LES
INVITES DU COSMOPIF
N�192
(lundi 12 mai 2008)
Qui �tes-vous, Christophe Chaffardon ?
J�ai
34 ans et je suis responsable des activit�s �ducatives � la Cit� de
l�espace depuis maintenant 5 ans. J�ai pass� mon enfance pr�s d�une autre
Cit�, celle de Carcassonne, que j�ai quitt�e � 18 ans pour des �tudes
toulousaines. Je suis papa de deux petits gar�ons, dont l�a�n� (2 ans
et demi) croit encore dur comme fer que je suis le "pilote" de la
fus�e Ariane 5 �rig�e fi�rement dans le Parc de la Cit� de l�espace. Et bien
que ce cher lanceur europ�en n�ait jamais transport� � son bord que des
satellites, j�ai d�cid� de ne rien faire pour le dissuader de cette conviction�
Y'a-t-il un pilote dans la fus�e ?
Photo Pif
Apr�s
un bac scientifique, j�ai fait des �tudes d�ing�nieur � l�lNSA de Toulouse,
d�o� je suis sorti en 1996 avec un dipl�me d�ing�nieur en bioproc�d�s� Finalement
r�tif � l�id�e d�une vie en laboratoire et attir� depuis longtemps par
l��ducation et la culture, j�ai d�cid� de bifurquer vers d�autres horizons
professionnels d�s la sortie de l��cole. J�ai rencontr� ma "vocation"
� la Cit� des Sciences et de l�Industrie, o� j�ai travaill� pendant 1 an
comme m�diateur scientifique � la Cit� des enfants. S�duit par ce secteur
d�activit�, qui allie sciences, �ducation et culture sous un m�me discours,
j�ai souhait� orienter mon parcours professionnel vers les mus�es
scientifiques : il m�a men� tr�s vite � la Cit� de l�espace dont le
service �ducatif en cours de gestation cherchait un m�diateur scientifique pour
ses activit�s scolaires. J�y suis arriv� en 1998 et, de fil en aiguilles, apr�s
des centaines d�ateliers p�dagogiques o� j�ai crois� plus d��l�ves que ne peut
en croiser un enseignant dans une carri�re enti�re, apr�s de beaux projets et
deux bouquins � destination des professeurs d��coles, j�ai pris la
responsabilit� du service �ducatif en 2003. Je continue � assumer ces
responsabilit�s, tout en participant � la conception des expositions de la Cit�
de l�espace et en �crivant de temps en temps des sc�narios de spectacles de
plan�tarium pour les enfants. J�ai �galement particip� � l��criture de
diff�rents ouvrages documentaires sur l�espace.
Quelques publications de ou avec Christophe Chaffardon
Pour �tre honn�te, mon activit� n�est pas n�e d�une passion personnelle pour l�espace qui m�a fait r�ver comme la plupart des enfants et adolescents, ni plus, ni moins. Ce n�est pas non plus le fait que ma femme soit n�e un 4 octobre ;-). C�est bien mon go�t pour le milieu de la culture et des mus�es scientifiques qui m�a fait plonger dans le bouillon spatial, pour mon plus grand plaisir. J�y barbotte all�grement depuis maintenant 10 ans, aux c�t�s de vrais passionn�s qui me font partager les petits �-c�t�s, les zones sombres ou floues, les d�tails de cette histoire humaine � laquelle nous semblons, nous aussi, participer un peu� Un des plus beaux sp�cimens de ces puits de connaissances me fait l�honneur de partager quotidiennement mon bureau ;-) De plus, l�espace est un formidable terrain de rencontres de diff�rentes sciences, connaissances ou enjeux, qui permet d�aborder de nombreux th�mes, notamment dans le domaine de l��ducation.
Dans
le bouquin 50 activit�s avec l�espace que j�ai r�dig� pour le CRDP,
une des activit�s propos�es aux classes de primaires �tait de travailler sur la
fameuse plaque dor�e Pionner et son message � destination d��ventuels
extraterrestres. Au cours d�un salon �ducatif, j�avais mis en �uvre cette
activit� avec une classe de CM2 : dans un premier temps, il s�agissait
d��voquer avec eux l�existence des sondes spatiales, leur r�le, leur parcours,
et les messages que certaines d�entre elles destinaient � des rencontres
extraterrestres. Puis, je listais avec les enfants les messages importants
qu�il fallait leur transmettre : qui sommes-nous, quelle est notre
apparence, d�o� venons-nous, etc. mais sans leur montrer la plaque dor�e. Apr�s
avoir d�termin� ce mini "cahier des charges", la classe se divisait
en deux sous-groupes charg�s chacun d��laborer son propre message sur de
grandes b�ches pr�vues pour �tre ensuite affich�es. J�ai alors assist� � des
d�bats passionn�s entre les enfants : faut-il �crire quelque chose ?
en quelle langue ? sinon n�utiliser que des dessins ? dans quel sens
de lecture ? comment dessiner la Terre diff�remment des autres
plan�tes ? doit-on montrer la Lune ? doit-on dessiner un vaisseau
spatial ? mais lequel ? doit-on dessiner deux �tres humains ?
sont-ils noirs ou blancs ? doit-on dessiner des enfants ? etc. Le
d�bat le plus vif avait port� sur l�apparence des deux �tres humains �
dessiner : doit-on les habiller, doivent-il �tre en maillots ou m�me.�
tout nus ?
Je
me souviens de la joie des �l�ves quand, en fin de s�quence, je leur ai d�voil�
les dessins de la plaque Pionner : leur choix avait �t� le bon, l�homme et
la femme �taient nus comme des vers ! Cette activit� m�a beaucoup marqu�
car elle m�a montr� � quel point l�aventure spatiale soul�ve des questions
fondamentales sur notre existence, de vraies questions philosophiques
accessibles d�s le plus jeune �ge�
Je
choisis le portrait de l�astronaute Cernan lors de la� mission Apollo 17 (d�cembre 1972).
Cette
photo un peu floue montre la r�alit� de l�aventure humaine des missions Apollo,
elle est brute et sans fard et me s�duit pour sa valeur documentaire qui nous
fait partager de mani�re presque intime la r�alit� de ce qu�ont v�cu les
astronautes. Le regard est fatigu�, les joues creus�es, la sueur palpable,
Cernan n�est pas ras� et ne compose pas : son attitude est simple et sans
emphase, elle r�v�le n�anmoins une vraie fiert� et traduit � merveille le "sentiment
du travail accompli"� C�est un des rares clich�s d�astronautes o� perce la
dimension humaine de l�aventure dans toute sa complexit�.
Je
retiens les objets rest�s sur la Lune (le LRV par exemple).
En
regardant la Lune, je m�imagine souvent les 170 tonnes de mat�riels qui
sont entrepos�s l�-bas, abandonn�s, seule trace du passage de l�homme il y a
des ann�es, avec quelques empreintes aussi� Moi qui n�ai pas connu les missions
Apollo (n� en 1973 !), je n�ai que le frisson live du mat�riel laiss�
l�-haut � me mettre sous la dent�En attendant la prochaine ?
Mon r�ve spatial le plus fou n�est pas pour moi mais pour mes enfants : � eux de garder une part d�enfance le plus longtemps possible pour permettre les aventures spatiales les plus folles.
Je
pense au visage �trange d�un jeune russe d�une vingtaine d�ann�es, un visage o�
l�on peut lire dans une m�me expression une d�termination sans faille et une
tristesse chronique, solidement ancr�e, pr�m�ditant peut-�tre sa fin tragique.
Pour moi, Gagarine est le vrai h�ros, celui qui l�est devenu sans vraiment le
d�sirer, qui a d�pass� son courage sans en mesurer les cons�quences� Son nom
m��voque aussi sa voix, ou plut�t celle de son traducteur fran�ais.. "Le
moral est bon, je poursuis le vol�", document sonore repris d�ailleurs
dans une chanson de Manu Chao appel� Infinita tristeza� Malgr�
l�exploit et les colombes, il y a bien quelque chose de tragique dans ce
personnage�
In�vitablement,
elle m��voque sa "doublure" expos�e dans le Parc de la Cit� de
l�espace et les diff�rentes r�actions des visiteurs sur les contraintes de vie
� bord : mention sp�ciale pour les toilettes, les petits plats du lyc�e
h�telier de Souillac, les syst�mes de r�gulation d�air, les sacs de couchage au
velcro, la guitare accroch�e l� au milieu du fourbi� Je vois aussi les images
de sa d�sint�gration, comme un sacrifice �trange, un sabotage organis�, le Mers
El K�bir de la flotte russe..
Photo Pif
Dans mes livres de jeunesse sur l�aviation, je voyais Spoutnik-1comme un
objet tr�s avanc� technologiquement. Il �tait pr�sent� en fin des ouvrages, l�
o� l�histoire a�ronautique s�ouvrait aux balbutiements du spatial : les
livres que je poss�dais dataient des ann�es soixante, au mieux soixante dix, et
avaient appartenu � mon p�re et ses fr�res.. Le comble du high-tech de cette
�poque reste un objet intemporel, aux formes pures et minimalistes : il
n�a pas pris une ride !
Merci, Christophe Chaffardon !
Interview
r�alis�e par mail en avril 2008
La semaine
prochaine (lundi 19 mai 2008) : Dirk Frimout