatiaux divers.

 

 

Quel a �t� votre parcours professionnel ?

J'ai suivi ma scolarit� en France jusqu'au bac puis suis parti � Milan pour faire une ma�trise en photographie avec sp�cialit� photogramm�trie (l'�tude des dimensions et du volume d'objets d'apr�s photo). Mon th�me de recherche a �t� la pollution des fleuves en Italie du Nord et la bonification du terrain de Seveso apr�s l'accident � la dioxyne en 1976.

Apr�s ces 3 ann�es d'�tudes, j'ai un peu travaill� en Italie, notamment pour le constructeur d'appareils de prises de vue professionnels Fatif, � Milan, o� un projet de chambre photographique �tait d�velopp� avec l'�quivalent du CNRS italien.

Puis le service national est arriv�. J'ai eu la chance d'�tre affect� au service de photo-reconnaissance de la base 113 de Saint-Dizier (Haute-Marne), o� se trouvaient des Jaguar et des Mirage 4 nucl�aires. J'ai pu faire de nombreux vols sur avion et h�licopt�re et ai �t� r�compens�, � titre exceptionnel, par la M�daille de la D�fense Nationale. Surtout, mon parcours spatial a d�marr� gr�ce � mon service !

Lors d'un week-end en effet, Patrick Baudry est venu donner une conf�rence sur la base. Je suis donc rest� pour en faire le reportage et ai fait � cette occasion la connaissance de l'officier de communication de l'Arm�e de l'Air qui l'accompagnait et qui s'appr�tait � prendre le poste de chef de service photo du Centre spatial guyanais (CSG) � Kourou. L'album photo que j'ai eu le temps de pr�parer et remettre � l'astronaute avant son d�part de la base (ce que je faisais toujours) a alors marqu� l'officier de communication. Nous avons discut�, j'ai appris qu'il cherchait des jeunes, je lui ai donc envoy� mon CV et, d�s la sortie de mon service en 1989, ai �t� embauch� par Thomson CSF comme photographe du service optique-vid�o du CSG. Je me souviens d'un d�part un peu pr�cipit� pour Kourou : pour l'anecdote, j'ai sign� mon contrat dans l'avion !

S'ensuivirent 33 campagnes de lancements, de Vol 33 � Vol 52 : je n'en ai pas rat� une seule en 4 ans ! Le travail �tait ininterrompu puisqu'� l'�poque la cadence des vols atteignait 8 par an� Avant chaque lancement, je faisais les photos techniques du montage des lanceurs et des satellites (pr�s de 3 000 par campagne). Au moment du d�collage, j'�tais responsable de la r�alisation des photos de 0 � 100 m (la sortie du mat du lanceur) : une r�elle mission technique.

L'explosion du Vol 36 en f�vrier 1990 (le seul �chec auquel j'ai assist�) et la r�cup�ration des d�bris dans la mangrove dans les jours qui ont suivi constituent un moment fort de mon s�jour en Guyane. Mais je dois dire que la construction du pas de tir ELA 3 a aussi �t� une belle aventure, qui m'a permis de faire un maximum de prises de vues en h�licopt�re.

De retour en m�tropole au moment o� le programme Herm�s �tait annul�, je n'ai pas tout de suite retrouv� du travail dans le spatial. J'ai donc fait de la photo d'architecture durant deux ans, notamment pour le d�partement structure m�tal/verre de la soci�t� Eiffel ou des architectes tels Ricardo Bofill.

Puis j'ai rejoint Espace Diffusion pour m'occuper de la phototh�que du CNES et mettre en place celle de Matra Marconi Space. Et, lorsque j'ai appris qu'un poste de responsable de la phototh�que �tait "toujours ouvert" � l'ESA, j'ai aussit�t postul� pour commencer 15 jours plus tard. C'�tait le 15 d�cembre 1997, l'une des rares dates dont je me souvienne !

 

 

Quelle est votre passion, comment est-elle n�e, comment la vivez-vous ?

Ma passion pour l'espace remonte � 1972. C'est simple : ma tante italienne travaillait pour Kodak Italie et avait notamment un coll�gue � Rochester qui s'occupait du programme Apollo et, lors d'une visite � Paris avec ma tante, il m'a apport� une bobine 16 mm et des photos des missions Apollo 14 et 15. J'avais alors 7 ans et ce fut un r�el choc. Depuis, l'int�r�t pour l'aviation et l'espace ne m'a jamais quitt�, ni la photographie d'ailleurs. Je m'�tais toujours dit que, s'il y avait quelque chose de sympa � faire, ce serait de la photo spatiale !

A moins de pouvoir �tre photographe astronaute�

 

 

Quelle anecdote ou souvenir fort souhaiteriez-vous nous faire partager ?

L'un des moments les plus intenses v�cu sur un reportage photo est certainement l'attente des astronautes en fin de mission, lorsque durant une bonne demi-heure se produit le "black-out" radio puis quand appara�t enfin la capsule Soyouz sous son parachute. J'ai eu la chance de voir celle de Claudie Haigner� en octobre 2001 � la fin de la mission Androm�de, l'ouverture des parachutes et l'atterrissage. L'image est forte techniquement et �motionnellement.

Puis la sortie de l'�quipage ressemble v�ritablement � un accouchement. Et l�, je garde en m�moire celle de Jean-Pierre Haigner� deux ans plus t�t, parce que c'�tait la premi�re fois que je vivais un tel moment et parce que Jean-Pierre �tait tr�s fatigu�, livide.

 

 

Retour de la capsule Soyouz TM-29 le 28 ao�t 1999

Photo St�phane Corvaja

 

 

Plus anecdotique est cette petite surprise de l'Espagnol Pedro Duque. En octobre 2003, � deux jours du lancement de la mission Cervantes, alors que je le voyais pour la derni�re fois de pr�s � l'h�tel des cosmonautes � Leninsk, il a d�tach� de ma veste l'�cusson sur lequel j'avais fait imprim� mon nom, � l'image du corps des astronautes europ�ens, en me disant : "Confisqu�, je te le rendrai plus tard !"� Quand j'ai d�velopp� les photos de son vol, j'ai d�couvert qu'il avait coll� mon �cusson au hublot du Soyouz pour faire ce clich�.

 

 

L'�cusson de St�phane Corvaja embarqu� � bord du Soyouz TMA-3en octobre 2003

Photo Pedro Duque

 

 

Quelle serait votre photo spatiale ou astronomique pr�f�r�e et pourquoi ?

En tant que photographe, la photo que je pr�f�re est une photo que j'ai moi-m�me r�alis�e : celle du lancement d'Envisat par une Ariane 5 dans la nuit guyanaise le 1 er mars 2002. Je savais que cette image avait quelque chose d'autre, elle est dynamique et traduit parfaitement le mouvement du lancement. En plus, j'ai �t� tr�s heureux que le clich� re�oive le deuxi�me prix photo de la revue am�ricaine Aviation Week & Space Technology en 2002.

 

 

Carte de v�ux 2003 de l'Agence spatiale europ�enne

Photo St�phane Corvaja

 

 

De la m�me mani�re, quel objet spatial retiendriez-vous ?

Je suis un grand admirateur de la fus�e am�ricaine Atlas. Son design unique, avec sa structure en aluminium si fine, sa conception est formidable, avec ses deux moteurs lat�raux largu�s en vol. C'est le lanceur qui pr�sente le meilleur rapport poids � sec/masse satellis�e, qui symbolise les d�buts de l'aventure spatiale am�ricaine, avec les lancements des sondes Mariner et des capsules Mercury. M�me comme ICBM, c'est un engin fascinant.

Mais j'ai un autre objet f�tiche : la jeep lunaire (encore une invention am�ricaine, d�cid�ment !). Peut-�tre parce que j'aime bien les voitures et les d�capotables ; en tous cas, celle-l� me plairait bien ! Il n'y a que les Am�ricains pour penser � embarquer un tel engin l�-haut (prendre sa voiture pour tout, c'est tr�s am�ricain), c'est un vrai cauchemar � d�velopper, cette machine (son rangement sur les bords du LM�) ! Et puis ces images et ce rafistolage du garde boue avec une carte g�ologique, c'est g�nial ! Dire qu'on pourrait refaire partir ces machines en changeant simplement les batteries ! Avec les 3 exemplaires qui ont �t� emport�s sur la Lune, on pourrait organiser une course : une nouvelle id�e pour le X-Price !

 

   

 

 

Que repr�sente pour vous le personnage de Youri Gagarine ?

Ce qui me marque le plus dans le vol de Gagarine, c'est certainement la prise de risque : les Sovi�tiques n'ont pas h�sit� � l'�poque. Ce c�t� sans peur quitte � tout sacrifier est bien celui des pionniers. Bien s�r, il y avait la recherche de l'accomplissement de soi, mais cela restait extr�mement gonfl� de grimper sur un engin si dangereux�

 

 

Quel serait votre r�ve spatial le plus fou ?

En tant que photographe, j'aimerais bien qu'on me laisse faire mon job sur orbite ! En effet, j'entra�ne les astronautes europ�ens � faire de bonnes photos lors de leurs vols mais on n'est jamais mieux servi que par soi-m�me, non ? Je ne sais pas si je ferais un bon astronaute mais je crois que je serais un bon photographe astronaute�

Enfin, ce r�ve semblait r�aliste quand j'avais 18 ans ! Alors, si il se r�alise, j'en ai un autre plus fou : essayer le Tie Fighter de Dark Vader. L�, je suis s�r que ce n'est pas demain la veille !

 

 

Merci, St�phane Corvaja !

 

Interview r�alis�e � l'ESA le 8 octobre 2004

 

 

 

La semaine prochaine (lundi 22 novembre 2004) : Laurent Aznar

 

 

 

 

 

Les coordonn�es des invit�s ne sont communiqu�es en aucun cas